Les paysans luttent pour défendre leurs intérêts patronaux auprès des Etats nationaux.

Les prolétaires devront entrer en lutte dans tous les pays contre les patrons et les Etats bourgeois !

(«le prolétaire»; N° 552; Février-Mars-Avril 2024)

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Au bout d’une quinzaine de jours de mobilisation marqués par des barrages routiers, des manifestations diverses, la menace de bloquer Paris, la tentative d’occuper le marché de gros de Rungis, etc., le mouvement des agriculteurs français s’est terminé à l’appel des principaux syndicats : la FNSEA – Fédération des Exploitants Agricoles – qui représente le tout puissant lobby agraire (son président Arnaud Rousseau, gros propriétaire foncier est le dirigeant d’ « Avril » grand groupe agro-industriel et d’une quinzaine d’entreprises) et la Coordination Rurale, proche de l’extrême droite ; le gouvernement a largement donné satisfaction aux revendications formulées par ces syndicats, notamment le maintien de la détaxe du gazole agricole, l’arrêt du plan visant à diminuer l’usage des pesticides qui empoisonnent les populations, la levée des contraintes environnementales et administratives, le versement rapide des indemnisations à la suite des catastrophes récentes et des subventions européennes, un contrôle des prix payés par la grande distribution aux producteurs pour garantir un revenu à ces derniers (loi « Egalim »), etc.

Un troisième syndicat, la Confédération Paysanne – opposé à l’« agrobu-siness » de la FNSEA et proche des « altermondialistes – a tenté en vain de poursuivre le mouvement.

Outre la France cette agitation paysanne a déjà touché et touche une bonne partie des pays européens : Hollande, Pologne, Allemagne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Grèce, Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Portugal, Slovaquie. dans tous ces pays il y a parfois des points spécifiques, mais ceux qu’on retrouve partout sont liés à l’inflation des prix des carburants et des intrants (engrais, etc.) aux contraintes pour réduire (un peu) les atteintes à l’environnement alors qu’une augmentation de la concurrence entraîne une pression sur les prix de vente, diminuant la rentabilité des exploitations au point parfois de mettre en péril leur viabilité.

En particulier l’Union Européenne a exempté les produits agricoles ukrainiens de droits de douane depuis le début de la guerre, les exportations agricoles étant la première source de devises pour Kiev : il faut bien que l’Ukraine ait des ressources suffisantes pour payer les armes occidentales et rembourser les prêts « généreusement » accordés ! Mais l’Ukraine, où la production agricole pour l’exportation est le fait de gigantesques exploitations aux coûts de production très bas, alors que la majorité des paysans survivent sur des petits lopins, est un géant agricole et le boom de ses exportations agricoles vers l’Europe (+ 176% en volume entre 2021 et 2023) a déstabilisé certains secteurs (volaille, miel, sucre notamment). Cependant les agriculteurs se plaignent aussi de la concurrence d’autres pays extra-européens, ce qui explique leur opposition aux traités de libre-échange et même de pays européens !

En réalité dans des périodes de difficultés économiques, la concurrence s’exacerbe et la crise entraîne la chute des entreprises les plus faibles : c’est une loi du capitalisme à laquelle ne peuvent échapper les entreprises agricoles. L’agriculture européenne est devenue une des premières au monde et le premier exportateur mondial, grâce aux subventions qu’elle reçoit dans le cadre de la PAC (Politique Agricole Commune) ou directement des Etats respectifs. Ces subventions ont permis d’accroître le développement capitaliste de l’agriculture en favorisant la concentration des terres et la mécanisation des exploitations.

Le résultat est qu’aujourd’hui en moyenne 29% des revenus agricoles dans l’Union Européenne viennent des subventions ; mais ce chiffre se monte à 45% en Allemagne, à 80% en France et jusqu’à 93% en Finlande (hors UE : 70% en Suisse et 82% en Norvège). En France le chiffre pourrait atteindre les 100% dans certaines filiales comme l’élevage des bovins! Ces aides massives qui permettent en temps normal de maintenir hors de l’eau les exploitations les moins rentables (tout en assurant aux plus grandes de juteux profits) deviennent insuffisantes en cas de crises économique ou climatique comme la sécheresse en Espagne.

Les médias ont multiplié les reportages sur les difficultés des paysans à avoir un revenu convenable, sur leurs maigres retraites, etc. (en France un quart des paysans vit sous le seuil de pauvreté ; en Roumanie des millions de paysans vivotent misérablement sur des terres trop petites pour recevoir des subventions de la PAC) ; mais ils ne parlent jamais de la situation des ouvriers agricoles, souvent soumis à des conditions d’exploitations bestiales, surtout lorsque ce sont des travailleurs immigrés saisonniers.

Comme les prolétaires les paysans sont touchés par la crise économique et sont victimes des soubresauts du capitalisme ; mais en tant qu’« exploitants agricoles » ils ne s’opposent pas au capitalisme, ils ne peuvent que défendre les intérêts patronaux de leurs entreprises (baisse des « charges sociales », etc.), demander le soutien de l’Etat, la fermeture des frontières et la hausse des prix de leurs produits – autant de revendications anti-prolétariennes. Dans le meilleur des cas certains d’entre eux défendent la perspective d’une « autre » agriculture « non productiviste », respectueuse de l’environnement et de la santé – perspective aussi illusoire que celle d’une société « à visage humain » tant que n’est pas détruit le capitalisme !

Il y a plus d’un siècle Lénine écrivait (1) : «Dans les journaux et les revues populistes on rencontre souvent l’affirmation que les ouvriers et les paysans «travailleurs» forment une seule classe … Le soi-disant paysan travailleur est en réalité un petit patron ou un petit bourgeois, qui presque toujours vend sa propre force de travail ou emploie lui-même des salariés. Étant un petit patron, il oscille également en politique entre les patrons et les ouvriers, entre la bourgeoisie et le prolétariat. (...) C’est pourquoi dans tous les pays capitalistes, les paysans, dans leur ensemble, sont restés jusqu’ici éloignés du mouvement socialiste des ouvriers et ils adhèrent à différents partis réactionnaires et bourgeois ». «/e paysan se tue de fatigue, plus que le travailleur salarié. Le capitalisme condamne les paysans à la plus grande des oppressions et à la ruine. Il n’y a pas pour eux d’autre voie de salut sinon l’union avec les travailleurs salariés dans la lutte de classe (c’est-à-dire la voie qui passe par la ruine patronale). Mais pour comprendre cette conclusion, le paysan doit perdre au cours de longues années toute illusion sur les mots d’ordre trompeurs de la bourgeoisie ».

Et les paysans ne pourront le comprendre que si les prolétaires entrent effectivement en lutte pour défendre leurs intérêts propres de classe contre le capitalisme et tous les Etats bourgeois, sans se laisser égarer par les partisans des unions interclassistes et nationalistes, pour l’instauration d’une société sans classes ni marchés, sans frontières ni Etats : le communisme !

 


 

(1) Pravda, 11,12/6 :1913, cf. Lénine, O.C. tome 19, pp 217, 221.

 

 

Parti Communiste International

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