1er mai 2024
Pour que le 1er mai redevienne la journée internationale du prolétariat en lutte pour son émancipation de classe !
( Supplément 1er mai à «le prolétaire»; N° 552; Février-Mars-Avril 2024)
Le grand objectif historique fondamental de la lutte de classe du prolétariat est son émancipation du travail salarié, de l’oppression bourgeoise qui le contraint à subir l’exploitation de sa force de travail au profit exclusif de la classe dominante bourgeoise, au profit exclusif de la conservation du mode de production capitaliste et de la société bourgeoise qui repose sur lui.
La classe du prolétariat est la classe qui produit toute la richesse sociale, mais elle n’en a aucun contrôle, elle n’a aucune possibilité de décider quoi produire, comment produire, combien produire, et comment distribuer la production pour satisfaire les besoins vitaux de toute l’espèce humaine. Sa condition de travailleur salarié l’oblige à se soumettre à la loi capitaliste selon laquelle c’est la classe des capitalistes, la classe dominante, qui s’approprie toute la production qui résulte de l’application de sa force de travail aux moyens de production. Cette appropriation privée – c’est-à-dire qui prive la majorité de la population humaine d’en disposer selon ses propres besoins – est, avec la propriété privée des moyens de production, la caractéristique spécifique du capitalisme.
« La condition essentielle de l’existence et de la domination de la classe bourgeoise est l’accumulation de la richesse entre les mains des particuliers, la formation et l’accroissement du capital ; la condition d’existence du capital, c’est le salariat. », peut-on lire dans le Manifeste de Marx-Engels, rédigé il y a cent soixante-seize ans. Ainsi, le capitalisme n’existerait pas s’il n’y avait pas de travail salarié et le travail salarié n’existerait pas s’il n’y avait pas de capitalisme : tels sont les deux piliers sur lesquels repose la société capitaliste. De quoi le prolétariat, c’est-à-dire la classe des travailleurs salariés, doit-il s’émanciper ? Précisément de sa condition de classe salariée qui, pour vivre, est obligée d’être exploitée par le capital selon ses lois, qui déterminent sa formation, sa multiplication et sa concentration. Le prolétaire, s’il ne travaille pas, ne reçoit pas de salaire et, par conséquent, ne mange pas. Le capital exploite la classe salariée par le biais du travail quotidien des prolétaires, en l’organisant et en décidant de l’horaire journalier, du temps et des rythmes de chaque partie du travail total à effectuer par chaque travailleur, de la quantité de travailleurs nécessaires à la production, etc. Le capital a intérêt à exploiter au maximum la force de travail journalière qu’il emploie à la production des marchandises, et dès l’apparition des premières usines et manufactures, c’est contre cette exploitation maximale que les prolétaires, ont commencé à lutter dans le but de diminuer la lourde oppression à laquelle ils étaient soumis. La lutte ouvrière est née inévitablement des aspects immédiats de l’exploitation capitaliste, tendant à unir les ouvriers d’une même usine pour réduire cette oppression.
Avec le développement du capitalisme et l’élargissement constant des masses prolétarisées et donc des salariés, le capital a l’avantage de pouvoir fournir à ses usines, à ses entreprises, une sélection de travailleurs les plus aptes aux besoins particuliers de production de chacune d’entre elles, en puisant dans une masse de travailleurs beaucoup plus importante que celle qui peut être employée dans les différentes entreprises. Le développement de la production capitaliste de marchandises relève également de l’application de nouvelles techniques de transformation des matières premières, innovations qui entraînent une diminution constante de la force de travail par rapport aux productions précédentes ; ainsi, à la masse de prolétaires employés dans la production et la distribution correspond une masse de prolétaires inutilisés, sans emploi, contraints de survivre en marge de la société. Ainsi, outre les innovations techniques appliquées aux différents processus de production qui diminuent le nombre de prolétaires employés, la masse des chômeurs – la fameuse armée de réserve industrielle de Marx-Engels – fait inévitablement pression sur les salariés occupés, tout simplement parce que pour vivre, tout prolétaire doit avoir un salaire. C’est ainsi que née la concurrence entre prolétaires, alimentée bien sûr par la bourgeoisie, qui obtient deux grands résultats de cette concurrence : maintenir le salaire moyen à un niveau tendanciellement bas, maintenir la durée quotidienne du travail à un niveau beaucoup plus élevé que ne le permettraient les innovations techniques, opposer les prolétaires les uns aux autres, les diviser et rendre ainsi leur union classiste beaucoup plus difficile.
