L’émancipation des femmes ne se produira jamais dans la société capitaliste : ce sera le résultat de la lutte des prolétaires femmes et hommes unis dans un même mouvement de classe révolutionnaire pour le communisme
(«le prolétaire»; N° 552; Février-Mars-Avril 2024)
Les républiques démocratiques les plus avancées, tout en se glorifiant d’un progrès sans cesse croissant dans les domaines économique et social, technique et scientifique, se vantent d’avoir atteint un niveau de civilisation jamais atteint auparavant, et de posséder le seul mécanisme politique et social – la démocratie en général – capable d’assurer le dépassement de toute contradiction, de toute inégalité, de tout contraste social, sur la base d’une conception idéologique qui place au centre la pleine liberté et l’égalité entre tous les individus, comme entre toutes les nations.
Toutes les Constitutions républicaines contiennent des valeurs idéologiques, politiques et sociales qui justifient les luttes et les guerres pour renverser les obstacles idéologiques, politiques et sociaux que représentent les vestiges des sociétés antérieures, habituellement catalogués comme totalitarismes, autoritarismes, fascismes que l’histoire passée et présente nous a fait connaître et qui subsistent encore aujourd’hui dans différentes parties du monde.
Les bourgeois d’aujourd’hui, comme ceux d’hier et de demain, attachent une valeur historique inestimable à la recherche frénétique du profit, qui est le résultat économique et social de l’exploitation toujours plus intense et bestiale du travail salarié, non seulement au niveau de l’entreprise ou au niveau national, mais au niveau mondial. La différence entre le XXIe et le XIXe siècle réside seulement dans le développement croissant du capitalisme à l’échelle mondiale : un développement qui n’a pas seulement signifié un progrès économique et industriel, mais qui a inévitablement entraîné avec lui, et en aggravant les pires conséquences, les inégalités, les oppressions, les violences, les guerres qui l’ont toujours caractérisé.
La bourgeoisie chante des hymnes au « peuple » ; mais le peuple, en réalité, est constitué de classes sociales antagonistes entre elles : la classe possédante, qui possède tout – terre, industrie, commerce, transport et tout ce qui est produit – et qui en défend la propriété privée par l’intermédiaire de l’État central, et la classe prolétarienne, la classe des salariés, des sans réserves, qui ne possèdent rien et dont la vie dépend exclusivement de l’exploitation de leur force de travail par la classe possédante, la classe capitaliste.
Ce sont les deux classes fondamentales de la société moderne porteuses d’objectifs historiques bien précis: la classe bourgeoise, jadis révolutionnaire, qui a transformé la société féodale en une société supérieure grâce au travail salarié et au développement industriel, et la classe prolétarienne, c’est-à-dire la classe des ouvriers et de tous les travailleurs qui ne vivent que de leur salaire et qui, par leur travail, produisent la richesse de toutes les nations.
Entre ces deux classes principales se situent les demi-classes, les couches de la petite bourgeoisie qui représentent la petite industrie, le petit commerce, la petite propriété foncière et qui couvrent toutes les fonctions et les tâches requises par les entreprises et les administrations publiques, que le développement du capitalisme industriel et financier n’a pas fait disparaître complètement, mais qui, au contraire, surtout en période de crise économique, constituent une base sociale importante pour la reprise de l’économie capitaliste.
