Ce ne sont pas les actions terroristes du Hamas mais la lutte de classe indépendante et la solidarité prolétarienne de tous les pays qui pourront mettre fin à l’oppression des Palestiniens !
(«le prolétaire»; N° 551; Décembre 2023 - Janvier 2024)
La bourgeoisie palestinienne, aujourd’hui divisée en deux grandes factions – le Hamas et l’ANP – se dirige selon trois axes principaux : 1) maintenir des relations aussi étroites que possible avec les différentes puissances régionales et internationales, opposées et qui ont intérêt à la soutenir ; 2) se défendre contre l’oppression économique, politique, sociale et militaire d’Israël, mais aussi des autres États arabes de la région, et 3) soumettre le prolétariat palestinien sur lequel les deux principales factions exercent leur petit pouvoir pour en tirer une exploitation suffisante pour leur garantir les privilèges qui en découlent, et pour l’utiliser comme monnaie d’échange avec les puissances régionales et internationales avec lesquelles elles entretiennent des relations.
Le prolétariat palestinien, utilisé depuis des décennies comme force de frappe au profit des différentes factions de la bourgeoisie palestinienne et des différentes bourgeoisies des autres États arabes, a toujours été voué à être à la fois une force de travail extrêmement exploitée par la bourgeoisie sous laquelle il avait le malheur de se trouver ou de se réfugier, et de chair à canon dans les conflits avec lesquels il essayait de se défendre contre toute attaque, que ce soit en Palestine ou dans les « camps de réfugiés » en Egypte, en Jordanie, au Liban en Syrie – ou dans les conflits entre Israël et les pays où il s’était réfugié.
Palestine: un prolétariat et un peuple condamnés à être massacrés.
Israël: un État né de l’oppression du peuple palestinien et un prolétariat juif prisonnier des avantages immédiats et complice de cette oppression.
Une oppression qui n’aurait pas la force qu’elle a et ne durerait pas aussi longtemps si elle n’était pas soutenue, nourrie, alimentée par les puissances impérialistes occidentales qui ont constitué avec Israël une forteresse à leur image et ressemblance au Moyen-Orient en utilisant comme fonction hégémonique les relations étroites avec les communautés juives américaines et européennes afin de maintenir vivante la défense des intérêts impérialistes au-delà des intérêts spécifiques et « nationaux » de la bourgeoisie israélienne.
Une oppression que les puissances démocratiques occidentales doivent faire passer comme une « nécessité vitale » du peuple juif dont, hier, elles se sont rendues complices de l’extermination réalisée par le nazisme, et auquel aujourd’hui, sous la forme de l’État-gendarmerie des intérêts impérialistes occidentaux appelé Israël, elles paient cette dette historique au profit d’une bourgeoisie « nationale » à laquelle elles permettent d’exploiter une masse prolétarienne palestinienne à très bas prix et de réprimer, par des méthodes violentes considérées comme les plus efficaces, toute tentative de lutte ne serait-ce que sur le terrain de la défense économique et immédiate.
Une oppression dont l’efficacité et la durée dans le temps sont dues aussi à la passivité générale des prolétaires européens et américains qui ont déserté depuis des décennies la lutte de classe, abreuvés qu’ils le sont depuis des générations, d’illusions démocratiques et collaborationnistes.
Aussi lointaine que puisse paraître la lutte de classe du prolétariat dans les pays occidentaux, c’est la seule voie par laquelle la classe prolétarienne des pays impérialistes, d’Occident et d’Orient, qui soutiennent la bourgeoisie israélienne ou la bourgeoisie palestinienne, peut se racheter en engageant enfin une lutte sans relâche contre les vrais ennemis de classe : les impérialistes, forces suprêmes de l’oppression de tous les peuples, de toutes les nationalités.
Le prolétariat palestinien ne réussira jamais seul à se libérer de sa propre bourgeoisie et encore moins de la bourgeoisie israélienne. Il s’est déjà trouvé à plusieurs reprises dans la même situation depuis 1948, lorsque l’État d’Israël s’est imposé par la violence et a continué à occuper par la violence les terres palestiniennes. Les luttes menées par les différentes formations bourgeoises palestiniennes armées à partir des années 60 étaient déjà imprégnées d’un nationalisme vendu à des puissances étrangères dont elles recevaient le soutien et les directives, et qui n’avait rien à voir avec l’esprit et la poussée «nationale-révolutionnaire» indépendantiste qui caractérisaient les luttes contre l’oppression nationale en Algérie, au Congo et, plus tard, en Angola et au Mozambique et qui avait longtemps caractérisé la révolte spontanée du prolétariat palestinien.
