Rapports à la réunion générale

(16-17 décembre 2023 à Milan)

Cours de l’économie mondiale

(«le prolétaire»; N° 551; Décembre 2023 - Janvier 2024)

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(La première partie de cette série est parue dans « le prolétaire » n° 545, Juillet-Août 2022 )

 

RALENTISSEMENT ECONOMIQUE MONDIAL

 

Le plongeon historique de l’économie mondiale à la suite des mesures prises lors de la pandémie a été suivi mécaniquement par un rebond mécanique lors que ces mesures ont été levées ; mais ce rebond n’aurait pas pu avoir lieu , ou en tout cas pas avec autant de force, sans les sommes massives injectées dans l’économie par les grands Etats. Cela a permis d’abord d’éviter que le système financier international craque sous le choc (au contraire l’afflux d’argent lui a permis de maintenir et d’accroître ses profits) et donc que se tarissent les financements indispensables à l’ « économie réelle » ; et ensuite que l’activité économique en général reprenne avec vigueur, comme nous l’avons documenté dans les rapports précédents.

Ces sommes tirées des mesures financières dites « conventionnelles » (baisses des taux d’intérêts, emprunts, etc.) ou « non conventionnelles » (« quantitative easing » : rachat de titres par les banques centrales, chèques versés aux acteurs économiques, etc. ) se sont traduites par une création monétaire d’une ampleur historique : 25% d’augmentation de la masse monétaire (M2) en 2020 (près du double du record des années 70) aux Etats-Unis, 12% (M3) dans la zone euro, la plus forte et la plus rapide augmentation depuis la création de la monnaie unique (1).

Cette création monétaire débridée signifiait une perte de la valeur de l’argent : elle ne pouvait que déboucher sur une vague d’inflation, ce qui s’est vérifié d’abord aux Etats-Unis, puis en Europe et dans le reste du monde. L’inflation a ensuite été accrue par la guerre en Ukraine qui a vu flamber les prix de l’énergie et à leur suite les prix de diverses matières premières.

C’est ainsi qu’en 2021 les prix de l’énergie avaient selon la Banque Mondiale déjà augmenté en moyenne de 80% (70% pour le pétrole), ceux des métaux de 48% et ceux des produits agricoles de 22%. Alors que les experts prévoyaient une baisse ou une stagnation en 2022, aves l’éclatement de la guerre en Ukraine les prix de l’énergie augmentaient encore en moyenne de 60% (le gaz naturel et le charbon ont atteint des records de hausse en Europe: respectivement 420% et 180% par rapport à leur prix moyen des 5 années précédentes !) et ceux des matières premières agricoles de 9% (2).

Après avoir claironné que la poussée inflationniste n’était qu’un phénomène transitoire dû à la vive reprise économique post-Covid, les responsables économiques s’alarmèrent de sa durée et de son intensité sans précédent depuis plusieurs décennies, voire depuis les années 70 ; avant qu’elle devienne incontrôlable et dommageable pour l’économie, les Banques centrales mirent fin à la politique d’ « argent facile » et enclenchèrent une hausse graduelle des taux d’intérêts tandis que les responsables politiques promettaient de réduire au plus vite les déficits et de restaurer les équilibres financiers et budgétaires. En conséquence le taux d’inflation commença à baisser au cours de l’année 2023 dans la plupart des pays, parfois de manière spectaculaire, même si elle est encore souvent à un niveau élevé (voir graphiques pour les différents grands pays, en rythme annuel) (3). (Nous mettons à part le cas de la Russie).

Après cette diminution de l’inflation, les prix à la production ont commencé à baisser dans un certain nombre de pays, surtout en Europe. En moyenne pour l’Union Européenne, la baisse était en octobre, en rythme annuel, (derniers chiffres connus) de 11,22%. En examinant les différent pays nous avions pour l’Allemagne une baisse de 11%, en Italie de 14%, Espagne 7,8%, tandis que la baisse n’était que de 1,6% pour la France (septembre) et, hors UE, de 0,6% pour la Grande Bretagne. Les derniers chiffres montrent une baisse des prix à la production également aux Etats-Unis en Chine, au Japon, en Corée. Ce phénomène est un indice de la prochaine entrée en récession de l’économie mondiale, ce qui est confirmé par les indices de la production industrielle de la plupart des principaux pays.

 

[Graphique de l’indice des prix à la consommation : Voir ci-dessous]

 

PRODUCTION INDUSTRIELLE

 

Comme nous l’avons souvent répété, les variations de la production industrielle sont un indicateur beaucoup plus précis de la marche de l’économie que celles du Produit Intérieur Brut (PIB). Nous avons les chiffres suivants (4).

