Vie du parti

Pourquoi nous appelons-nous «Parti Communiste International»?

(«le prolétaire»; N° 559; Novembre-Décembre 2025 )

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Lors de la réunion du parti qui s’est tenue à la mi-décembre de l’année dernière dans le Trentin (Italie), nous avons voulu répondre à la question que nous posent souvent lecteurs et détracteurs : vous vous déclarez communistes, soit, mais vous n’êtes qu’une poignée, quel sens cela a-t-il de vous appeler parti, et par ailleurs international ?

Durant des décennies, notre parti a très souvent été confronté à ce genre de questions ; des questions sur sa nature et son fonctionnement, parfois dans le but de mieux comprendre nos positions, parfois dans le but à peine voilé de nous critiquer. Il peut être utile de rappeler comment, au fil des ans, le parti a répondu à ces questions, ne serait-ce que dans le but de mieux caractériser et rendre public notre travail. La polémique politique avec nos adversaires – qui dégénère souvent en sophisme creux lorsqu’il s’agit de partis bourgeois ou faussement prolétariens – a également l’utilité de rendre nos positions invariantes plus claires et plus nettes, sans jamais modifier la ligne tracée par le programme historique de la classe prolétarienne. Cette caractéristique constitue un argument suffisamment important pour lui consacrer un bref espace dans le présent exposé.

Tout d’abord, on nous a demandé pourquoi nous avons pris le nom de Parti Communiste International. Ce nom comporte trois parties qu’il faut clarifier : 1) Parti ; 2) Communiste ; 3) International. Nous avons montré dans le rapport de la réunion précédente (1) comment le parti prolétarien de classe se différencie historiquement des autres partis politiques, en caractérisant ses traits généraux.

Il est important de préciser pourquoi, dans la situation actuelle, nous revendiquons encore le nom de Parti, malgré les forces limitées dont nous disposons. En effet, convaincus de la nécessité d’une adhésion réelle et profonde aux positions et aux méthodes du Parti, nous avons renoncé à toute manie activiste d’élargissement forcé de nos rangs. D’autres, à notre place, ont voulu prendre les noms confus de Groupe, de Tendance, de Mouvement ou de toute autre unité politique informe, qui ne soit pas limitée par les règles stratégiques et tactiques strictes d’un véritable parti. Pourquoi n’avons-nous pas, nous aussi, adopté de telles dénominations ?

La réponse est en réalité simple. Le Parti a conservé cette définition, non pas pour donner une image formelle de grandeur, mais pour revendiquer historiquement sa fonction.

Dans notre presse, nous parlons de parti historique et de parti formel et ce n’est pas un hasard : s’il est vrai que le parti de classe prolétarien est l’organisation qui porte le programme historique d’une partie organisée de la société en opposition à la bourgeoisie dans son ensemble (c’est-à-dire la classe prolétarienne), il est alors évident que les forces physiques qui se réfèrent à ce parti historique et le défendent doivent être définies comme un parti formel. Ce parti connaîtra des vicissitudes, il grossira ou diminuera en nombre, il deviendra plus ou moins influent temporairement, mais inexorablement, à mesure que la lutte de classe se développera, il restera programmatiquement destiné à diriger la révolution prolétarienne. De notre part, il est donc nécessaire de revendiquer notre organisation en tant que Parti, car elle fait partie intégrante de notre activité théorique et politique liée à l’histoire réelle du Parti Communiste International d’hier, et aussi de revendiquer ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous représentons non seulement aujourd’hui, mais surtout en perspective. Bien que réduisant considérablement nos forces physiques, la crise explosive de 1982-1984 a en vérité perfectionné notre capacité à défendre la route correcte grâce au grand bilan politique réalisé, nécessaire alors et aujourd’hui pour poursuivre un travail politique sérieux en tant que communistes révolutionnaires.

