A Gaza l’Intelligence artificielle au service des massacres israéliens

(«le prolétaire»; N° 551; Décembre 2023 - Janvier 2024)

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Récemment apparaissait dans les médias, dont le journal « Le Monde », que l’armée israélienne, Tsahal, utilisait l’IA (Intelligence Artificielle) pour densifier ses bombardements, accroître le nombre de ses cibles, enchainer les séquences de tirs toujours plus rapidement, et, rajoutons-nous, en se moquant bien des ravages causés sur la vie des civils palestiniens. Benaymin Netanyahou, premier ministre, Yoav Gallant, ministre de la défense et Herzi Haveli, chef d’état-major, et tout le gouvernement israélien, répètent à l’infini depuis 3 mois que le but de la guerre à Gaza est d’éliminer organisativement et physiquement le Hamas – qu’ils ont pourtant chéri depuis près de 20 ans à des fins bassement politiciennes pour écarter de Gaza l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – tout en prétendant sauver les otages israéliens et, nec plus ultra, minimiser les pertes civiles comme jamais cela n’a été fait dans aucune guerre. En fait, la réalité de l’objectif militaire israélien ne ressemble en rien à une angélique auréole, elle est de façon parfaitement assumée par Israël de faire payer le prix fort et vengeur aux prolétaires et masses palestiniennes pour le violent massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre.

Dans l’action sanglante du Hamas, le sionisme, qui modèle toute la politique de l’Etat d’Israël, trouve une justification idéale pour faire de grands bonds en avant vers l’objectif du Grand Israël, celui qui va jusqu’au Jourdain et englobe la bande de Gaza ainsi que le Golan, déjà acquis. Le démenti officiel apporté aux déclarations successives de ces plus hauts responsables de l’Etat, affirmant que la solution à la « sécurité d’Israël » consistait à chasser les palestiniens de Cisjordanie et de Gaza vers d’autres pays arabes, ne cache pas qu’Israël cherche par la terreur à les faire fuir de leurs terres, dans une nouvelle Nakba. Pour atteindre ces buts suprêmes et intangibles, le sionisme a besoin de temps et surtout de ne pas rater les occasions historiques qui peuvent servir sa cause, quitte parfois à les provoquer. Il se trouve par un fait dramatique que l’occasion est là et ce qui est globalement une stratégie de conquête passe aujourd’hui pour une nécessité de défense vitale et légitime. L’efficacité de l’intervention militaire est donc un critère fondamental d’Israël qui doit, dans un temps court, écraser totalement son adversaire palestinien s’il veut avoir une chance de le faire plier à cette exigence de départ. Cette efficacité se mesure cyniquement par le nombre de frappes, la puissance de ces frappes, le nombre de destructions matérielles (infrastructures, logements, hôpitaux, etc.), le nombre de victimes, et la haute fréquence des frappes, laissant les prolétaires et les masses palestiniennes dans l’incapacité même de se protéger et les entrainant dans une errance douloureuse et inhumaine d’un bout de territoire non encore bombardé à un autre dès que tombent les bombes sur le soi-disant havre de sécurité. Pour porter cette efficacité meurtrière à son plus haut degré, Tsahal utilise donc les services de ses puissants centres informatiques, capables de planifier, d’organiser et de gérer dans l’action les bombardements et les autres opérations militaires, grâce à un logiciel nommé religieusement « Habsora » (l’Evangile), dont les victimes civiles palestiniennes apprécient certainement la parole divine, celle qui vient avec fracas du ciel. « Le Monde » du 5/12/2023, citant le site Internet de Tsahal, expliquait que ce logiciel est un « système qui «permet d’utiliser des outils automatiques pour produire des cibles à un rythme rapide (…) en améliorant le renseignement (…) avec l’aide de l’intelligence artificielle»». Le titre de la référence internet citée – «Une usine à cibles (qui) fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre» – démontre  à lui seul d’une part que l’opération dévastatrice sur Gaza était déjà programmée, mais mise en attente de la nécessité et de l’opportunité de la déclencher, et surtout d’autre part, que le militarisme bourgeois est aussi soumis à l’augmentation de la « productivité », chassant les temps morts, la lenteur des tâches humaines et aussi, pourquoi pas, les tergiversations d’état-major, tout étant planifié à l’avance en multiples scénarios et tout en assurant la cohérence des opérations.