Dans les plans des impérialistes vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, en particulier du Royaume-Uni, de l’URSS et, plus tard, des États-Unis, toute la région du Moyen-Orient – gonflée de pétrole et disposant de voies de communication stratégiques comme le canal de Suez, la mer Rouge, le golfe Persique – revêtait inévitablement une importance vitale pour le capitalisme mondial. Si les peuples arabes de cette vaste région avaient eu la force de se révolter contre les Britanniques et les Français comme ils se sont révoltés contre les Ottomans pendant la Première Guerre mondiale, ils auraient pu causer de graves problèmes aux impérialismes britannique et français et, à terme, aux impérialismes russe et américain qui, bien entendu, n’avaient nullement l’intention de rester à l’écart de cette région.
« C’est l’impérialisme, écrivions-nous en 1958, en découvrant et en exploitant les gisements pétroliers d’Arabie, et en insérant les États arabes nés de la désintégration de l’Empire ottoman dans le grand réseau des trafics marchands, surtout pétroliers, qui a préparé « le baril de poudre » qui aujourd’hui [1958, NdR] explose ici et là. C’est lui qui, en promettant aux Arabes l’indépendance pour les avoir comme alliés contre les Turcs ou les Allemands, et aux Juifs le foyer palestinien pour s’assurer le soutien du grand capital et des pauvres mais prolifiques minorités juives dans les pays occidentaux, a créé les prémisses de la tension qui déchire le Proche-Orient, d’autant plus qu’entre-temps les États arabes se sont renforcés économiquement et qu’Israël est devenu le grand centre d’une industrie et d’une agriculture ultra-rationalisées. » (1)
Or, la tension par laquelle le Proche-Orient était déchiré depuis longtemps ne s’est jamais calmée, au contraire elle s’est accentuée. Ce que craignaient alors les impérialistes, c’était que les peuples arabes luttent pour arriver à une unification panarabe et à un État supranational, comme c’était dans les plans de la Syrie et de l’Égypte. Mais cette unification n’a pas eu lieu en raison de nombreux facteurs historiques et contingents, y compris la rivalité traditionnelle entre tribus et cheikhs, renforcée et non atténuée au cours du temps par la découverte du pétrole et l’intervention des puissances impérialistes rivales à leur connaissance des déserts et de l’exploitation des masses déshéritées et prolétarisées non seulement de la vaste région du Moyen-Orient, mais venant aussi d’Asie centrale et d’Extrême-Orient.
La lutte pour l’autodétermination du peuple palestinien aurait pu s’insérer dans le grand cycle des luttes anticoloniales qui s’était ouvert après la fin de la seconde guerre impérialiste mondiale, et dans la seconde moitié des années 1960. Mais le gigantesque potentiel de classe représenté par le prolétariat et les masses prolétarisées palestiniennes, tout en se manifestant à travers leur lutte armée et indomptable en Palestine, au Liban, en Syrie, en Jordanie, n’exprimait pas un programme politique autonome, de classe, capable de guider le mouvement national. Ce programme politique révolutionnaire de classe n’était pas non plus présent et opérationnel sous la forme de l’Internationale prolétarienne communiste, désormais détruite et effacée depuis quarante ans. Par ailleurs, les forces politiques « de gauche » qui formaient la « résistance palestinienne », et qui se proclamaient « marxistes », étaient si imprégnées de l’opportunisme de marque stalinienne qu’elles ne pouvaient produire que des programmes politiques et des directives enfermant de plus en plus le « mouvement de libération » palestinien dans les jeux réactionnaires des oligarchies arabes et des pays impérialistes. Non seulement la grande aspiration à l’unification arabe de l’Océan Atlantique à la Mer Rouge s’éteignit rapidement, mais aussi l’illusion d’une émancipation palestinienne de l’oppression israélo-occidentale-arabe grâce à une lutte de « résistance » dirigée par les intérêts d’une bourgeoisie palestinienne corrompue et vendue au plus offrant, soutenue tantôt par un bloc impérialiste tantôt par un bloc concurrent, se heurta inexorablement à la défaite la plus tragique.
Le même opportunisme de marque stalinienne ou social-démocrate influençait aussi fortement les prolétaires occidentaux, et en particulier européens, les seuls qui auraient pu représenter l’allié fidèle dans la lutte contre le même ennemi, les classes dirigeantes bourgeoises, qu’elles soient israéliennes, arabes, françaises, anglaises, américaines ou russes. La passivité des prolétaires d’Europe à l’égard de la lutte du prolétariat palestinien ne s’exprima pas seulement en l’abandonnant à son destin, tout en maintenant des rapports de collaboration étroite avec leurs bourgeoisies nationales pour préserver ce qui pouvait passer, par rapport aux conditions de survie des prolétaires palestiniens, pour des privilèges économiques et politiques acquis au fil des ans. Elle s’exprimait également, à travers les multiples forces politiques soi-disant « communistes », en alimentant l’illusion que la solution de la « question palestinienne » était de décréter, à travers l’ONU et les différents accords entre les gangsters impérialistes, l’existence de deux États sur le même territoire.
