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Les fondements du communisme révolutionnaire marxiste dans la doctrine et dans l’histoire de la lutte prolétarienne internationale

 

( Brochure A5, 88 pages, Prix: 3 €, 6 FS) pdf

 


Au sommaire:


 

Les «Fondements du communisme révolutionnaire...», texte d’un rapport fait par Amadeo Bordiga lors de la réunion générale du parti tenue à Paris les 8 et 9 juin 1957, étaient épuisés depuis plusieurs années. Une réédition s’imposait de ce texte, à la puissance intacte après presqu’un demi-siècle, car il est la démolition des fausses alternatives, des déformations et des révisions qui, au nom de l’«enrichissement» ou du «développement» du marxisme pour soi-disant tenir compte des leçons de l’histoire, renient les éléments fondamentaux du programme communiste dans les questions du parti, de l’Etat. D’autant plus qu’elles se présentent souvent sous une apparence de gauche, ces orientations sont catastrophiques pour la perspective révolutionnaire et le combat du prolétariat parce qu’elles privent celui-ci des armes sans lesquelles il est irrémédiablement condamné à la défaite.

En réaction au légalisme et au réformisme des partis socialistes dans la période qui a précédé la première guerre mondiale, apparut et se développa le courant «syndicaliste révolutionnaire», surtout en France, en Italie et en Espagne (mais aussi en Allemagne et aux USA). Pour les syndicalistes révolutionnaires, le parti était par nature un organisme spécifiquement parlementaire et non révolutionnaire qu’il fallait tenir à l’écart de syndicats, tandis que ces derniers, parce qu’ils n’étaient composés que d’ouvriers, étaient l’organe spécifique de la lutte révolutionnaire prolétarienne qui devait culminer dans la «grève générale expropriatrice»; les syndicalistes révolutionnaires attribuaient en outre aux syndicats la fonction d’organiser la production sociale après la révolution grâce aux capacités techniques acquises par leurs adhérents sous le capitalisme.

Dans cette vision, enveloppée dans les brumes idéalistes du sorélisme avec sa théorie de la violence comme mythe purificateur, c’est non seulement la «constitution du prolétariat en classe, donc en parti» mais aussi la «constitution du prolétariat en classe dominante» (Le Manifeste) qui disparaissent pour la simple raison que disparaît l’acte fondamental de la prise du pouvoir politique comme premier pas indispensable pour commencer la réorganisation conçue et réalisée centralement de l’économie en fonction des buts du socialisme; c’est-à-dire des buts non locaux mais généraux, non nationaux mais mondiaux, non de catégorie mais regardant toute l’espèce humaine. En liquidant la dictature prolétarienne et son organe, le parti, pour les remplacer par une fantomatique et impuissante démocratie ouvrière, c’est en définitive la révolution et par contrecoup le socialisme qui sont liquidés.

Et les choses ne changent pas quand c’est le conseil d’usine qui est mis à la place du syndicat, comme dans la conception du socialiste italien Gramsci et de ses partisans turinois de l’«Ordine Nuovo» et de tous les conseillistes et autogestionnaires qui suivirent. Dans un article-programme de l’ «Ordine Nuovo» intitulé «Démocratie ouvrière», Gramsci et Togliatti écrivaient en 1919: «L’Etat socialiste existe déjà potentiellement dans les institutions de la vie sociale caractéristiques de la classe travailleuse exploitée. Relier ces institutions entre elles, les coordonner et les subordonner à une hiérarchie de compétence et de pouvoir, cela signifie créer dès à présent une véritable démocratie ouvrière, en opposition efficace à l’Etat bourgeois, préparée dès à présent à remplacer l’Etat bourgeois dans toutes ses fonctions essentielles de gestion et d’administration du patrimoine national» (1).

Un an plus tard, commentant les polémiques au sein de son groupe qui avaient mené à la rédaction de cet article, Gramsci affirmait: «Oui, il y a en Italie, à Turin, un germe de gouvernement ouvrier, un germe de soviet; c’est la commission interne [organisation des ouvriers dans l’entreprise à la base des sections syndicales]; étudions cette institution ouvrière, faisons une enquête, étudions même l’usine capitaliste, mais non en tant qu’organisation de la production matérielle, car il faudrait pour cela une culture spécialisée que nous n’avons pas; étudions l’usine capitaliste comme forme nécessaire de la classe ouvrière, comme organisme politique [!], comme “territoire national d’autogouvernement ouvrier”» (2).

La Gauche allemande qui s’incarna dans le KAPD (Parti communiste ouvrier d’Allemagne), née en réaction au réformisme social-démocrate mais aussi aux tendances parlementaristes et légalistes du nouveau parti communiste (KPD), défendait des positions qui ne versaient sans doute pas toujours dans le pur anarchisme comme pour le cas extrême d’un Otto Rühle et de ses partisans, mais qui constituaient néanmoins des déviations anti-parti au fond similaires à celles des ordinovistes italiens. Dans son programme (où on pouvait trouver en préliminaire cette perle de la plus belle eau anarchiste: «Exprimer l’autonomie de ses membres dans toutes les circonstances, c’est le principe de base d’un parti prolétarien, qui n’est pas un parti dans le sens traditionnel»), un idéalisme complètement étranger au matérialisme marxisme faisait affirmer au KAPD que le retard de la révolution était causé par des facteurs subjectifs et psychologiques: «l’idéologie du prolétariat se trouve encore en partie prisonnière de représentations bourgeoises et petites-bourgeoises. La psychologie du prolétariat allemand, dans son aspect présent, ne montre que trop distinctement les traces de l’esclavage militariste séculaire (...). Le problème de la révolution allemande est le problème du développement de la conscience de soi du prolétariat allemand.

