La course impérialiste aux matières premières est le véritable moteur de la guerre au Kivu
(«le prolétaire»; N° 556; Février-Mars 2025 )
Le 26 janvier 2025, après quatre jours d’une offensive éclair, le Mouvement du 23 mars (M23) et des troupes rwandaises entrent dans Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, située à l’est du pays et frontalière de l’Ouganda et du Rwanda. Quelques semaines plus tard, le 16 février, c’est désormais Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, qui tombe aux mains des rebelles. Les images font le tour du monde, contrastant ainsi avec un le silence traditionnellement observé par les médias occidentaux sur cette région du globe, et provoquent la panique, non seulement au sein de la population civile et des troupes régulières qui fuient en masse les deux villes, mais aussi auprès des chancelleries occidentales et de cette « caverne de brigands » (Lénine) que sont les Nations-Unies. Le 21 février 2025, le conseil de sécurité de l’ONU, qui rassemble les grandes puissances impérialistes et qui constitue la seule entité disposant d’un pouvoir réel au sein des Nations Unies, adopte ainsi une résolution appelant le M23 à cesser son offensive et demande à l’armée rwandaise de retirer ses troupes et de cesser de soutenir la rébellion du M23. Selon un rapport onusien daté de juillet 2024, 3000 à 4000 soldats du régime de Kagame combattraient directement en RDC. La présence du Rwanda illustre une fois encore cette sombre réalité : la République démocratique du Congo n’est que le terrain de jeu des grandes puissances impérialistes et des bourgeoisies régionales.
EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, LA GUERRE N’A JAMAIS CESSE
Cette séquence géopolitique a un air de déjà-vu. Déjà en 1998, à l’occasion de ce qu’il est convenu d’appeler la Deuxième Guerre du Congo (1998-2003), les deux capitales régionales étaient tombées entre les mains de groupes rebelles, notamment du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), déjà soutenu par le Rwanda, ainsi que par l’Ouganda. Il s’agissait alors de renverser le président Laurent-Désiré Kabila, lui-même arrivé au pouvoir dans le cadre d’une rébellion ayant renversé le dictateur pro-occidental Mobutu, et soutenue par le Rwanda et l’Ouganda (!). Ces retournements d’alliance soudains ne peuvent surprendre que les naïfs idéalistes croyant que les États entrent en lutte pour des idéaux comme la « démocratie », la « liberté », le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». En réalité, dans le mode de production capitaliste, et a fortiori dans l’ère de l’impérialisme, les États ne sont guidés que par la conquête de nouveaux marchés au détriment de leurs rivaux pour disposer de débouchés à la surproduction, de matières premières et d’une main d’œuvre taillable et corvéable à merci. C’est le capitalisme « suant le sang et la boue par tous les pores » dont parle Marx dans son célèbre passage sur l’accumulation primitive du capital.
Depuis 1998, on peut dire que la guerre civile au Congo, opposant forces gouvernements et forces rebelles soutenues par le Rwanda, n’a jamais cessé. Ainsi, en 2004, soit tout juste un an après la fin officielle de la Deuxième Guerre du Congo, un nouveau groupe rebelle issu de la faction pro-rwandaise du RCD, est formé dans la province du Nord-Kivu autour de la figure de Laurent Nkunda. À partir de 2006, ce groupe est connu sous le nom de Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Prétendant défendre la population tutsie, réfugiée dans la région depuis le génocide au Rwanda d’un million de tutsis par la majorité hutu en 1994, ce groupe rebelle cherche surtout à se substituer au pouvoir du président Joseph Kabila et à s’engager dans l’extraction et la commercialisation des riches ressources naturelles de la province. Un premier accord de paix est finalement signé entre les autorités congolaises et le CNDP le 23 mars 2009. D’après les conditions de cet accord, le groupe accepte de se dissoudre en échange de l’intégration de ses membres dans