C’est pourquoi toute référence au peuple est en réalité un masque de la réalité sociale qui consiste précisément dans l’antagonisme entre la classe bourgeoise dominante et la classe prolétarienne. Cet antagonisme de classe n’a pas été inventé par le marxisme, mais il est le produit historique de la division en classes de la société, à travers laquelle les classes dominantes, qui hier opprimaient toutes les classes subordonnées (paysans, artisans, petite bourgeoisie urbaine), continuent aujourd’hui à opprimer les classes laborieuses. Pourquoi la classe dominante a-t-elle besoin d’opprimer les classes laborieuses ? Parce que la classe dominante, bien qu’étant une minorité, peut exercer sa domination sur toute la société à condition de soumettre par la force à ses exigences les classes dont elle tire la plus-value, c’est-à-dire le profit. Mais l’oppression que la classe bourgeoise exerce aujourd’hui sur la classe prolétarienne n’est pas la seule oppression existante. La bourgeoisie, une fois constituée au niveau national comme classe dominante et ayant ouvert la voie à la concurrence, précisément parce qu’elle tend à dominer le marché (qui est le débouché nécessaire de ses marchandises), défend le régime de la propriété privée et sa domination économique, sociale et, partant, politique, en s’opposant aux autres classes sociales qu’elle soumet à ses propres intérêts de classe. Au sein de ce régime d’oppression principale se développent toutes les autres formes d’oppression qui caractérisent une société divisée en classes, comme l’oppression des femmes ou celle des nations les plus faibles.
Le progrès civil, industriel, culturel de la bourgeoisie n’a nullement surmonté l’oppression des anciens régimes, il l’a au contraire amplifiée et répandue dans le monde entier. Et ainsi, à l’oppression de la femme et des nations les plus faibles, déjà connues autrefois, la bourgeoisie moderne a ajouté l’oppression salariale.
Le développement de la technique industrielle, le développement du commerce et du marché ont accru la nécessité de produire davantage, de produire plus de choses, de les distribuer sur plus de marchés au niveau national et de plus en plus au niveau international. A l’exploitation du travail salarié dans laquelle étaient impliqués les prolétaires masculins s’ajouta, à un certain moment, l’exploitation du travail des enfants et des femmes : toute la famille prolétarienne était ainsi plongée dans l’exploitation capitaliste. Les inégalités salariales, qui s’étaient déjà imposées pour les différentes spécialisations industrielles, se sont étendues et accentuées, y compris dans le domaine du travail des enfants et des femmes. Et ainsi, la femme, qui souffrait déjà de l’oppression que la société bourgeoise avait héritée des anciennes sociétés, a vu tomber sur elle une nouvelle oppression, celle salariale. Il est évident que ces oppressions pèsent surtout sur les femmes prolétaires, sur les femmes de la plèbe et de la paysannerie pauvre, alors qu’elles pèsent beaucoup moins sur les femmes qui font partie de la classe bourgeoise dominante.
La société bourgeoise, avec tout son progrès économique et social, avec toute sa civilisation moderne, avec toutes ses valeurs de liberté, d’égalité, de démocratie, n’a pas su, deux cents ans après la grande révolution bourgeoise française, surmonter les oppressions qui caractérisaient les vieilles sociétés féodales et patriarcales, qui ont pourtant été combattues et vaincues.
La liberté et l’égalité sont restées des mots écrits sur les drapeaux et dans les constitutions, mais elles n’ont jamais trouvé d’application ; et non pas à cause de la mauvaise volonté des bourgeois qui, en tant que révolutionnaires, croyaient vraiment pouvoir les appliquer, mais pour des raisons matérielles bien précises et inexorables : le mode de production capitaliste que la bourgeoisie a considérablement développé après avoir détruit le pouvoir des vieilles classes dominantes ne supportait aucune liberté autre que celle du capitaliste d’exploiter la main-d’œuvre salariée pour augmenter le capital, son pouvoir économique et social, dans la lutte concurrentielle contre d’autres capitalistes ; il ne supportait aucune égalité qui ne soit dictée par des intérêts économiques temporaires communs avec d’autres capitalistes. La liberté et l’égalité que la bourgeoisie dominante réservait et réserve aux masses exploitées et appauvries ont toujours été des miroirs aux alouettes : des promesses verbales et écrites jamais réellement tenues et appliquées, pour duper les masses exploitées et déshéritées.