Le même « Le Monde » mesurait ainsi l’augmentation de la productivité guerrière de Tsahal : « L’armée israélienne assure également avoir attaqué «15.000 cibles» durant les trente-cinq premiers jours du conflit, contre 5000 à 6000 durant les cinquante et un jours qu’avait duré l’opération «Bordure protectrice», en 2014 ». Selon ces chiffres, on est donc passé d’une « productivité » de 100 cibles par jour en 2014 à plus de 400 par jour aujourd’hui. La productivité du « travail » a donc augmenté de 400 %. A l’usine, l’augmentation de la productivité diminue le temps nécessaire à la production d’un objet-marchandise, portant en lui la réalisation du profit capitaliste une fois sur le marché. Il y a une évidente corrélation à relever entre l’entreprise capitaliste produisant des marchandises et l’entreprise-armée détruisant des marchandises. Plus vite on détruit des marchandises (dans ce cas principalement des infrastructures et des immeubles), plus vite viendra le temps de les reproduire et d’engranger les nouveaux profits enfantés par les destructions de la guerre. Comme en Ukraine, les capitalistes se pressent déjà au portillon et sont pressés que les Messieurs de la guerre finissent leurs œuvres et que les affaires reprennent sur les ruines laissées par les bombes.

On parle de l’IA certes, mais il faut considérer qu’il ne s’agit que d’un saut qualitatif – fut-il impressionnant – de la performance des logiciels et de leurs algorithmes, logés dans des supercalculateurs, et capables de traiter une quantité phénoménale de données introduites par le travail humain dans de toujours plus  vastes silos numériques. Mais ce n’est pas tant la révolution copernicienne qu’on voudrait nous faire croire, c’est seulement un important saut technologique, dans le prolongement de la technologie informatique déjà existante. Il ne faut pas perdre de vue que l’informatique est née du secteur militaro-industriel des Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale et qu’elle est utilisée depuis lors par toutes les armées du monde chargées de la défense de leurs intérêts capitalistes nationaux, et déjà d’une ampleur inversement proportionnelle à la taille de plus en plus réduite des composants électroniques.

La « productivité » des bombardements sur Gaza dépend  de la quantité et de la qualité des informations de terrain qu’on introduit dans les bases de données, mais aussi bien sûr des paramètres de décision, et dans le cas particuliers desdits « paramètres de ciblage », que les chefs militaires définissent avec l’aval ou pas des dirigeants politiques. A ce sujet et toujours dans l’article précité, il est indiqué que le paramètre de « valeur hiérarchique » du militant Hamas désigné à la machine comme bon pour destruction a été abaissé par Tsahal de celle de dirigeant responsable à celle de simple « agents subalternes » (cela pouvant aller certainement jusqu’au simple militant  puisqu’Israël veut détruire tout le Hamas sans exceptions) et que la présence d’un seul de ces « agents » dans un immeuble d’habitation suffit à motiver la frappe sur l’immeuble. Dans la même veine destructrice, le nombre de victimes collatérales autorisées dans la cadre d’une attaque ciblée pour un seul membre du Hamas, serait passé de « dizaines de morts » à des « centaines ». Le nombre élevé de victimes civiles des bombardements sur Gaza était donc planifié !

Depuis l’apparition de l’IA comme système informatique à haut niveau algorithmique, toutes les industries de l’armement, de l’ingénierie informatique et du renseignement, se sont immédiatement lancées dans son adaptation sur des matériels militaires déjà existant et dans de nouveaux grands projets d’applications logicielles, à commencer par celui de l’accumulation des données indispensables à son utilisation efficiente. Le laboratoire de tous ces ingénieux cerveaux au service de la défense de l’Etat bourgeois et chargés de ces développements industriels, c’est le mortel terrain des guerres bourgeoises encore localisées en ce moment de l’histoire – dont notamment l’Ukraine et la Palestine –, mais se succédant à un rythme de plus en plus soutenu jusqu’à leur extension future mais inéluctable dans une guerre impérialiste générale embrasant le monde si le prolétariat ne l’empêchait pas par sa force révolutionnaire.

