Solidarité avec les prolétaires et les jeunes révoltés de Nouvelle Calédonie!

(«le prolétaire»; N° 553; Mai-Juin-Juillet 2024)

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Commencées le 13 mai, les émeutes et les affrontements se soldaient en date du 19 par un lourd bilan est lourd : 6 morts (dont 3 jeunes kanak tués par des milices «caldoches»), des centaines de blessés et d’arrestations, de nombreux incendies de bâtiments officiels (bâtiments municipaux, commissariats de quartier) et autres, et des pillages de magasins dans le grand Nouméa – la capitale qui avec plus de 180 000 habitants, concentre les 2/3 de la population de Nouvelle Calédonie. Comme dans le reste de l’île persistaient les barrages dans les quartiers et sur les voies de communication tandis que l’activité économique était toujours à l’arrêt.

Ces émeutes se sont déclenchées sur la lancée de la mobilisation des organisations indépendantistes contre la réforme constitutionnelles décidée par le gouvernement pour «dégeler» le corps électoral («gelé» depuis les accords de Nouméa) qui serait du coup augmenté de 25 000 personnes environ, présentes depuis au moins 10 ans sur l’île, ce qui aurait pour effet d’accroître d’autant le nombre d’électeurs non kanak potentiellement hostiles aux indépendantistes. Il faut savoir que les Kanak ne représentent que 41 % des 270 000 habitants de l’île contre 24 % d’«Européens» («caldoches»), les autres appartenant à diverses communautés océaniennes, asiatiques ou n’appartenant à aucune.

La mobilisation contre le dégel est dirigée politiquement par le FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste, regroupant les principales organisations indépendantistes) et organisée par la CCAT (Cellule de Coordination des Actions sur le Terrain), initiée par des militants du FLNKS et le syndicat USTKE (Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et des Exploités), s’est notamment traduite par des grandes manifestations à Nouméa (20 000 personnes selon les médias, face à un nombre comparable de «loyalistes» caldoches) et sur le reste du territoire et des grèves. La CCAT a ensuite appelé le 13 mai la veille du vote à l’Assemblée nationale de la loi sur le dégel du corps électoral, à des barrages ; alors que sur le reste du territoire les actions restaient globalement pacifiques c’est à une véritable explosion sociale qu’on a assisté à Nouméa: les jeunes manifestants ont déversé leur rage contre tout ce qui représente un système qui les écrase, ne leur promettant que misère, exploitation, chômage et racisme.

 De leur côté les forces de l’ordre débordées et les autorités politiques ont laissé s’organiser des milices pour défendre les riches propriétés des quartiers caldoches contre la colère des émeutiers. Le gouvernement a décrété l’état d’urgence (avec le soutien du PS, fidèle à sa longue tradition de répression coloniale, y compris en Nouvelle Calédonie, au nom du rétablissement de l’«ordre républicain») et dépêché un millier d’hommes en renfort sur l’île ; le ministre de la «justice» a publié une circulaire demandant que soient appliquées «les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards» en donnant en modèle la répression des émeutes des quartiers prolétariens de juin 2023. Les autorités françaises ont accusé la CCAT, dénoncée comme «groupuscule mafieux qui commet meurtres et pillages» d’être responsable des événements et elles ont assigné 10 dirigeants de celle-ci à résidence (1).

Pourtant la CCAT a protesté qu’elle n’avait jamais appelé à l’insurrection comme on l’accuse, mais seulement à des actions pacifiques et elle demandait le 14 «à l’ensemble de nos jeunes de lever le pied». Lors d’une conférence de presse le FLNKS déclarait le 15 qu’il «dénonçait les exactions commises», lançait un appel à la levée des barrages et affirmait son soutien «aux chefs d’entreprise et à leurs salariés» ; le climat délétère actuel, ajoutait-il, «ne saurait justifier la mise en péril de la paix et de tout ce qui a été construit» et il terminait en annonçant répondre positivement aux propositions de concertation du président de la République.