Etats-Unis : -0,7% ; Japon : -4,3% : Union Européenne : -6,1% ; Allemagne : -3,68% ; Espagne : -1,36% ; France : -0,1%; Italie : -2%. Par contre la production industrielle était en hausse en Grande Bretagne : 1,5%, en Chine : 4,5%, en Inde 5,8% (septembre) et en Corée, après des mois de baisse : 0,3%.

Commentaire : nous pouvons constater l’ampleur de la crise de 2008 ; pour de nombreux pays, elle n’était toujours pas surmontée en ce qui concerne la production industrielle quand a éclaté la crise du Covid. Font exception les USA, la Grande Bretagne, l’Allemagne et surtout l’Inde (qui s’est hissée au 5e rang mondial) (5)

Russie : le pays a été évidemment impacté par la guerre et les sanctions qui l’ont suivie. Il a connu une récession l’année dernière, mais moins forte que pronostiquée (PIB : -2%) et devrait enregistrer une croissance supérieure à 2% cette année.

Après avoir dépassé les 15% en rythme annuel en 2022, l’inflation était retombée en début d’année, mais elle est remontée au 3eme trimestre 2023 et elle a atteint les 6,6% en octobre. La Banque centrale russe, qui donne tous ces chiffres (6) estime qu’elle atteindra les 7,5% à la fin de l’année : c’est pourquoi elle a fortement augmenté les taux d’intérêt, en les portant à 15% pour la maîtriser, au risque de faire retomber le pays dans la récession. Après avoir baissé en 2022, la production industrielle a recommencé à augmenter à partir du printemps de cette année pour atteindre 5,3% en octobre. Elle devrait augmenter encore l’an prochain si les autorités réussissent à mettre en œuvre leur projet de doubler la production d’armements et d’augmenter de 70% le budget militaire pour le faire passer de 3,9 à 6% du PIB.

Bref, l’économie russe a réussi, au moins jusqu’ici, surmonter le choc, grâce, selon les experts, aux revenus tirés du pétrole : si les exportations de gaz russe ont diminué de 25 % en 2022, les exportations de pétrole (dont la Russie est le 3ème producteur mondial) ont augmenté de 7,6% selon le ministre russe de l’énergie (7), alors que le prix de celui-ci a fortement augmenté en 2022 et est resté élevé pendant une bonne partie de 2023. Même s’il semble que la Russie vende son pétrole à un prix plus bas que celui du marché mondial, elle n’en a pas moins profité de rentrées financières abondantes qui ont irrigué son économie.

 

[Graphique de l’indice de production industrielle : Voir ci-dessous]

 

LES PREVISIONS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

 

Les organisations économiques internationales (FMI, Banque Mondiale, ONU, OCDE etc.), sont chargées de fournir des données, de présenter des prévisions et des recommandations censées orienter les décisions des grands capitalistes et des dirigeants des différents pays. Mais elles n’ont jamais prévu ni ne prévoient jamais de récession, de peur de porter atteinte à la « confiance » des acteurs économiques et ainsi de provoquer cette récession, (même si on doit remarquer que leur optimisme viscéral n’a jamais empêché les crises). Si donc nous n’accordons aucune confiance dans leurs prévisions, il n’est pas inutile de constater que ces organisations concordent pour prévenir d’un « ralentissement » de l’économie mondiale. Prenons deux exemples.

Selon les « Perspectives de l’économie mondiale » du FMI (octobre 23), l’économie mondiale passerait d’une croissance du PIB de 3% cette année à 2,9% l’an prochain, tandis que les pays « avancés »(les grandes puissances industrielles) passeraient de 1,5% à 1,4%. Pour l’OCDE (29/11/2 3) la croissance de l’économie mondiale devrait ralentir de 2,9% en 2023 à 2,7% en 2024, tandis que pour la zone euro elle devrait passer de 0,6% en 2023 à 0,9% en 2024. Donc pas de récession, mais un « atterrissage en douceur » de l’économie mondiale en 2024 (qui serait suivie d’une reprise en 2025), telle est la promesse de ces organisations.

Si pour avoir une image plus précise, nous nous référons, non plus aux prévisions mais aux données fournies par les instituts de statistiques des différents Etats européens nous voyons une baisse de 0,1% du PIB au troisième trimestre dans la zone euro (derniers chiffres connus) (8). Par pays, Eurostat donnait : Allemagne : -01% ; Espagne : +0,3% ; France : +0,1% (9) ; Italie : 0,0% ; les pays connaissant le plus fort recul étant l’Irlande (-1,8%) la Finlande (-0,9%) et l’Autriche ( -0,6%). Pour la Grande Bretagne, l’ONS indiquait une croissance de 0,0% au troisième trimestre (10). L’Europe se dirige ainsi inexorablement vers la récession (certains pays étant déjà en récession) alors que les Etats Unis enregistraient encore une croissance de leur PIB de1,1% au troisième trimestre : nombre d’économistes attendent une récession américaine pour le premier semestre 2024 (11).