Le Parti se définit comme communiste en raison de sa stricte continuité avec la doctrine de Marx et Engels, réaffirmée avec force par Lénine et la Gauche communiste d’Italie. Il s’agit d’une vision complète de l’histoire du monde, des sociétés qui se sont succédées au cours des millénaires et adhérant pleinement à l’objectif historique du communisme, c’est-à-dire d’une société sans classes, d’une société de l’espèce, en passant par la révolution prolétarienne internationale pour la dictature du prolétariat exercée par son parti de classe, le parti communiste international. Avec ce nom, nous revendiquons donc une continuité avec l’œuvre de Marx et Engels dans la Première Internationale, avec la Commune de Paris, avec le  bolchévisme de Lénine dans la Deuxième Internationale, avec la Révolution d’Octobre, la dictature prolétarienne de Lénine, avec les bases théoriques, programmatiques, politiques, tactiques et organisationnelles des deux premiers congrès de l’Internationale Communiste et avec la lutte contre toutes ses concessions et toutes ses déviations jusqu’à sa dénaturation et sa subversion par le stalinisme. Plus précisément, nous nous réclamons de la Gauche Communiste des années 1918-1926 (et plus précisément encore, à celle dite « italienne »), à la fondation du Parti Communiste d’Italie et à sa direction par la Gauche communiste d’Italie. La dégénérescence stalinienne du parti bolchévique et de l’Internationale Communiste, combinée à l’absence de révolution prolétarienne en Europe occidentale et à l’isolement consécutif du pouvoir prolétarien et communiste en Russie, a facilité la réaction contre-révolutionnaire des puissances impérialistes (démocratiques et fascistes) et l’écrasement du mouvement révolutionnaire en Russie, en Chine et dans le monde, amenant le mouvement prolétarien à embrasser la cause bourgeoise sous les bannières de l’« antifascisme », de la « reconquête de la démocratie » et du national-communisme. Le parti de classe fut ainsi complètement détruit, falsifiant le marxisme depuis ses fondements, à travers la théorie de la « construction du socialisme dans un seul pays ». Face à ce désastre, les communistes révolutionnaires n’avaient d’autre choix que d’assurer la difficile tâche de restauration théorique du marxisme, comme l’avait fait Lénine dans les deux premières décennies du XXe siècle, mais dans une période historique totalement défavorable à la révolution prolétarienne. Après la Seconde Guerre mondiale, à la tâche de restauration de la doctrine marxiste s’ajoutait celle de la reconstitution du Parti de classe sur des bases théoriques solides et sur celles du nécessaire bilan dynamique de la contre-révolution, tâche accomplie avec ténacité dans les batailles de classe contre toute déviation, principalement contre le démocratisme, l’activisme et l’indifférentisme. Le marxisme révolutionnaire que nous portons a donc tout à fait le droit, et même le devoir, d’être appelé communisme, sans aucune préoccupation et même fièrement, comme Marx et Engels le disent dans leur Manifeste.

Enfin, le parti est international. Les raisons en sont multiples. D’une part, il faut reconnaître que la revendication historique de l’expression Parti Communiste International est également antérieure au changement de nom opéré en 1965 avec l’expansion de notre parti dans d’autres pays que l’Italie (2) : rappelons l’intervention de Zinoviev sur la nécessité d’un Parti Communiste Mondial incarné par l’Internationale Communiste. D’autre part, pour clarifier le sens dans lequel nous revendiquons le nom de Parti Communiste (comme Marx et Engels le revendiquaient en 1848), il faut souligner que la revendication du communisme ne peut se limiter aux frontières d’une nation. Pour le marxisme, le communisme « national » n’existe pas, il est par nature international depuis 1848, date à laquelle Marx et Engels rédigèrent à dessein le Manifeste du parti communiste pour le compte de la Première Internationale, sans aucune déclinaison spécifiquement nationale. Seule la classe bourgeoise a intérêt à exalter les valeurs nationales, en rappelant son passé révolutionnaire ; des valeurs que le développement international du capitalisme lui-même n’a cessé de remettre en question. Bon gré mal gré, la classe bourgeoise naît nationale ; elle devient une classe internationale poussée par le mode de production sur lequel repose sa domination de classe, en raison des contradictions de plus en plus fortes qui caractérisent les rapports de production et de propriété bourgeois, mais elle ne perd jamais sa nature nationale. Au contraire et précisément parce qu’elle est la classe des sans-réserves, expropriée de tout sauf de sa force de travail individuelle, la classe prolétarienne est par nature internationale, car sa marchandise – à savoir la force de travail – est vendue contre un salaire dans n’importe quel coin du monde.