Dans ce spectacle d’apparence virtuelle de la course à la mort, les idéologues démocrates de tous formats se sentent déboussolés et expriment, à qui leur prête attention, leurs états d’âme sur les risques que la volonté et le contrôle de l’ « humain » soient dépassés et tenus à l’écart par la froide logique des algorithmes. Fondamentalement et masqués par leurs discours le plus souvent pacifistes, ils ne rejettent pas la guerre, mais seulement son conditionnement dans une boîte noire nommée « computer ». Leurs atermoiements sur les effets néfastes de l’IA sur la société, tant sur le plan militaire que civil, les amènent à de studieuses et stupides réflexions sur « l’éthique de l’IA », multipliant les débats, colloques et associations garde-fous de la démocratie bourgeoise, notamment sur les thèmes de la sécurité intérieure et du contrôle social, domaines de l’Etat qui par ailleurs sont une grande source de données pour nourrir l’IA militaire. Sur le plan militaire leur hantise n’est pas l’action comme telle de la machine autonome de guerre (les drones par exemple), mais que celle-ci puisse prendre le pouvoir de décision sur l’homme et sa grande mansuétude quand il s’agit de tuer l’ennemi ! L’armée des idéologues bourgeois, forme la machine de guerre propagandiste de la société capitaliste dont le rôle est en tout temps de créer de fausses perspectives politiques et sociales pour que s’y engouffre le prolétariat, seule classe historiquement porteuse de la révolution communiste et de l’espoir de l’humanité en une société sans classes et sans guerres. Selon eux, il suffirait dans le monde obscur de l’armement et de la guerre, à l’image de ce qu’ils réclament au sein des entreprises capitalistes, d’une bonne « gouvernance » des règles de conception et d’utilisation de l’armement « intelligent », et pendant qu’ils débattent et répandent leur rideau de fumée, le capitalisme, plongé dans les affres provoquées par ses propres crises à répétition, avance à grands pas dans la production élargie des armes « intelligentes » et donc très autonomes de ces palabres de galerie! Et nous n’aborderons pas la question de la guerre de l’espace pour laquelle le capitalisme se prépare tout aussi assidûment.

Balayons les rideaux de fumée et affirmons encore et toujours que la révolution prolétarienne, communiste, internationaliste dans ses principes et mondiale dans son étendue est la seule voie par laquelle la classe ouvrière pourra mettre fin au règne du capitalisme exploiteur et guerrier et pour lequel le développement technique et scientifique, dont l’IA fait partie, n’a d’intérêt que s’il contribue à la réalisation du profit et à la défense – militaire – des conditions dans lequel il se réalise. Mais sur son chemin de la révolution, la classe ouvrière sera confrontée aux assauts de la contre-révolution bourgeoise et toute démocratique qu’elle se présenterait, elle n’hésitera pas à mettre en œuvre les moyens militaires les plus « intelligents » et « autonomes » en sa possession, épaulée dans sa tâche par son appareil policier, lui aussi devenu « intelligent ».

Les prolétaires, s’ils veulent faire de leur révolution un succès, devront donc combattre un adversaire de classe toujours plus armé et exercé à l’exercice policier et militaire. Mais leur grande force sera par leur lutte de classe de pouvoir bloquer et paralyser le bon fonctionnement de la machine de guerre contre-révolutionnaire. Même si aujourd’hui le prolétariat est encore à genoux et doit partir de loin pour atteindre ses objectifs, la lutte de classe, et en particulier la lutte antimilitariste de classe, se développera car c’est la seule issue pour se défendre de la barbarie capitaliste et elle s’unifiera et se renforcera par l’indispensable direction de leur parti de classe, communiste et internationaliste.

 

05/01/2024

 

 

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