les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Mais la paix dans le capitalisme, et c’est vrai des grands conflits mondiaux comme des conflits locaux, n’est jamais qu’un intermède entre deux périodes de guerre. C’est ainsi que dès 2012, d’anciens membres du CNDP, mécontents de leurs conditions au sein des FARDC, entrent à nouveau en rébellion et donnent naissance au M23. C’est ce groupe qui défraye aujourd’hui l’actualité. Comme le RCD en 1998, comme le CNDP entre 2006 et 2009, le M23 s’empare de Goma et d’une large partie du Nord-Kivu, ce qui déclenche déjà à l’époque l’intervention de la « communauté internationale » (lire : les grands impérialismes), soucieuse de maintenir un semblant de stabilité. En novembre 2013, la rébellion est vaincue dans une campagne conjointe des FARDC et de la mission locale des Nations-Unies, la MONUSCO. Le M23 est démantelé tandis que ses combattants sont désarmés puis transférés dans des camps de réfugiés au Rwanda et en Ouganda. Mais cet accord n’est qu’un chiffon de papier prêt à être déchiré et en novembre 2021, le M23 reprend les armes au Nord-Kivu et, en mars 2022, lance une offensive contre les FARDC et la MONUSCO. Soutenu par Kigali, le M23 remporte une série de succès décisifs et étend son emprise sur le Nord-Kivu. Un cessez-le-feu est négocié en août 2024 mais il ne tient que quelques mois, l’offensive du M23 reprenant dès décembre 2024. La prise de Goma puis de Bukavu n’est que la dernière étape à ce jour de cette longue séquence militaire, où les accords de paix et les cessez-le-feu ne font que préparer le terrain pour de nouvelles reprises du conflit. Gageons que les négociations entamées le 18 mars 2025 pour un cessez-le-feu connaîtront la même fin peu glorieuse que les précédentes (1).
UN ÉTAT-CROUPION, PROIE FACILE POUR LES GRANDES PUISSANCES IMPERIALISTES ET LES BOURGEOISES REGIONALES
L’État congolais, comme de nombreux États africains issus des indépendances, est un État-croupion, extrêmement faible et divisé entre plusieurs fractions rivales corrompues et prédatrices, n’hésitant pas à collaborer localement avec les groupes rebelles pour servir leurs propres intérêts. Aujourd’hui, la bourgeoisie congolaise est divisée entre les partisans du président en exercice Félix Tshisekedi et le clan Kabila, regroupé autour de l’ancien président Joseph Kabila. La figure de Vital Kamerhe illustre de façon paroxystique cette corruption des élites locales. Président de l’Assemblée nationale sous Kabila puis à nouveau depuis 2024 sous Tshisekedi, il avait pourtant été condamné à 20 ans de travaux forcés, 10 ans d’inéligibilité et d’interdiction d’accès aux fonctions publiques, pour « détournements, corruption aggravée et blanchiment d’argent », par le Tribunal de grande instance de Kinshasa en 2020, une décision cassée dès 2022 (2).
Cette faiblesse de l’État congolais ouvre le champ libre aux puissances étrangères, qu’elles soient régionales ou impérialistes. L’armée congolaise, incapable de répondre au défi de la rébellion, est en effet contrainte de s’appuyer sur des armées alliées, voire sur des troupes mercenaires. Outre la MONUSCO, présente sur le territoire jusqu’en 2024, et à laquelle contribuaient près de 60 États, on peut également mentionner la Mission de la Communauté de développement d’Afrique australe en République démocratique du Congo, regroupant des troupes sud-africaines, malawites et tanzaniennes, qui commence tout juste (mars 2025) à retirer ses troupes. Mais le gouvernement congolais fait surtout appel à des sociétés « de sécurité privée » - en réalité, des mercenaires – implantées en Europe, comme Agemira, une société franco-bulgare ou encore Ralf, société franco-roumaine. Ces sociétés, composées principalement de mercenaires roumains, sont supposées apporter leurs conseils aux FARDC, former les troupes locales, négocier des contrats d’armement et défendre des zones stratégiques. Leur présence n’a cependant pas permis d’empêcher la prise de Goma par les rebelles et en janvier 2025, elles ont dû être rapatriées en Roumanie (3).