D’un point de vue formel et organisationnel, notre parti d’hier a hérité du nom de Parti communiste internationaliste, transmis par le groupe d’anciens camarades de la Gauche communiste de 1921 qui n’avaient pas cédé au stalinisme et qui entendaient non seulement défendre le patrimoine théorique et politique de la Gauche communiste, comme ils l’avaient fait pendant le fascisme et la guerre, mais aussi reconstituer formellement le parti de classe que le stalinisme avait détruit. Notre parti d’hier, en vertu de son réseau organisationnel qui s’étendait de l’Italie à plusieurs pays, a décidé de s’appeler « PC International » , abandonnant le terme « PC Internationaliste » aux groupes qui avaient rompu avec le parti constitué sur la restauration théorique et le bilan de la contre-révolution stalinienne, comme en 1952 battaglia comunista, et comme en 1964 rivoluzione comunista, sur des bases activistes et démocratiques. Mais avec la prolongation pendant des décennies de la période contre-révolutionnaire et la dépression généralisée du mouvement ouvrier, l’activisme, le contingentisme et l’indifférentisme ont été des facteurs de crises supplémentaires qui ont secoué le parti, jusqu’à sa crise explosive de 1982-84.

Il existe d’autres groupes qui, à tort, continuent d’utiliser la dénomination de « parti communiste international » même après leur rupture avec notre Parti d’hier. Pendant des décennies, à partir de la dégénérescence stalinienne, les partis qui avaient complètement transfiguré le parti communiste révolutionnaire d’origine ont continué à se définir comme « partis communistes » ; cela leur a permis de conserver longtemps une influence décisive sur les masses prolétariennes de leurs pays respectifs, en les dupant sur la véritable signification du terme communiste – donc marxiste, révolutionnaire, antibourgeois, antidémocratique, antiréformiste, antilégaliste, antinational, antipacifiste – en l’assimilant à démocratique, réformiste, légaliste, nationaliste, pacifiste. Mais leur opportunisme contre-révolutionnaire, tout en falsifiant de long en large le marxisme et son histoire, n’a pas réussi à détruire la solidité de la théorie marxiste, donc du communisme révolutionnaire, tout comme Kautsky et la social-démocratie de la Deuxième Internationale n’ont pas réussi à empêcher l’œuvre de restauration théorique et politique de Lénine. Les différentes tendances opportunistes que représentent ces partis et ces groupes prétendument liés à la Gauche communiste italienne sont en réalité une arme entre les mains de la classe bourgeoise dominante contre laquelle les communistes révolutionnaires ont le devoir de lutter – peu importe si, dans une période historique défavorable, même aussi longue que celle que nous traversons actuellement, ne sont qu’une poignée de militants qui se tiennent fermement la main (vous vous souvenez de Lénine ?) –, car lorsque la situation générale fera mûrir les facteurs favorables à la lutte de classe prolétarienne et à sa révolution, il sera vital que le noyau de communistes révolutionnaires qui s’est maintenu fermement, tout au long de la longue période contre-révolutionnaire, sur les bases théoriques et programmatiques du marxisme, représente réellement l’organe indispensable à la conduite et à la victoire de la révolution prolétarienne et communiste : le parti de classe, le parti communiste international.

Même si depuis le stalinisme, le concept marxiste et léniniste de la dictature du prolétariat a été complètement dénaturé, nous ne modifions pas la revendication de la Dictature du prolétariat et nous ne modifions pas non plus la revendication du Parti communiste international. Pour nous, il n’avait et n’a aucun sens de modifier le nom du parti après sa crise de 1982-84 : quelle autre définition le parti pourrait-il avoir, après la longue lutte contre le stalinisme et toutes les autres variantes opportunistes qui ont suivi, pour représenter la continuité théorique, programmatique, politique, tactique et organisationnelle, si ce n’est celle de Parti communiste international ? Chacun de ces termes représente une revendication à la fois théorique et politique. Ce sera l’histoire de la lutte des classes qui rendra son verdict final, comme lors de la révolution d’octobre 1917, les communistes révolutionnaires, les marxistes, appelés « bolcheviks » par contingence, ont réussi à conquérir une influence déterminante sur le prolétariat non seulement russe, mais international. Il en sera de même un jour pour les communistes révolutionnaires qui, dans la longue lutte pour la défense du marxisme, de sa restauration par Lénine et du patrimoine politique de la Gauche communiste d’Italie, auront maintenu le cap contre tous les vents contraires, contre toute accélération illusoire de la lutte révolutionnaire par des expédients et des concessions opportunistes.

En 1952, le changement de titre du journal du parti, de Battaglia Comunista à Il Programma Comunista, et en 1984, le changement de titre du journal du parti en Italie, de Il Programma Comunista à Il Comunista, ont été motivés uniquement par les actions judiciaires bourgeoises engagées contre le parti, sans affecter en rien la ligne politique qui relie le parti d’aujourd’hui à celui d’hier. Pour dissiper toute confusion, nous avons toujours pris soin d’indiquer quels étaient nos organes et nos titres dans les différentes langues, afin de toujours clarifier la provenance de nos documents.