Pour résumer, le salaire est la valeur monétaire du temps de travail du prolétaire qui correspond à la valeur des biens de première nécessité que l’on trouve sur le marché et qui servent à reproduire jour après jour la force de travail de chaque salarié. L’exploitation capitaliste consiste essentiellement en l’accaparement par les capitalistes d’une part toujours plus importante de la partie du temps de travail quotidien qui dépasse la valeur des biens nécessaires pour se tenir en vie, c’est-à-dire le surtravail qui n’est pas payé au prolétaire et qui, sous le capitalisme, se transforme en plus-value, laquelle, à son tour, donne lieu au profit capitaliste. Donc, tant que le régime salarial subsiste, le capitalisme subsiste avec toutes ses contradictions, ses crises, ses catastrophes et ses massacres.
La lutte historique du prolétariat vise nécessairement à l’élimination de son oppression spécifique – le travail salarié – et, par conséquent également, à l’élimination du capital en remplaçant ce régime d’exploitation de l’homme par l’homme par une société de producteurs, enfin libérée de toute oppression grâce à une planification rationnelle de la production, de la distribution et de l’utilisation du travail humain qui pourra s’exprimer volontairement et collectivement sans contrainte, mais simplement parce qu’il s’agira d’un besoin social auquel participeront tous les êtres humains. Cet objectif historique ne concerne pas seulement la disparition de la classe dominante, mais aussi de toutes les classes, y compris la classe prolétaire. A l’échelle historique, le saut consiste en effet à passer d’une société divisée en classes à une société où les classes n’existent plus et où aussi n’existera plus une force d’oppression organisée sous la forme de l’Etat, de la force militaire, utile seulement à la défense du capital, donc de l’argent.
Bien sûr, pour arriver à ce but historique, c’est-à-dire à une société sans classes, le chemin est long, ardu et semé d’embûches et de pièges de toutes sortes. La société bourgeoise ne s’est pas seulement équipée pour exploiter au maximum le travail salarié dans tous les coins du monde, elle s’est aussi équipée pour défendre son régime contre toute attaque possible de la seule classe sociale dont elle craint la lutte révolutionnaire : le prolétariat, c’est-à-dire la classe qui a intérêt à mettre fin au régime d’exploitation capitaliste parce que c’est la classe qui en subit le dommage majeur.
La bourgeoisie ne peut se passer du prolétariat, car elle extrait la plus-value de son exploitation et obtient ainsi le profit capitaliste ; alors que le prolétariat peut se passer de la bourgeoisie car son travail produit tout ce dont la société humaine a besoin pour vivre et se développer.
La bourgeoisie ne peut se passer d’opprimer les classes inférieures, précisément en raison de l’exploitation à laquelle elles sont soumises et contre laquelle elles se révoltent. Et elle ne peut se passer de rivaliser sur le marché avec les autres bourgeoisies pour défendre ses parts de marché ou pour les accroître aux dépens, bien sûr, de ses concurrents ; et dans cette guerre de concurrence, elle en vient inévitablement, lorsque les marchés sont saturés de marchandises, à utiliser la force militaire et la guerre pour imposer ses propres intérêts. L’État bourgeois sert donc à la fois à maintenir la classe ouvrière dans l’oppression et à s’opposer aux autres États bourgeois sur le marché international. Tant que le capitalisme et la bourgeoisie existeront, l’oppression, la concurrence effrénée et les guerres existeront.