La « résistance palestinienne », qui est encore invoquée par des soi-disant révolutionnaires communistes, actuellement représentée principalement par le Hamas à Gaza et l’ANP en Cisjordanie, sert aujourd’hui plus qu’hier à tromper et à paralyser les masses prolétariennes et prolétarisées palestiniennes non seulement en Palestine, mais aussi en Jordanie, au Liban, en Syrie, où elles se trouvent dans les fameux « camps de réfugiés », et partout où elles sont exilées, afin que leur réaction aux massacres continuels dont elles font l’objet ne s’oriente pas enfin vers la lutte de classe, la seule lutte qui les mettrait non seulement dans des conditions d’indépendance et d’autonomie vis-à-vis de toute force bourgeoise et collaborationniste, mais qui ouvrirait aussi la possibilité d’élargir la solidarité de classe avec les prolétaires des autres États arabes, avec le prolétariat d’Israël et avec le prolétariat des pays impérialistes, avant tout des pays européens.
Le chemin de la lutte de classe est sans doute long et difficile, mais c’est la seule perspective dans laquelle les faits matériels qui sont à la base de l’antagonisme entre les masses prolétariennes et les bourgeoisies dans tous les pays, poussent historiquement à la fin de toute oppression, de toute exploitation, de toute guerre par la lutte de classe révolutionnaire.
La mobilisation dans plusieurs métropoles occidentales depuis que les troupes israéliennes ont envahi la bande de Gaza, rasé les villes du nord, la ville de Gaza elle-même et procédé de la même manière dans le sud de la bande, vers laquelle Israël avait lui-même poussé plus d’un million et demi de Palestiniens du nord, où l’on salue la « résistance palestinienne », en agitant le drapeau palestinien et appelant à l’aide humanitaire et à la fin de la guerre, n’est qu’une démonstration d’une solidarité vide envers un peuple dont le énième massacre est permis, organisé et perpétré par « la seule démocratie du Moyen-Orient » protégée, soutenue et alimentée par les grandes démocraties occidentales, et surtout américaine !
Ce n’est pas la première guerre qui éclate entre Israël et Gaza, ou plutôt entre Israël et les Palestiniens. Gaza est en train de connaître le sort de Tall-el-Zaatar, lorsque ce camp de réfugiés palestiniens a été détruit et que ses habitants ont été massacrés avec une férocité sans précédent. Mais Gaza est gouvernée et contrôlée par le Hamas et elle est devenue le centre de l’influence iranienne dans une enclave aux frontières d’Israël, ce qui est insupportable pour tout gouvernement de Tel-Aviv, qu’il y ait ou non Netanyahou sa tête. Ainsi, au-delà du fait que Netanyahou et son gouvernement se sont laissés surprendre par l’attentat meurtrier du 7 octobre, au cours duquel les milices du Hamas et ses alliés jihadistes ont massacré, en une seule journée, plus de mille deux cents kibboutzim, pour la plupart des prolétaires israéliens et bien peu de soldats, et pris plus de 200 otages, et au-delà des accusations de corruption dont Netanyahou a tout intérêt à se soustraire, il reste le fait que la réaction israélienne – que les pacifistes de Washington ont qualifiée de « disproportionnée » – en bombardant aveuglément les villes palestiniennes densément peuplées et en tuant plus de 25 000 civils, femmes, enfants et vieillards compris, répond à la logique implacable d’une guerre où « l’ennemi » n’est pas seulement une milice armée, mais tout le peuple dont la milice fait partie.
C’est la logique implacable des massacres fascistes et nazis, des massacres des Bérets Verts au Viêt Nam et au Cambodge, sans parler des bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki, qui démontre que la guerre menée par la bourgeoisie contre un peuple considéré comme ennemi est une guerre totale. Dans des guerres comme celles-ci, le prolétariat est en fait la cible principale, car toutes les classes bourgeoises savent que s’il existe une force sociale capable de s’opposer à elle d’une manière décisive et avec de sérieuses chances de la vaincre, c’est bien la classe du prolétariat, surtout si elle est dirigée par le parti de classe, comme ce fut le cas en Russie en 1917. Et quand à la tête du prolétariat il n’y a pas le parti de classe, mais les partis de la collaboration interclassiste, et c’est le cas en Palestine, la classe dominante a atteint en grande partie l’objectif de détourner l’énergie prolétarienne sur le terrain le plus favorable à elle, sans avoir à le réprimer systématiquement.
