Suisse : Compte rendu de réunion de sympathisants – Avril 2024

La Révolution d’Octobre 1917, confirmation du communisme comme doctrine et programme de la classe ouvrière (1)

(«le prolétaire»; N° 553; Mai-Juin-Juillet 2024)

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La Révolution russe est au centre historique des enseignements du communisme, que ce soit sur le plan de la lutte théorique marxiste, politique, programmatique, tactique que militaire, et sa connaissance fait partie des bases à acquérir pour assurer une parfaite compréhension matérialiste de la société capitaliste, de ses contradictions économiques et sociales, donc du chemin que doit suivre la classe ouvrière pour s’en émanciper et pour construire une nouvelle société, le communisme, qui, par l’abolition du salariat, bannit les rapports mercantiles en économie et donc les classes sociales.

Aborder cette question, passe d’abord par acquérir la connaissance de la réalité des modes de production, féodal et capitaliste, qui s’entremêlent et s’entrechoquent à l’aube du XXe siècle dans cette aire géo-historique russe, des faits économiques et sociaux matériels qui en découlent, et comprendre les répercussions politiques qui mettent à l’ordre du jour non pas une mais deux révolutions, la révolution démocratique d’une bourgeoisie par nature encline au compromis avec le régime de la Russie tsariste et la révolution socialiste qui portera la classe ouvrière au pouvoir. A la lumière du marxisme, c’est donc acquérir la connaissance de la lutte politique prolétarienne qui agit sur le déroulement des évènements, projette la révolution dans un sens ou l’autre, la porte en avant lorsqu’elle est sous sa direction politique de classe – que représentait alors le parti bolchévique – ou, sous l’influence de l’opportunisme, de la conciliation et de la compromission, la conduisent à l’échec.

L’exposé ne va pas s’étendre aux trente-six facettes de la révolution russe, ni prétendre analyser l’ensemble de tous les sujets affrontés par la révolution d’Octobre et de toutes les positions politiques du parti des bolcheviks guidé par Lénine, mais s’arrêtera plus précisément sur un point fondamental et nécessaire, celui de l’intransigeance politique qui doit guider toute l’action des communistes, des principes généraux à la tactique sur le terrain.

 

La révolution double

 

Dans l’histoire du socialisme scientifique, en tant que confirmation de ses thèses fondamentales, la révolution d’Octobre revêt une importance extrême. Les thèses que Marx et Engels ont défendues âprement contre tous les représentants intellectuels bourgeois démocrates et contre tous les représentants autoproclamés de la classe ouvrière, commencent par celle très simple qui définit que l’histoire de la société humaine est l’histoire de la lutte entre les classes sociales et ces classes sociales sont elles-mêmes le produit des rapports de production qui caractérisent la société dans sont état de développement historique. Marx, dans le Manifeste de 1848 commence d’ailleurs par ce constat : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes ». L’évolution des rapports de production entraine obligatoirement une évolution des classes sociales, donc leur apparition, leur renforcement ou leur disparition. A cette thèse principale de l’histoire,  il faut rajouter que les intérêts de classes sont inconciliables, pas pour des raisons philosophiques, mais par la force des contradictions matérielles entre elles. Pour être précis, une conciliation, généralement momentanée, ne peut apparaître que lorsque deux classes, celle de l’aristocratie et celle de la bourgeoisie par exemple, rencontrent un ennemi commun, le prolétariat en l’occurrence, et s’unissent pour en venir à bout. Ce fut entre autres le cas en Russie.

Une fois comprises ces quelques lois fondamentales et en se fixant solidement sur elles, la révolution russe, qui génère une quantité de faits, d’évènements, de courants politiques, qui se développent dans une grande complexité des classes sociales et de leurs rapports, devient d’une analyse plus simple et plus assurée. La révolution russe apparaît donc historiquement comme un objet compliqué et intriqué. Contrairement aux révolutions bourgeoises anglaise ou française – chacune avec ses particularités –  qui ont été l’affrontement entre l’ancien monde féodal et le nouveau monde capitaliste, la révolution russe présente un tableau où s’entrecroisent les classes sociales issue des 3 sociétés différentes : le féodalisme – l’Empire du knout –, qui étend son pouvoir sur toutes les provinces, le capitalisme, qui se développe dans les centres urbains et le prolétariat industriel qu’il génère comme réservoir des forces de travail destinées à la production de plus-value mais, qui porte en lui la troisième société, celle du socialisme.

