« Fake news » et démocratie
(«le prolétaire»; N° 552; Février-Mars-Avril 2024)
Les « fake news », ces fausses nouvelles qui proliféreraient sur les réseaux sociaux, et le danger qu’elles feraient courir à la démocratie sont devenues une véritable tartre à la crème dans les médias et parmi les politiciens de tout bord : elles permettraient de manipuler l’opinion publique et du coup d’influencer le vote des citoyens, faussant ainsi l’expression de leur « volonté souveraine »… Différentes mesures ou lois sont prévues ou déjà appliquées pour – officiellement – faire face à cette menace, mais en fait pour contrôler internet. Début 2020 sont entrées en vigueur en France des lois contre « la manipulation de l’information », en juin 2020 étai promulguée une loi « contre les contenus haineux » (sic !) en ligne, et en avril 24 était votée une loi dite SREN pour « sécuriser et réguler » l’internet… Ce ne sont là que quelques-unes des mesures officiellement mises en place auxquelles il faut ajouter la pratique très répandue de la surveillance policière par différentes méthodes, qu’elles soient ou non légales...
Tout ceci n’empêche pas les médias de titrer sur les « menaces d’ingérence » contre les prochaines élections européennes, surtout par l’intermédiaire des réseaux sociaux (1).
Les « menaces » décrites par des diverses officines des Etats européens et des organisations liées aux milieux bellicistes de la droite américaine (2) sont toutes d’origine russe. « Bizarrement » le cas révélé début 2023 d’une société israélienne spécialisée dans la diffusion de fausses nouvelles n’est pas prise en compte : pourtant des responsables de cette société ont reconnu qu’elle était intervenue dans «33 campagnes électorales au niveau présidentiel » « dont 27 avec succès » ; elle fabrique de milliers de faux compte sur les réseaux sociaux qui génèrent des dizaines et des dizaines de milliers de messages, payent des journalistes véreux pour faire passer des fausses informations, etc. Ses employés viennent de l’armée et des services secrets israéliens (3). On imagine le retentissement que cette affaire aurait eue s’il s’était agi d’une société russe ou chinoise et non d’une basée dans un pays allié, « la seule démocratie au Moyen-Orient »...
FAKE NEWS A LA FRANÇAISE
Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer les campagnes de désinformation de l’Armée française en Afrique à coup de dizaines de faux comptes Facebook et Instagram (4). Ce n’était que la pointe émergée des actions de désinformation liées à l’État français ainsi que l’a révélé une affaire qui a éclaté (mais sans faire beaucoup de bruit) l’été dernier : un apprenti journaliste a révélé publiquement qu’il avait été payé pour écrire des centaines d’articles sur les sujets les plus divers sur lesquels il ne connaissait rien. Ces articles, publiés sous des faux noms pendant 6 ans, lui étaient payés par la société Avisa Partners travaillant entre autres avec l’État français et la Gendarmerie Nationale et qui avait comme clients des grandes entreprises, des chefs d’État étrangers, etc. Cette véritable usine à Fake news qui employait selon ses déclarations officielles près de 400 personnes avait même obtenu l’été dernier un contrat de la Commission européenne pour lutter contre la désinformation (5) !
Il faut se souvenir que le rôle des fausses nouvelles ne date pas de l’apparition des réseaux : en 1870 déjà la « dépêche d’Ems » trafiquée de façon provocatrice par le chancelier Bismarck pour faire croire à un incident diplomatique, conduisit à la guerre franco-allemande ; depuis les exemples ont été légion. L’existence de moyens de communication et d’information de plus en plus perfectionnés n’a fait que renforcer ce phénomène, qui a été décrit par Max : « On a prétendu jusqu’ici que les mythes chrétiens n’ont pu se développer que parce que l’imprimerie n’était pas encore inventée. C’est exactement l’inverse. La presse quotidienne et le télégraphe, qui en un clin d’œil répandent les nouvelles dans le monde entier, fabriquent en un jour plus de mythes (auxquels le veau de bourgeois croit et qu’il répand avec zèle) qu’autrefois on ne pouvait en produire en un siècle » (6).
La démocratie bourgeoise ultra moderne a poussé à un suprême degré la fabrication de l’opinion publique, c’est-à-dire la manipulation des masses, dans laquelle les Fake news tant décriées (mais quand elles viennent du camp d’en face) ne sont qu’un aspect somme toute secondaire : la Fake news fondamentale, le mensonge ultime, est précisément la démocratie en tant que prétendu mode d’expression et moyen de réalisation de l’émancipation des exploités. En renversant le capitalisme et la démocratie qui en est le voile, le prolétariat abolira du même coup tous les mensonges et les mythes bourgeois !
(1) cf. Le Monde, 12/04/24
(2) Comme le « Centre International de lutte contre le terrorisme » complaisamment cité par Le Monde : il dépend d’un « Think Tank » américain qui critique le manque de soutien occidental à Kiev et plaide pour une attaque conjointe américano-israélienne contre les sites nucléaires iraniens…
(3) Un journaliste de BFM TV a été licencié après avoir reconnu les faits. Cf. https://wpar.radiofrance.fr/franceinter/story-killers-derriere-un-journaliste-de-bfmtv-une-societenucléairesrmation-israelienne-3969106
(4) cf. « Réseaux sociaux: les campagnes de désinformation de l’armée française en Afrique, outils de l’intervention impérialiste » Le prolétaire n° 539
(5) cf. https://www.radiofrance.fr/franceinter/avisa-partners-la-manipulation-de-l-information-made-in-france-940022
(6) Lettre à Kugelmann, 27/7/1871
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