Dans le cas des Palestiniens, cependant, c’est leur poussée incessante à la révolte contre l’oppression et la répression d’Israël qui pousse à son tour l’État sioniste à une répression toujours plus brutale, toujours plus violente ; une répression qui ne peut être arrêtée par aucune attaque terroriste, tant est grande la soif de terre et de pouvoir absolu dont la bourgeoisie israélienne fait preuve depuis sa configuration en Palestine après la Seconde Guerre mondiale. Au jeu impérialiste, d’abord franco-britannique, puis surtout américain, répond la constitution de l’État d’Israël, fidèle gendarme et bourreau en terre arabe et dans une région stratégiquement vitale pour le capitalisme mondial.
Mais la guerre actuelle d’Israël contre Gaza et les Palestiniens, qui vise aussi comme toujours le Liban et la Syrie, a été déclenchée dans un contexte international déjà très tendu à cause de la guerre russe en Ukraine, et dans un contexte où l’économie mondiale est au bord d’une récession de grande ampleur. C’est pourquoi l’affrontement qui semble limité entre Israël et une milice terroriste bien organisée et soutenue par les ennemis d’Israël, prend inévitablement une toute autre dimension, une dimension où les grands trusts non seulement du pétrole et du gaz, mais aussi des armements, entrent puissamment en jeu.
En tant que marxistes, nous savons que ce ne sont pas les Etats qui contrôlent les capitaux, mais ce sont les capitaux qui contrôlent les Etats, à plus forte raison dans la phase impérialiste où règne le capitalisme financier. L’intérêt prioritaire du capital financier est non seulement de profiter de toutes les situations où il peut spéculer, mais aussi de créer les conditions les plus propices à cette spéculation. Qu’y a-t-il de mieux qu’une guerre commencée, ou à commencer, et à continuer dans le temps et l’espace pour accroître les profits à une vitesse toujours plus grande, car en temps de guerre, toute arme, tout système d’armes, tout moyen, tout équipement et toute infrastructure sont destinés à s’user rapidement et à être continuellement remplacés par d’autres armes, équipements, etc. , qui nécessitent d’énormes investissements, donc d’énormes capitaux?
L’imbrication entre les intérêts financiers des grandes sociétés financières mondiales, les intérêts des grandes multinationales qui produisent tout ce qui est consommé rapidement et en quantités énormes (comme les médicaments en cas d’épidémie et de guerre, les armements, les matières premières pour la production d’énergie, la haute technologie, etc.) et les intérêts politiques des grands États impérialistes, dépasse de loin les tentatives des capitaux marginaux et des petits États de se soustraire à l’influence dévastatrice du grand capital pour devenir « autonomes ».
Mais parmi ces intérêts, il faut aussi considérer un autre élément, la main-d’œuvre salariée, source réelle, à travers son exploitation, de la valorisation du capital. Il est en effet dans l’intérêt du capitalisme que le prolétariat de tous les pays reste une classe soumise au travail salarié, une classe pour le capital, comme disait Marx, et tous les moyens économiques, idéologiques, politiques, sociaux, religieux et répressifs que les classes dominantes estiment devoir utiliser pour que les prolétaires n’échappent pas à leur condamnation sont légitimes. D’un côté, on les appelle à voter, de l’autre on les massacre parce qu’ils se rebellent et on les massacre s’ils osent s’organiser et répondre par la violence à la violence.
Cependant l’histoire nous enseigne que le prolétariat, quelle que soit sa nationalité et la couleur de sa peau, où qu’il se trouve dans le monde, peut transformer sa force sociale indispensable au capitalisme pour valoriser le capital – et donc de son exploitation perpétuelle – en fossoyeur de celui-ci, en une force détruisant l’organisation sociale capitaliste et, avec elle, la classe bourgeoise qui en personnifie les intérêts, ouvrant enfin à l’humanité l’avenir d’une société sans classes, sans exploitation de l’homme par l’homme, sans oppression, sans guerres.
La lutte de classe du prolétariat n’est pas la lutte pour la démocratie et pour la collaboration de classe entre exploiteurs et exploiteurs: c’est la lutte pour la vie contre la classe bourgeoise de tous les pays, contre l’oppression salariale sur laquelle celle-ci fonde son pouvoir, contre toutes les formes d’oppression, économique, politique, nationale, de genre, que toutes les classes dominantes – qu’elles se présentent en veste et cravate, en tunique et turban, en couronne ou en uniforme militaire – exercent sur le prolétariat et les masses déshéritées et prolétarisées partout dans le monde.
Internationale est la domination des masses humaines par le capital, internationale doit être la lutte des classes contre le capital et les classes bourgeoises qui en administrent le pouvoir.
(1) Cf.: «Mondo coloniale in fermento», «il programma comunista» n. 10/1958.
4/01/2024
Parti Communiste International
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