 

AGGRAVATION DES CONTRASTES INTER-IMPERIALISTES ET DES TENSIONS SOCIALES

 

Quoi qu’il en soit de la pertinence réelle de tous ces chiffres, ils permettent de conclure à coup sûr au marasme de l’économie mondiale ; celle-ci vient de subir une série de chocs violents qui ont ébranlé les équilibres économiques, mais aussi politiques et sociaux : plongée brutale lors de la pandémie, poussée inflationniste jamais vue depuis des années ou des décennies, hausse la plus forte et la plus rapide des taux d’intérêt au niveau mondial depuis 40 ans (12), conséquences de la guerre en Ukraine, et menaces d’extension du conflit du Moyen-Orient ; les organisation économiques internationales avertissent des risques que fait courir à l’économie le niveau très élevé de l’endettement des pays (équivalent à 238% du PIB mondial en 2022) . Inférieur à celui de la période du Covid, il est cependant reparti à la hausse, la Chine ayant connu la plus forte augmentation de la dette des entreprises (depuis les années 80 la croissance chinoise repose en partie sur l’endettement, public et privé). De nombreux pays, surtout « en développement », mais pas seulement, sont menacés de ne pas pouvoir rembourser leurs dettes.

Les difficultés économiques alimentent les rivalités entre les pays impérialistes, y compris entre « alliés » ; l’administration américaine de Biden a continué sur la voie de Trump en mettant en œuvre des mesures de type protectionnistes (« Inflation Reduction Act», etc.) qui pénalisent les capitalistes européens tout en s’attaquant aux intérêts du capitalisme chinois ; elle utilise la guerre en Ukraine pour affaiblir la compétitivité des Européens et leur prendre des parts de marché (armements et autres). Mais sur le plan de l’énergie, elle n’arrive pas à imposer sa loi aux pays producteurs, de la même façon qu’elle a le plus grand mal à se faire obéir par des puissances de second rang, d’Israël à la Turquie.

Sur le plan social les perturbations économiques ont eu des conséquences importantes, selon les organisations internationales elles-mêmes, suivant les pays : augmentation de la pauvreté de la misère et de la faim, baisse brutale des salaires réels entraînant des difficultés plus grandes pour maintenir la paix sociale.

Nous avons consacré plusieurs articles de notre presse à des épisodes aussi significatifs que les vagues de grève en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis qui tranchent avec l’apathie des années antérieures (sans parler des agitations en France ou ailleurs). Il serait illusoire de prendre ces épisodes pour le début de la reprise de la lutte de classe au plein sens du terme. Mais ils démontrent que les secousses économiques du capitalisme qui obligent le capitalisme à attaquer plus durement les prolétaires, pousse inévitablement ces derniers à la lutte. Les secousses encore plus grandes qui s’annoncent avec la récession qui vient, seront suivies de luttes elles aussi plus intenses et étendues au cours desquelles les prolétaires devront s’affronter non seulement aux capitalistes et à leurs Etats mais aussi à leurs chiens de garde politiques et syndicaux.

Les bourgeois le savent et s’y préparent ; nous devons aussi le savoir et nous y préparer, en essayant d’y préparer, dans la mesure de nos moyens, les prolétaires réceptifs à nos positions.

 


 

(1) cf. Bulletin de la Banque de France n°239/2. M1, M2 et M3 sont des agrégats statistiques plus ou moins larges, de la masse monétaire.

(2) cf. World Bank, Commodities Market Outlook, octobre 2021 et octobre 2022

(3) source: trading economics, variations sur un an, d’après les institutions statistiques nationales respectives.

(4) ibidem (chiffres de septembre) et Eurostat octobre 2023. Chiffres de toute l’ « industrie » (y compris le secteur de l’énergie et des mines) moins la construction, en rythme annuel.

(5) Avec 5,1% de la production « manufacturière » (usines) mondiale, elle se classe selon l’ONU derrière la Chine (28,7%), les USA (16,8%), le Japon (7,5%) et l’Allemagne (5,3%), mais devant la Corée du Sud (5%), l’Italie (2,1%), la France (1,9%), la Grande Bretagne (1,8%) et l’Indonésie (1,6%). Chiffres pour 2019 selon la « valeur ajoutée » en dollars courants.

(6) The Guardian, 27/10/23

(7) Les Echos, 13/2/23

(8) Eurostat, Evolution rapide du PIB pour le 3ème trimestre 2023, 14/11/23.

(9) Mais, selon l’INSEE du 29/11/23, le PIB en France avait en réalité commencé à baisser au 3ème trimestre : -0,1%.

(10) Office for National Statistics, 10/11/23

(11) BNP Paribas, Eco week, 27/11/2023

(12) World Bank, Global Economic Pospects, juin 2013

 


 

 

Indice  de l’inflation

(Source: FRED)

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Indice  de la production industrielle

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