Cet état de décomposition générale de l’armée et de l’État congolais est du pain béni pour les grandes puissances impérialistes et les bourgeoisies régionales qui fondent, tels des charognards, sur le riche territoire congolais, et plus largement sur tout le continent africain, leur traditionnelle chasse gardée. Au premier rang des requins impérialistes se place la France, qui a décidément bien des difficultés à admettre le déclin de la « Françafrique » (4). L’impérialisme français joue en effet un rôle particulièrement trouble dans ce conflit. Officiellement, la France est un allié diplomatique de la République démocratique du Congo. Son armée collabore ainsi avec les FARDC, en apportant notamment une formation militaire. Ces formations ont lieu au Gabon et en RDC, notamment au camp de Kibomango et à l’école des sous-officiers de Kitona, avec environ 50 militaires français impliqués. La France contribue également à la modernisation des FARDC en soutenant la création de l’École de Guerre et via des conventions de coopération signées depuis 2019. Par ailleurs, l’entreprise française Themiis forme depuis neuf ans les officiers supérieurs des FARDC et de la police congolaise (5). Preuve apparente de cette solidarité France-RDC, son ambassade dans le pays se fend même d’un communiqué dans lequel « La France condamne avec fermeté l’offensive du M23 soutenue par le Rwanda dans le Sud-Kivu en direction de Bukavu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). […] La France réaffirme sa solidarité envers la République démocratique du Congo et son attachement indéfectible à son intégrité territoriale et à sa souveraineté. Elle appelle au retrait sans délai des forces rwandaises du territoire de la République démocratique du Congo (6). » Cette condamnation, pour la galerie, est en réalité bien timide. Elle ne fait d’ailleurs pas illusion. Le ministre des affaires étrangères belge Maxime Prévot (un représentant de l’ancien colonisateur qui a conservé d’importants intérêts au Congo) a ainsi évoqué « les réticences qui sont exprimées dans les coulisses du côté de l’hexagone » à l’idée de sanctionner le Rwanda (7). En réalité, ces prises de positions ne servent qu’à dissimuler une véritable proximité d’intérêts entre la France et le Rwanda, comme nous le montrions en 2021 où, à l’occasion d’un discours reconnaissant la « responsabilité écrasante de la France » dans le génocide rwandais, la France et le Rwanda s’étaient spectaculairement réconciliées pour la défense des intérêts impérialistes (8). Ainsi, malgré les beaux discours appelant à la fin du conflit, la France n’a pas mis un terme à son aide militaire à destination du Rwanda et a même poussé l’Union Européenne pour qu’elle fournisse une aide au Rwanda, officiellement destinée à lutter « contre le terrorisme ». En réalité, cette aide consistait à appuyer l’envoi de soldats rwandais au Mozambique afin d’y sécuriser un gigantesque projet de l’entreprise Total, fleuron français des hydrocarbures, menacé par l’avancée de djihadistes. Alors que son mégaprojet de construction d’un site de production de gaz liquéfié d’une valeur de près de 20 milliards d’euros dans les environs de Palma, dans le nord du pays, venait de subir le 24 mars 2021 le raid d’un groupe armée se revendiquant de l’État islamique, contraignant l’entreprise à cesser les travaux et à rapatrier son personnel, le Rwanda annonçait quelques jours plus tard l’envoi d’un corps expéditionnaire de 1000 soldats dans la région, et ce malgré les réserves initiales du gouvernement mozambicain. Résultat : le 9 août, l’armée rwandaise était parvenue à reprendre le contrôle du site et à établir une zone de sécurité d’une cinquantaine de kilomètres de long autour du projet. Belle démonstration de la solidarité entre les ennemis d’hier pour la défense des intérêts de l’impérialisme français. Depuis, l’Union européenne a, certes, sanctionné des généraux rwandais et des responsables du M23 mais à ce jour, elle n’a suspendu ni l’accord avec ce pays sur les « matières premières critiques » (en fait pour la fourniture aux grandes entreprises européennes des matières premières congolaises!) ni l’aide à ses armées.