Pour sa révolution, le prolétariat ne pourra pas s’appuyer, comme la bourgeoisie pouvait le faire pendant le féodalisme, sur un mode de production qui se développe déjà dans les formes capitalistes et bourgeoises de la société. Mais sa force sociale, productrice de toute la richesse sociale, est suffisante pour qu’elle puisse soutenir sa révolution politique par laquelle il devra renverser le pouvoir politique bourgeois, son Etat, ses appareils politiques, sociaux, institutionnels, administratifs, bref, la dictature de classe de la bourgeoisie, pour la remplacer par la dictature de classe du prolétariat grâce à laquelle, il pourra intervenir avec toute la force et la violence nécessaires pour empêcher la classe bourgeoise de restaurer son pouvoir et intervenir dans le système économique en commençant par briser la structure de l’économie basée sur l’entreprise et le régime des salaires dans tous les domaines où la transformation de l’économie capitaliste en économie socialiste sera réellement possible. Pour les marxistes, il a toujours été évident que cette transformation révolutionnaire de la société ne se produira pas en quelques jours ou quelques semaines, mais durera très longtemps parce que les bourgeoisies des pays où la révolution prolétarienne n’aura pas encore gagné s’allieront contre le prolétariat révolutionnaire, qui a établi sa dictature de classe, pour le renverser et restaurer le pouvoir bourgeois. Pour les marxistes, d’autre part, il a toujours été évident que la révolution prolétarienne peut commencer même dans un pays qui représente le maillon le plus faible de l’alliance impérialiste internationale, mais certainement à la faveur d’un moment où le capitalisme au niveau mondial sera entré en crise et où les pouvoirs politiques bourgeois ne se seront pas encore stabilisés, non seulement en raison de l’instabilité produite par la crise et la guerre, mais aussi en raison de la présence de la lutte de classe du prolétariat et de l’influence que le parti de classe a gagnée sur lui.
Face à un tel scénario historique, seul le parti de classe, fort de la théorie marxiste et des bilans dynamiques des révolutions et contre-révolutions, est en mesure de maintenir le cap qui conduira le prolétariat à la révolution, malgré le fait que la bourgeoisie, aidée par toutes les forces de l’opportunisme et de la conservation sociale ait réussi, dans les décennies qui ont suivi la fin de la deuxième guerre impérialiste mondiale, à piéger le prolétariat de tous les pays en le soumettant, dans les pays capitalistes avancés et riches, à la collaboration de classe facilitée par des régimes démocratiques et, dans les pays moins développés et moins riches, en recourant à la répression la plus dure.
En 1921, le Parti communiste d’Italie, dans son manifeste pour le 1er mai, écrivait :
« Le prolétariat, dont l’avenir dépend de sa capacité à briser le système économique bourgeois absurde et inique, doit considérer les institutions politiques de la bourgeoisie, même lorsqu’elles sont le plus souvent revêtues de formes démocratiques et parlementaires, comme une machine construite pour son oppression et pour la défense des privilèges des exploiteurs. Le prolétariat révolutionnaire ne peut trouver la voie de son émancipation dans les institutions électives du régime actuel, ni dans la conquête des parlements bourgeois : même lorsqu’il y envoie ses représentants, il doit s’efforcer de les briser avec tout le réseau de l’appareil d’Etat, avec ses organes bureaucratiques, policiers, militaires, afin de réaliser le pouvoir effectif de la classe productive, de la seule classe productive, dans la dictature du prolétariat, dans la république des Conseils prolétariens. »
A l’époque, en Italie, en Allemagne et en Russie, la situation générale était en effet encore révolutionnaire et la victoire révolutionnaire du prolétariat soutenait la lutte révolutionnaire à l’échelle internationale. A l’époque, le parti de classe était non seulement présent, mais il avait derrière lui une tradition de lutte politique qui se croisait avec les luttes classiste du prolétariat, luttes qui exprimaient un potentiel révolutionnaire encore intact. Mais le poison démocratique et social-démocrate s’est attaqué avec une telle force et un tel succès non seulement aux organisations de défense économique (syndicats, ligues, coopératives, etc.), mais aussi aux partis ouvriers, au point de ralentir et réussir à empêcher une maturation marxiste révolutionnaire dans les partis communistes mêmes qui avaient adhéré à l’Internationale Communiste, affectant même le solide parti bolchévique. Les conséquences de l’énorme défaite de la révolution prolétarienne en Europe, puis en Russie, nous les payons encore aujourd’hui, non seulement en termes de dégénérescence démocratique de tous les partis ouvriers – même s’ils s’autoproclament « socialistes » ou « communistes » – mais aussi en termes d’antiparti et de la soi-disant antipolitique.