Mais ces belles paroles n’ont pas suffi aux jeunes révoltés qui ont continué les affrontements. Depuis les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998 une bourgeoisie kanak a prospéré à l’ombre de l’Etat et elle n’entend pas mettre en péril ses acquis et veut donc «éviter que la rue prenne le dessus» (déclaration du président du groupe des élus Union Calédonienne-FLNKS, le 14/5). Mais pour les prolétaires rien n’a vraiment changé depuis 30 ou 40 ans, et la société calédonienne reste profondément marquée par son passé colonial; les inégalités sociales sont criantes; en 2022 le taux de chômage était de 15,5% pour les Kanak contre 8,3%  pour les non-Kanak et 72% de ceux qui ont un emploi n’ont qu’un temps partiel et leurs emplois sont souvent non qualifiés 80% étant ouvriers ou employés: le résultat est que le niveau de vie médian des Kanak n’est que la moitié de celui des non Kanak.

 

L’importance de la Nouvelle Calédonie pour l’impérialisme français

 

Devenue une colonie française en 1853 la Nouvelle Calédonie a d’abord été utilisée pour y déporter des prisonniers (dont notamment des Communards comme Louise Michel) et en faire une colonie de peuplement, malgré les révoltes des populations autochtones.

Mais c’est la mise en exploitation du nickel dont l’île recèle le quart des réserves mondiales, qui a fait de la Nouvelle Calédonie une précieuse possession pour le capitalisme français. Elle  a entraîné un boom économique à la fin des années soixante et fait de la production de ce métal le poumon économique du territoire: le secteur emploie 20% environ des travailleurs salariés du territoire et fournit l’essentiel de ses exportations. Mais il est aujourd’hui en crise, à la suite de l’effondrement des cours (-45% en 2023) et de la hausse des prix de l’énergie. Les grandes sociétés qui avaient fait fortune dans son exploitation ne veulent pas éponger les pertes; le géant suisse Glencore a mis à l’arrêt son usine du nord (KNS) et annoncé son départ, ce qui entraînerait le licenciement de plus de 1700 personnes, tandis que les usines du sud (SLN et Prony) risquent la faillite. L’Etat a annoncé un «pacte nickel» rejeté par les élus notamment parce qu’il nécessiterait de gros investissements des régions alors que leurs finances sont au plus bas. Les prolétaires de ces entreprises sont dans une situation difficile pour résister : le SGTI-NC, le principal syndicat dans cette industrie, a appelé à une grève générale du secteur le 25/1, mais sans bloquer la production et en accord avec une organisation patronale de sous-traitants! Il est évident que les prolétaires ne peuvent compter sur une telle organisation collaborationniste dont l’objectif est d’être intégrée dans les discussions en cours avec les actionnaires! En Nouvelle Calédonie comme ailleurs seule une orientation indépendante de classe peut permettre d’arracher des concessions aux capitalistes et à l’Etat.

Aujourd’hui ce n’est plus l’industrie du nickel en pleine déroute qui motive Paris et détermine sa politique, mais ses nouvelles ambitions impérialistes dans la zone indopacifique. Cette vaste région est appelée de plus en plus à devenir le lieu de rivalités croissantes entre les grandes puissances et donc de menaces mais aussi d’opportunités pour l’impérialisme tricolore. La présence de la France en Nouvelle Calédonie est une carte non négligeable qu’il n’envisage pas d’abandonner au moment où il cherche à se présenter comme une puissance de la région dotée d’une vaste «zone maritime économique», même s’il ne dispose pas pour le moment de moyens militaires à la hauteur de ses prétentions.

C’est dire que les prolétaires, les jeunes révoltés et les masses kanaks ont face à eux un ennemi déterminé: il ne pourra être vaincu en suivant les méthodes et les objectifs des organisations indépendantistes qui ne cherchent qu’à négocier un compromis avec l’impérialisme français, mais seulement par la lutte révolutionnaire anticapitaliste en liaison avec les prolétaires de la métropole qui possèdent entre leurs mains la force potentielle de le briser.

 Solidarité avec les prolétaires et les jeunes révoltés de Nouvelle Calédonie! A bas l’impérialisme français! Pour la reprise de la lutte de classe révolutionnaire et de l’internationalisme prolétarien!

 

*

 

Depuis, le «dégel» du corps électoral a été suspendu mais 13 militants de la CCAT ont été arrêtés dont 7 ont été déportés en France et le 10/07 un Kanak était tué par un sniper du GIGN lors d’une opération de police.

 


 

(1) On peut signaler que Darmanin a trouvé un autre responsable des troubles: l’Azerbaïdjan!…

 

 20/05/2024

 

 

Parti Communiste International

Il comunista - le prolétaire - el proletario - proletarian - programme communiste - el programa comunista - Communist Program

www.pcint.org

 

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