L’État français ne se contente pas d’appuyer discrètement l’État rwandais, il laisse aussi des sociétés de conseil minier appartenant directement au M23 prospérer sur le sol français. C’est ce qu’a révélé le média d’investigation Off Investigation il y a seulement quelques jours. La société incriminée se nomme Kingston Holding, elle est dirigée par un certain Lawrence Kanyuka, porte-parole du M23, et basée à Paris. Si l’on ignore la nature réelle de son activité, la société n’ayant déclaré aucun bilan comptable depuis sa fondation – ce qui constitue pourtant un délit selon le droit des affaires français – l’on peut penser que la société cherche à attirer des investisseurs occidentaux pour l’exploitation des « minerais de sang » aux mains du M23. Toujours est-il qu’à ce jour aucune procédure n’a été engagée par le fisc français à l’encontre de cette société, ce qui conduit le média d’investigation à poser cette question gênante : « Dans le cas de Kanyuka, aurait-on laissé tranquille un rebelle qui géopolitiquement, sert davantage nos intérêts ? » Et de répondre que « Pour une partie des Congolais, la cause est déjà entendue. Le 28 janvier dernier, l’ambassade de France à Kinshasa (capitale de la République Démocratique du Congo) a été attaquée par des manifestants, qui reprochaient à notre pays de faire preuve de passivité alors que le M23 faisait résonner des bruits de bottes à Goma, la plus grande ville de l’est de la RDC. (9) »
UN PAYS RICHE EN MATIERES PREMIERES
Le malheur du Congo c’est qu’il est trop riche … en ressources : bois précieux, café, capacités énergétiques du fleuve Congo, ivoire, caoutchouc, diamant, or, uranium, gaz et pétrole, bauxite, plomb, fer, manganèse, tungstène, zinc, nickel, argent, cuivre, cobalt… la liste est longue. Le Kivu, quant à lui, serait surtout riches en minerais et en gaz. C’est la raison pour laquelle l’ex Congo belge a constamment suscité la convoitise des puissances impérialistes. Certains de ces minerais sont ainsi nécessaires pour les industries de haute technologie. C’est le cas du coltan, utilisé dans la fabrication de condensateurs stockant l’énergie et résistants à la chaleur et que l’on retrouve dans des biens de consommation comme les téléphones et ordinateurs portables, les GPS, les télévisions plasma mais aussi dans les secteurs de l’aérospatiale (satellites) ou l’armement (missiles). Le cobalt est quant à lui utilisé pour fabriquer des batteries de téléphones ou de voitures électriques. En 2023, les mines congolaises ont produit l’équivalent de plus de 3 milliards de dollars de cuivre et de cobalt (10). Toutes ces richesses sont exploitées par les multinationales des puissances impérialistes. C’est particulièrement le cas du géant suisse des manières premières Glencore qui, concurremment à ses rivaux chinois, exploite le cobalt. Évidemment, cette économie extractiviste se caractérise par un large recours à des pratiques de corruption. En 2024, le Ministère public suisse condamnait Glencore à une amende de 152 millions de dollars pour corruption, après le versement de pots de vin lui ayant permis d’acquérir des droits miniers en RDC. D’après le média Public Eye, à l’origine de la révélation de l’affaire, « Glencore a eu recours aux services de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, proche du pouvoir de Kabila, pour conclure trois accords miniers très rentables (11) » dans des mines de cuivre et de cobalt. En échange de renégociations d’accords avec le gouvernement congolais, qui auraient privé l’État congolais de près d’un milliard de dollars de recettes, Gertler était récompensé par l’acquisition de parts de la société minière publique congolaise à un prix bien inférieur à leur valeur. D’après les enquêtes du Ministère Public, c’est près de 26 millions de dollars qui ont été versés à Dan Gertler via des comptes bancaires suisses. Sur ces 26 millions, 10 ont été versés en liquide à un haut fonctionnaire congolais. L’enquête confirme que Glencore en a retiré un avantage économique évident (12). Mais le géant suisse n’est pas le seul à exploiter les ressources minières congolaises. Ainsi, du minerai brut est exporté vers la Chine où il est raffiné. Et ce sont parmi les plus grandes multinationales occidentales qui utilisent massivement ces matières premières : Alcatel, Ericsson, Bayer, Bolloré, Intel, Hewlett Packard, Philips, Acer, Dell, Apple, Microsoft, Motorola, Nokia, Panasonic, IBM, Sony, Samsung, Toshiba, Lenovo, Canon, Nikon, Nintendo mais aussi de nombreuses entreprises d’armement.