C’est pourquoi on définit la révolution russe comme une « révolution double ». La société russe à très grande majorité de population agricole, doit faire le saut du féodalisme  à une société bourgeoise : c’est la première révolution. Par la force du prolétariat, organisé et bénéficiant de toute l’expérience des luttes de classes du XIXe siècle, dont la Commune en France, et bien sûr des enseignements de Marx et d’Engels, la révolution en Russie ne devait pas se figer sur cette phase bourgeoise et démocratique, en reportant à plus tard la révolution prolétarienne quand les conditions seraient « mûres ». Celle-ci devait se plaquer par-dessus cette phase, avant que la révolution bourgeoise ne se consolide et ne s’organise contre les prolétaires. Le point central de la révolution est donc comment opérer ce placage de la révolution prolétarienne contre  la révolution bourgeoise qui ne pouvait d’ailleurs qu’être timorée, puisque bourgeois et aristocrates avaient des ennemis communs à affronter : les ouvriers et la masse des paysans pauvres et asservis. Ce que les prolétaires, qui suivaient Lénine et les bolcheviks, ont compris de ce comment, c’est que la direction politique de leur mouvement de classe devait avoir le même tranchant que celui des intérêts inconciliables entre les classes dominantes et dominées. Elle devait avoir sa propre voie les plans politique, programmatique et organisationnelle, fermement indépendante de celle de la bourgeoisie et de celle de ses courtisans pseudo-socialistes ramenant sans cesse la classe ouvrière dans les griffes des classes dominantes ennemies. Sur tous ces trois plans, cela est d’autant plus vrai dans une révolution double où les revendications démocratiques, comme la terre aux paysans, l’initiative ne doit pas être laissées à la bourgeoisie et ses alliés les grands propriétaires fonciers, unis pour l’occasion contre les prolétaires et paysans, et dont le seul objectif est d’édulcorer à l’extrême, comme ils l’avaient fait fréquemment dans le passé, toute réforme agraire. C’est d’ailleurs cette alliance entre bourgeois et féodaux qui sera une des principales cibles de Lénine pour rallier les paysans pauvres à la révolution défendue par les bolcheviks, car eux seuls seront en mesure d’appliquer le programme révolutionnaire démocratique dans les campagnes, alors que la bourgeoisie ne fera que des réformes à l’avantage exclusif des grands propriétaires et de la noblesse terrienne.

Politiquement, la situation de révolution double a entrainé une vague de divagations et de dérapages spectaculaires dans le camp de ceux se réclamant du socialisme. La question qui ouvrit un abîme entre les révolutionnaires procrastinateurs et les vrais révolutionnaires communistes se formalisait ainsi : la révolution double doit-elle suivre un processus par étape ? C’est-à-dire d’abord laisser se réaliser la révolution démocratique et le développement capitaliste qui renforcerait (numériquement !) la classe ouvrière et ensuite quand les conditions seraient – prétendument – plus favorables aux ouvriers, agir pour la révolution socialiste. Les tenants de cette vision étapiste expliquaient en effet qu’il fallait d’abord attendre que le capitalisme se développe en Russie, donc que la classe ouvrière se développe comme  catégorie sociale, s’aguerrisse à la lutte et puisse se décharger des tâches démocratiques en attendant que la bourgeoisie ne les accomplisse – avant de passer à l’étape supérieure de la révolution prolétarienne en toute « pureté ». Cette théorie parfaitement défaitiste était en réalité un blanc-seing accordé à la bourgeoise et donc la garantie de ne pas la perturber dans sa course au pouvoir. Il aurait donc fallu attendre que l’Etat bourgeois s’érige sur de solides fondations – sur un accord avec les grands propriétaires fonciers car ils ne pouvait en être autrement –, se renforce, consolide ses institutions politiques, économiques, policières, juridiques et militaires  pour que le prolétariat soit « autorisé » à se mobiliser face à un Etat devenu bien plus puissant.

Non ! répondra Lénine. La classe ouvrière russe est certes peu nombreuse en comparaison des pays capitalistes de l’Ouest, mais elle est concentrée dans les villes du pouvoir et du capitalisme, elle a une force de combat puissante et une extraordinaire capacité d’organisation. Cela fut démontré déjà lors de la Révolution de 1905. Ensuite la classe ouvrière des villes peut s’appuyer sur les paysans pauvres dans les campagnes car elle est la seule à défendre réellement leurs revendications face aux féodaux. Donc toutes les conditions étaient réunies pour permettre à la révolution prolétarienne de se développer avec l’objectif de la prise du pouvoir et de la dictature de classe, objectif d’autant plus réalisable que l’ébullition révolutionnaire dans les campagnes appuyait la révolution prolétarienne en élargissant son rapport de force hors des seules villes.

 

(La suite paraitra au prochain numéro et abordera les  chapitres: «1905: la répétition générale»; «De février à octobre 1917: l’assaut au pouvoir»; «Les enseignements politiques»)

 

 

Parti Communiste International

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