Revendiquer ce nom nous charge sans aucun doute d’un grand poids sur les épaules, mais conscients de l’immense tâche que l’Histoire elle-même nous impose à l’époque actuelle de crises périodiques de plus en plus rapprochées, dont les convulsions secouent le monde et préparent un nouveau massacre belliciste sur le dos des prolétaires, nous nous sentions, et nous nous sentons, dans l’obligation d’adopter une position encore plus intransigeante que celle qui avait été prise dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. En ce qui nous concerne, cela signifie mettre en avant obstinément les positions caractéristiques et l’organisation propre au Parti, sans aucune illusion démocratique sur son fonctionnement interne. Il ne fait en effet aucun doute sur la nature radicalement antidémocratique de notre Parti dans toutes ses expressions, non seulement théorico-politiques, mais aussi tactico-organisatives.

Notre position, qui défend le principe du centralisme organique en critiquant radicalement le principe démocratique sous toutes ses formes, se traduit également dans l’organisation effective du Parti. Aujourd’hui comme hier, celui-ci est dépourvu des inutiles formalismes et discussions sur les thèses et les textes fondamentaux qui constituent le patrimoine réel du parti. La théorie marxiste n’est pas un atout à se disputer hasardeusement après la mort de Karl Marx : c’est une méthode intégrale de compréhension du monde, d’évaluation de la situation socio-économique, de lutte contre la société capitaliste qui, dans son développement toujours plus dévastateur, ne fait que pousser l’humanité vers des régimes toujours plus oppressifs et répressifs, vers la famine, la misère et la guerre. Elle n’a pas besoin de révisions, de corrections momentanées, d’engouements passagers, de votes à la majorité pour être appliquée : elle exige tout le contraire. Chaque vote à la majorité du soi-disant centralisme démocratique tue le sens même d’une théorie scientifique – la science étant réellement antidémocratique en toute circonstance. L’histoire a en effet démontré que toute tentative d’instaurer une « démocratie socialiste » (voir, par exemple, la Commune de Paris) échoue précisément dans la partie où se rejoignent socialisme et démocratie. Aux communards menant une lutte héroïque, Marx a reproché uniquement leur manque de résolution et les élections continuelles, qui empêchaient la Garde nationale et les forces insurgées de vaincre plus rapidement les troupes versaillaises. Et même dans le cas de la révolution d’Octobre et de l’instauration de la dictature du prolétariat, ce qui empêcha le prolétariat russe et le parti bolchevik dirigé par Lénine de céder aux sirènes de l’opportunisme populiste et social-révolutionnaire, c’est précisément leur intransigeance à résister à toute concession au principe démocratique, alors même qu’une double révolution était à l’ordre du jour en Russie ! Le  bolchévisme russe a commencé à perdre sa solidité programmatique et théorique, si fièrement déclinée dans les textes constitutifs de l’Internationale Communiste et réaffirmée avec une grande force dans les thèses de son deuxième congrès, lorsqu’il a commencé à utiliser des expédients tactiques afin de renforcer l’emprise des partis communistes occidentaux sur le prolétariat de leurs pays.

Conscients de la nécessité de résumer nos positions caractéristiques de manière à être compréhensibles pour tous, nous avons décidé de placer la manchette ce qui distingue notre parti sur tous nos organes de presse : ceux qui souhaitent obtenir plus d’informations sur nos thèses peuvent toujours consulter la nouvelle série en italien de Tesi e testi della Sinistra Comunista, en plus des nombreux textes déjà publiés en différentes langues par le Parti au cours de sa longue histoire et à disposition sur notre site https://www.pcint.org.

 


 

(1) « Il Partito di classe proletario e gli altri partiti politici », in Il Comunista, n°183, p. 11

(2) À ce sujet, voir « Il Partito comunista Internazionale nel solco delle battaglie di classe della Sinistra Comunista e nel tormentato cammino della formazione del partito di classe », vol. I, Edizioni Il Comunista, en particulier le chapitre 22 (pp. 172-184). Accessible en pdf sur notre site https://www.pcint.org/17_CatEdProg/Catalogue.htm.

 

(« il comunista », No 185, Gennaio-Febbraio 2025)

 

 

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