Les puissances régionales ne sont pas non plus en reste, et les gains que tire le Rwanda de l’exploitation des ressources de la RDC permettront de mieux comprendre l’aide apportée à la rébellion. Le Rwanda est en effet depuis longtemps engagé dans la contrebande du coltan par l’intermédiaire de diverses milices. En juin 2018, un groupe d’experts de l’ONU a présenté au Conseil de Sécurité un rapport selon lequel « une grande partie de l’or vendu par l’Ouganda et le Rwanda est extrait de façon illicite dans des pays limitrophes [c’est-à-dire le Congo] ». Aujourd’hui, le Rwanda sert donc de pays de transit pour les « minerais de sang » extraits par un prolétariat réduit à l’esclavage dans les mines congolaises contrôlées par les groupes rebelles comme le M23. Ainsi, au printemps 2024, le M23 s’est emparé de la mine de Rubaya, plus grand gisement de coltan du pays, concentrant entre 15 et 30 % de la production mondiale (13). Quant aux autres pays de la région, comme la Tanzanie, le Burundi ou l’Angola, ceux-ci ne se privent pas non plus de participer au pillage des ressources congolaises tandis que L’Afrique du Sud, outre ses intérêts miniers dans la région, est particulièrement intéressée par l’électricité que pourrait produire un gigantesque barrage érigé sur le fleuve Congo (14).
LES CIVILS, ET SURTOUT LES PROLETAIRES, SONT LES PRINCIPALES VICTIMES DE L’EXPLOITATION MINIERE ET DE LA GUERRE
En 1996, nous écrivions déjà : « Si une partie des richesses tirées du Zaïre a servi à enrichir Mobutu et sa clique, la plus grosse partie est revenue dans les caisses des capitalistes occidentaux. Et les populations locales n’en n’ont profité en rien. Au contraire l’intégration toujours croissante du Zaïre au marché mondial, le développement du capitalisme local, si débile soit-il, ont eu des conséquences dévastatrices sur les masses : misère, famines, maladies, affrontements inter-ethniques ont accompagné l’oppression, l’exploitation et le pillage (15). » Dans les « mines de la mort », au main des seigneurs de guerre, le travail forcé est monnaie courante et s’accompagne de massacres ou de viols (500 000 femmes et filles depuis près de trois décennies). On estime que 20 % de l’extraction est réalisée à la main par 110 à 150 000 mineurs travaillant avec des outils rudimentaires et sans aucune protection. Dans les mines du sud du pays, ce sont près de 40 000 enfants qui extraient les ressources, au prix de nombreux accidents de travail mortels ou de maladies liées à la consommation d’eau non potable, comme le choléra ou la diarrhée. Évidemment, l’exploitation ne se limite pas aux seules « mines de la mort » exploitées par les rebelles : dans les mines exploitées par Glencore, des conditions assimilables à de l’esclavage ont été dénoncées par les travailleurs (16).
Jusqu’ici nous n’avons pas encore parlé des exactions commises contre les civils dans le cadre de cette guerre. Elles sont pourtant innombrables : exécutions sommaires, tortures, viols, pillages. Au total, on compte plusieurs millions de morts et autant d’exilés. Si ces populations fuient les exactions des groupes rebelles, responsables notamment d’exactions sommaires d’enfants à Bukavu (17), elles ne sont pas mieux traitées par les troupes régulières. En février 2025, alors même que les troupes rebelles progressaient en direction du Sud-Kivu, le gouverneur de cet État faisait juger 84 soldats pour des actes de meurtres, tortures, viols et pillages. Ces soldats auraient tué au moins neuf personnes dans le nord de Bukavu (18). Si toutes les armées commettent régulièrement de tels actes contre les civils – et les armées prétendument civilisées ne font pas exception – ces violences sont facilitées par un climat de décomposition général au sein de l’armée congolaise. Les « casques bleu » de la MONUSCO sont de même accusés par les habitants dans le Nord-Kivu d’avoir causé la mort de civils dans des bombardements indiscriminés. Des manifestations ont eu lieu contre les casques bleus, accusés aussi d’abus sexuels (19).
