Le premier ministre québécois à l’attaque contre les prolétaires immigrés en s’inspirant de la politique française
(«le prolétaire»; N° 555; Nov. - Déc. 2024 / Janv. 2025 )
La récente visite du premier ministre François Legault en France début octobre a été l’occasion pour le gouvernement provincial du Québec de se mettre au diapason de l’État français en ce qui a trait aux politiques liées à l’immigration. En effet, les différents gouvernements français du passé ont un long historique de promulgation de politiques répressives contre les travailleurs étrangers. La dernière « loi Darmanin » en rajoute une couche particulièrement raciste et anti-ouvrière en ce qu’elle est la culmination d’attaques particulièrement agressives de la bourgeoisie ciblant les parties les plus exploitées, les plus précaires et dominées du prolétariat (1).
C’est dans ce contexte que Legault puise son inspiration politique réactionnaire en France. Au Québec comme en France, le problème serait, chantent en cœur certains secteurs des bourgeoisies québécoise et française, l’immigration trop massive. Et Legault d’entonner : « J’entendais Emmanuel Macron dire la semaine dernière que les Français se sentaient bousculés par l’immigration. Moi, je sens exactement la même chose du côté des Québécois (2). »
Le gouvernement du Québec se sert donc de l’immigration pour titiller la fibre nationaliste et chauvine déjà sensible des Québécois. Jouant sur le fait qu’au sein du Canada, les francophones ont historiquement eu une position d’infériorité relative face aux anglophones, l’immigration devient aux yeux des conservateurs de la Coalition Avenir Québec (CAQ) – le parti actuellement au pouvoir – un danger existentiel pour la nation québécoise. Legault, avec sa prise de position lors de sa visite en France, vise en fait directement le gouvernement fédéral canadien en l’accusant de vouloir sciemment noyer le Québec d’immigrants. Le gouvernement Legault se positionne ainsi comme la victime au sein du Canada et joue la carte xénophobe de « l’insécurité identitaire » des Québécois. En d’autres termes, le gouvernement fédéral ferait exprès d’envoyer un nombre jugé proportionnellement trop grand d’immigrants étrangers à la culture occidentale (donc, un danger pour la civilisation en général) et ne parlant pas le français (donc, un danger pour la nation québécoise en particulier) afin d’amoindrir toujours davantage le poids des francophones au sein du Québec et du Canada. Les immigrants deviennent encore une fois les bouc-émissaires des querelles entre chauvinismes canadien et québécois.
Qu’est-ce que Legault propose ? Tout simplement d’expulser la moitié des quelques 160 000 demandeurs d’asile actuellement sur le sol québécois vers les autres provinces canadiennes. De même, Legault entend s’inspirer des lois anti-immigration françaises en demandant « à Ottawa d’instaurer des zones d’attente pour les demandeurs d’asile comme il se fait en France (…) (3) » En d’autres termes, Legault demande au gouvernement fédéral de mettre sur pied ce genre de centres de détention que la bourgeoisie nomme par euphémisme cynique des « zones d’attente » – qui ne sont d’ailleurs pas autre chose que des prisons – dans lesquels on enferme les prolétaires migrants en situation irrégulière en attendant de pouvoir les expulser, pratique qui est dorénavant monnaie courante en France et comme ailleurs en Europe.
Bref, c’est une politique franchement réactionnaire et raciste que le gouvernement Legault souhaite mettre de l’avant, une politique visant directement à saper l’unité potentielle de la classe ouvrière et de ses luttes en se servant des populations immigrantes comme d’un épouvantail politique bien commode. En effet, « [e]n s’acharnant plus particulièrement sur la partie immigrée du prolétariat, c’est tout le prolétariat que la bourgeoisie attaque (4). » En d’autres mots, quand le gouvernement du Québec mène des attaques spécifiques contre les travailleurs migrants et sans papiers, c’est qu’il vise à faire d’une pierre deux coups : d’abord, il s’agit de s’attaquer aux conditions de vie et de travail des prolétaires immigrés afin d’augmenter encore davantage l’exploitation de ceux qui sont en mesure de rester et de fragiliser drastiquement l’existence des expulsés, ensuite il s’agit d’atteler les travailleurs « de souche » à la remorque de la concorde nationale et de la collaboration de classe en leur faisant croire que les immigrants sont la source de leur difficultés socio-économiques.
Les prolétaires doivent refuser ce chantage chauvin imposé par la bourgeoisie québécoise qui ne vise qu’à les diviser afin de les attaquer plus efficacement ; ils ne forment qu’une seule classe internationale – quels que soit leur origine ethnique, religieuse, nationale – dont la défense des conditions de vie et de travail nécessite impérieusement une solidarité de tous les prolétaires contre leurs patrons directs sur les lieux de travail d’abord, mais encore plus contre l’ensemble de la bourgeoisie nationale d’un point de vue plus général. La lutte contre tout contrôle de l’immigration est donc une lutte qui doit mobiliser tous les prolétaires, non pas parce qu’il s’agirait d’un devoir moral de « revendiquer des idéaux intemporels, démocratiques et humanitaires comme la «liberté», «l’égalité», le «droit», mais bien parce qu’il s’agit d’une exigence internationaliste intrinsèque au combat de classe que « d’unir les rangs prolétariens, notamment en faisant comprendre aux ouvriers autochtones la nécessité, pour les besoins mêmes de la lutte de toute la classe ouvrière, de refuser toute situation de privilège, toute discrimination et toute manœuvre de division de la part de la bourgeoisie (5). »
Contre le contrôle de l’immigration, contre les politiques chauvines,
Contre les discriminations et les expulsions,
Pour la liberté de mouvement des travailleurs migrants !
Contre la collaboration de classe et l’unité nationale !
Pour l’unification de tous les prolétaires, pour la défense exclusive des intérêts prolétariens !
(1) Voir notre texte « Lutte de classe contre la loi immigration et toutes les attaques anti-ouvrières ! », Le Prolétaire, N° 551, Décembre 2023 - Janvier 2024.
(2) https://www.ledevoir.com/politique/quebec/821007/recu-premier-ministre-francais-matignon-legault-discute-immigration.
(3) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2109456/francois-legault-france-matignon-immigration-barnier.
(4) « Solidarité prolétarienne contre le contrôle de l’immigration », Brochure Le Prolétaire n° 12, janvier 1980, https://pcint.org/40_pdf/18_publication-pdf/FR/12_contre-controle-immigration.pdf, p. 15.
(5) Ibid., p. 18.
20 octobre 2024
Parti Communiste International
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