Mais le développement du capitalisme lui-même, au stade impérialiste de son évolution, a encore aiguisé les contradictions du système bourgeois, ramenant les conflits sociaux au premier plan, au point de pousser ces mêmes démocraties occidentales, qui pendant des décennies se vantaient d’être un exemple de civilisation pour tous les autres pays, à tomber progressivement le masque et à révéler leur véritable visage dictatorial, répressif et criminel, comme le démontrent les toutes récentes guerres en Ukraine, à Gaza et au Moyen-Orient.
Pour que le 1er Mai redevienne sa journée de lutte internationale, le prolétariat doit rompre résolument avec la collaboration de classe, avec les moyens et méthodes de lutte dilatoires proposés et suggérés par les syndicats collaborationnistes et les partis non moins dégénérés, qui dépendent directement de la bonne marche de l’économie des entreprises et de l’économie nationale ; il doit rompre avec les grèves-processions, avec les grèves qui ne causent aucun tort aux patrons et qui ne sont, au contraire, qu’une perte économique pour les grévistes ; il doit rompre avec les illusions sur la démocratie bourgeoise qui, depuis plus de cent ans, a désorienté et détourné les forces de la classe prolétarienne vers les culs-de-sac d’une prétendue souveraineté populaire ; il doit reconquérir le terrain de la lutte de classe sur lequel seul peut renaître la solidarité de classe avec laquelle chaque prolétaire, au-delà de son âge, de son sexe, de sa nationalité, de sa spécialisation, se sent partie prenante d’un seul et même mouvement international.
La grève doit redevenir une véritable arme de la lutte ouvrière : elle doit être à nouveau proclamée sans limite et les négociations avec les patrons doivent se poursuivre sans interruption de la grève ; l’organisation de classe prolétarienne doit redevenir totalement indépendante des patrons et des institutions bourgeoises et doit être composée exclusivement de prolétaires, de travailleurs salariés, employés et chômeurs. Les objectifs de la lutte de défense immédiate doivent à nouveau revenir autour de la réduction drastique de la journée de travail, du refus des heures supplémentaires et du travail à la pièce ou à la tâche, du refus de la durée indéterminée du travail, du refus du travail indépendant quand il s’agit en réalité de travail salarié, de l’augmentation réelle des salaires qui doit être plus importante pour les catégories les plus mal payées, de la lutte contre la nocivité et contre l’absence de mesures de sécurité au travail, de la lutte pour l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes, les autochtones et les immigrés ; et doit inclure la lutte contre la criminalisation des immigrés et pour leur régularisation immédiate en facilitant leur logement, qui ne peut certainement pas être celui des centres de séjour temporaire et d’expulsion, véritables camps de concentration.
Alors les grands mots sur l’émancipation du prolétariat auront enfin un sens véritable, historiquement fort, représentant une finalité à atteindre par des luttes partielles mais tendant vers le même objectif. En dehors de cette ligne, les luttes prolétariennes ne feront que montrer leur impuissance, elles ne feront peur à personne ; au contraire, elles contribueront à la démoralisation et à l’isolement des prolétaires, les poussant plus facilement dans la condition d’être de plus en plus des esclaves salariés aujourd’hui, et demain, de la viande de boucherie.
15 avril 2024
Parti Communiste International
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