Les prolétaires du Congo sont dans une situation particulièrement difficile ; les divisions ethniques et géographiques dans cet immense pays, l’absence de tradition de luttes ouvrières (comme par exemple en Afrique du Sud) sont autant d’obstacles qui seront difficiles à surmonter, pour l’apparition d’une lutte prolétarienne capable d’entraîner les masses déshéritées contre le capitalisme. La lutte de classe des prolétaires des métropoles impérialistes et des pays capitalistes africains sera un facteur clé en ce sens. La véritable solidarité dont sont en droit d’attendre les prolétaires du Congo – comme ceux de tous les anciens pays colonisés – n’est pas de nature humanitaire, mais classiste : la lutte contre le pillage impérialiste, pour ne pas rester un slogan creux devra s’incarner dans la reprise de la lutte de classe anticapitaliste dans les grands pays impérialistes. Alors l’union des prolétaires des pays « dominés » et des pays « dominateurs » dans la révolution internationale permettra d’écraser le capitalisme mondial et d’ouvrir la voie à la société communiste sur toute la planète.
(1) https://www.lemonde.fr/ afrique/ article/ 2025/03/19/ guerre- en- rdc- rencontre- surprise- entre- les- presidents- tshisekedi- et- kagame- a- doha- un- cessez- le- feu- evoque_ 6583471_ 3212.html
(2) https://www.rfi. fr/fr/afrique/202 20411-rdc-la-cour-de-cassation-annule-la-condamnation-%C3%A0-13-ans-de-prison-de-vital-kamerhe
(3) https://www.bbc.com/afrique/articles/c93lwd170l0o
(4) https://www.pcint.org/03_LP/555/555_01_imp-francais-afrique.htm
(5) https://lignesdedefense. ouest-france.fr/ republique- democratique- du- congo- les- coups- de- pouce- francais- aux- fardc- actualise/
(6) https://cd. ambafrance.org/Declaration-Condamnation-de-l-offensive-du-M23-dans-le-Sud-Kivu
(7) https://www.off-investigation.fr/republique-democratique-congo-france-et-minerais-de-sang/
(8) https://www.pcint. org/03_LP/541/541_imperialisme-francais.htm
(9) https://www.off-investigation. fr/republique-democratique-congo-france-et-minerais-de-sang/
(10) https://www. publiceye.ch/fr/thematiques/negoce-de-matieres-premieres/glencore-condamnee-pour-corruption-en-rdc-des-suites-de-la-denonciation-penale-de-public-eye
(11) Ibid.
(12) Ibid.
(13) https://www.off-investigation.fr/republique-democratique-congo-france-et-minerais-de-sang/
(14) https://www.pcint.org/03_LP/531/531_congo.htm
(15) «Affrontements bourgeois et appétits impérialistes au Zaïre», Le Prolétaire n°438 (oct.-nov.-déc. 1996)
(16) https://www.pcint.org/03_LP/531/531_congo.htm
(17) https://www.france24.com/ fr/ %C3%A9missions/j ournal- de- l- afrique/ 20250219- r%C3%A 9publique- d% C3%A9mocratique- du- congo- exactions- du- m23- contre- des- enfants
(18) https://www.afrik.com/rdc-84-militaires-des-fardc-juges-pour-meurtres-et-exactions-au-sud-kivu
(19) https://www.the newhumanitarian.org/ news- feature/ 2024/09/24/ drc- be ni-region- departing- un- monusco- peacekeepers- leave- trail- abuse-anger
20 mars 2025
Parti Communiste International
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