Et même quand les bourgeoisies acceptent de faire passer certaines lois (sur le mariage, sur le droit de la famille, sur le divorce, sur l’avortement, sur l’éducation des enfants, sur la santé publique, etc.), sous la pression de manifestations et de luttes économiques et politiques qui mobilisent de grandes masses revendiquant démocratiquement l’application ou la reconnaissance d’au moins certains des droits promis ou consacrés par les constitutions que les classes dominantes elles-mêmes ont pris soin d’écrire, elles le font en essayant de limiter autant que possible ces concessions ; et elles sont toujours prêtes à y revenir par la suite, ou, tout simplement, a les rendre impraticables dans les faits (comme, par exemple, le droit à l’avortement ).
Cela montre que la démocratie, la collaboration entre les classes, le « dialogue social », les débats parlementaires, les pétitions, les collectes de signatures, etc., c’est-à-dire toute la série interminable de formes de pression permises par la démocratie bourgeoise pour obtenir la reconnaissance de droits considérés comme fondamentaux d’une société civile moderne, ne servent nullement à assurer la reconnaissance effective et durable de ces droits. D’autre part, les chartes constitutionnelles consacrent le droit à une vie digne, en toute sécurité, la liberté d’expression et de manifestation de la pensée et mille autres « droits » qui, en réalité, ne sont respectés par la justice bourgeoise qu’en faveur des membres de la grande bourgeoisie.
Qu’en est-il du droit des femmes à ne pas subir de violence, que ce soit à la maison, sur leur lieu de travail, dans les rues ou dans les lieux de loisirs et de divertissement ? Qu’en est-il des mille formes de violence subies par les femmes dès leur plus jeune âge, dans les familles où elles sont éduquées à se soumettre à l’homme, à être dépendantes de l’homme et à se consacrer entièrement aux tâches ménagères et aux soins aux enfants ? Qu’en est-il des femmes qui perdent leur emploi parce qu’elles refusent de céder au harcèlement et aux violences sexuelles de leurs chefs et patrons ? Des femmes qui, en toute liberté de suivre leurs propres sentiments, décident de quitter l’homme avec lequel elles se sont mises ensemble, et qui sont tuées par celui-ci comme s’il s’agissait d’une propriété dont on n’accepte pas qu’elle appartienne à quelqu’un d’autre ? Qu’en est-il des femmes battues et torturées parce qu’elles portent mal un voile ou parce qu’elles n’ont pas cédé à un mariage arrangé ou aux désirs sexuels de leur partenaire ?
L’oppression de la femme dans la société capitaliste moderne est masquée de mille façons ; on pousse la femme vers le carriérisme dans la vie professionnelle, vers un logement familial aisé, vers la course à l’argent, peu importe comment, et dans le même temps, si elle est sans travail, vers le « plus vieux travail du monde », la prostitution. Les politiciens de tous bords discutent de « quotas de femmes » pour se présenter aux élections, tandis que les intellectuels « à contre-courant » soulignent qu’il y a trop peu de femmes à la tête des entreprises, en particulier dans le secteur public, très peu de chanceliers ou de Premiers ministres, presque aucun président de république, sans parler de généraux ou de chefs d’état-major... Les bourgeois n’ont aucune capacité de voir la réalité de leur société, aveuglés comme ils le sont par leurs propres mensonges. Il n’en reste pas moins qu’ils sont particulièrement sensibles à la perception instinctive du danger d’un mouvement social qui se place sur le terrain d’une confrontation avec le pouvoir politique, comme lors des récentes mobilisations en France. Leur crainte est, au fond, toujours la même : que les mouvements sociaux qui expriment un mécontentement général face à la situation dans laquelle vivent les masses prolétariennes et semi-prolétariennes, débordent les digues politiques et policières érigées pour la défense de l’ordre établi, et aillent vers des épisodes de lutte servant de base non pas à une lutte démocratique, mais à une reprise de la lutte de classe.
En effet, tant que les questions spécifiques à l’oppression des femmes resteront dans le cadre de la « question féminine » et ne concerneront que les femmes, les luttes éventuelles sur ces questions resteront amputées, inévitablement stériles, comme elles l’ont été jusqu’à présent. L’oppression de la femme ne peut être dissociée de l’oppression générale que la bourgeoisie exerce sur l’ensemble de la société et, en particulier, sur la classe prolétarienne. La classe prolétarienne est faite de prolétaires des deux sexes, elle est faite de travailleurs et de travailleuses sont pressés jusqu’à la dernière goutte de sueur et de sang, par un système économique et social qui ne peut survivre que comme un vampire, une énorme machine cannibale qui se nourrit non seulement de l’exploitation d’une grande partie de l’humanité, mais aussi de morts systématiques sur les lieux de travail, dans les rues, dans les habitations, dans les prisons, dans les guerres.
L’émancipation de la femme, soulignait Lénine, ne pourra se faire qu’avec l’émancipation du prolétariat du capitalisme. C’est dans la lutte commune des prolétaires hommes et femmes contre les capitalistes, contre le système économique et social capitaliste, contre le pouvoir bourgeois et son Etat, que l’oppression de la femme pourra trouver la seule réponse réelle pour la surmonter : la réponse de classe. Tant que subsistera le capitalisme, et donc le pouvoir bourgeois, aucune forme oppressive de cette société ne sera vaincue.
Les femmes prolétaires, plus que les femmes en général, sont appelées à se placer sur le terrain de la lutte de classe, parce qu’elles sont les plus touchées à tous égards et parce qu’elles vivent une double oppression – domestique et salariale – dont, si elles ne s’unissent pas aux prolétaires masculins dans la même lutte anticapitaliste, elles ne parviendront jamais à s’émanciper. Même les prolétaires masculins doivent être éduqués à la lutte anticapitaliste en surmontant le contraste entre les sexes que la société bourgeoise alimente systématiquement. Les prolétaires masculins ne subissent pas la double oppression à laquelle sont soumises les femmes prolétaires. Ils ont été habitués à traiter les femmes comme le font les bourgeois, ils sont influencés par la culture patriarcale et masculine typique de la bourgeoisie. Mais dans la lutte de classe contre l’oppression salariale, ils se trouvent côte à côte avec les ouvrières qui subissent les mêmes conditions d’oppression, et c’est dans cette lutte unitaire et fraternelle de classe que les prolétaires et les prolétaires trouvent la base de la lutte plus générale contre la société bourgeoise et capitaliste, comme ce fut le cas en Russie en octobre 1917.
L’émancipation de la femme, à cette époque, sous la dictature prolétarienne, a commencé par l’abolition de toutes les lois discriminatoires et, surtout, par le début de la lutte contre l’esclavage domestique et contre la prostitution, par la création de cantines publiques et de crèches publiques et par l’entrée des femmes dans le travail productif. Les petits travaux domestiques humiliants et dégradants constituaient les premiers obstacles à l’émancipation de la femme : le pouvoir prolétarien commença à partir de là. Il y aura beaucoup de chemin à faire pour la révolution prolétarienne communiste à venir, et beaucoup de chemin à faire pour préparer le prolétariat à la lutte de classe. Mais il n’est pas possible d’arrêter l’histoire, pas plus qu’il n’a été possible d’arrêter la révolution bourgeoise qui a commencé au milieu du XVIe siècle en Angleterre pour se terminer au XVIIIe siècle en France, et à partir du milieu du XIXe siècle en Europe et, par la suite, dans le monde entier.
C’est le capitalisme lui-même, avec ses contradictions insolubles, qui prépare le terrain à la reprise de la lutte de classe révolutionnaire. La confiance dans l’histoire, pour les communistes, ne meurt jamais, et c’est pourquoi nous continuons notre lutte sans désemparer !
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