(...) L’idée des Conseils dans la période de la lutte prolétarienne pour le pouvoir politique est au centre du processus révolutionnaire». Déclarant son hostilité aux moyens opportunistes de lutte, au Parlement et aux syndicats, le programme mettait au centre de la lutte révolutionnaire l’«organisation d’entreprise»: «Elle correspond à l’idée des conseils; (...) naissant organiquement dans le futur, constituant le futur, elle est la forme d’expression d’une révolution sociale qui tend à la société sans classes. C’est une organisation de lutte prolétarienne pure.

(...) Il faut que la lutte soit menée dans l’entreprise. C’est là que l’on est l’un à côté de l’autre comme camarades de classe, c’est là que tous sont forcés d’être égaux en droit. C’est là que la masse est le moteur de la production et qu’elle est poussée sans arrêt à pénétrer son secret et à la diriger elle-même. C’est là que la lutte idéologique, la révolutionnarisation de la conscience se fait dans un tumulte permanent, d’homme à homme, de masse à masse. (...) Propagande ininterrompue pour le socialisme, assemblées d’entreprise, discussions politiques, etc., tout cela fait partie des tâches [de l’organisation d’entreprise]; bref, c’est la révolution dans l’entreprise».

En outre le KAPD fixait à cette organisation le «deuxième grand but» (le premier étant la destruction des syndicats traditionnels) de préparer sous le capitalisme «l’édification de la société communiste» (3) comme si l’organisation de la société future devait se calquer sur la structure par entreprises de la société capitaliste, et que les organisations de lutte des prolétaires sous le capitalisme (les syndicats dans le cas des syndicalistes révolutionnaires, l’«organisation d’entreprise» dans le cas du KAPD, les conseils d’usine dans le cas des ordinovistes) devaient en être le germe!

Il est facile de voir que ces déviations sont du même type. La lutte menée par la Gauche communiste d’Italie contre l’ordinovisme vaut aussi contre la Gauche allemande, parce que c’était non une polémique locale et circonstancielle, mais une lutte de principe en défense des positions marxistes.

L’organe de la Gauche communiste, «Il Soviet» écrivait: «Soutenir comme le font les camarades de l’ “Ordine Nuovo” de Turin qu’avant même la chute de la bourgeoisie, les conseils ouvriers sont déjà des organes non seulement de lutte politique, mais aussi de préparation économico-technique du système communiste, est un pur et simple retour au gradualisme socialiste: celui-ci, qu’il s’appelle réformisme ou syndicalisme, est défini par l’idée fausse que le prolétariat peut s’émanciper en gagnant du terrain dans les rapports économiques alors que le capitalisme détient encore, avec l’Etat, le pouvoir politique.

(...) En conclusion: nous ne nous opposons pas à la constitution des conseils internes d’usine si leur personnel ou ses organisations le demandent. Mais nous affirmons que l’activité du Parti Communiste doit s’orienter suivant un axe différent: la lutte pour la conquête du pouvoir politique» (4).

En effet pour la Gauche communiste «le Soviet n’est pas un organe révolutionnaire par essence»; il peut bien être «un des organes de la lutte révolutionnaire du prolétariat», mais dans la mesure où il peut «constituer, à un certain stade, un terrain adéquat pour la lutte révolutionnaire que mène le parti» (5). «Au stade où nous en sommes, c’est-à-dire quand l’Etat du prolétariat est encore une aspiration programmatique, le problème fondamental est celui de la conquête du pouvoir par le prolétariat communistes, c’est-à-dire par les travailleurs organisés en parti politique de classe et décidés à réaliser la forme historique du pouvoir révolutionnaire, la dictature du prolétariat» (6).

Le seul organe révolutionnaire par essence est le parti politique prolétarien - dans la mesure où il est véritablement communiste, c’est-à-dire dans la mesure où son programme, son organisation comme son action quotidienne sont parfaitement cohérents et conformes aux principes du communisme. Le but de la lutte révolutionnaire ne peut pas être la conquête du pouvoir dans l’entreprise qui n’est qu’une dangereuse illusion, mais la conquête du pouvoir politique central par l’insurrection et la lutte armée, et l’instauration de la dictature du prolétariat. Ce n’est qu’après s’être emparé du pouvoir, après avoir instauré son propre pouvoir exclusif de classe, dirigé par son parti, que le prolétariat aura les moyens d’intervenir despotiquement et de manière centralisée dans la société pour enlever aux classes possédantes tous leurs points d’appui et déraciner le capitalisme.

Hier, lors de la vague révolutionnaire du premier après-guerre, il a fallu rappeler les points cardinaux oubliés du communisme révolutionnaire; étant donné que la profondeur et la longueur de la contre-révolution ont fait disparaître toute trace de tradition marxiste au sein des masses prolétariennes du monde, cette lutte programmatico-politique est encore plus nécessaire aujourd’hui si l’on veut que, demain, lors de la prochaine vague révolutionnaire, le prolétariat ne se laisse pas égarer par les inévitables courants anti-partis faussement extrémistes.

 

*    *    *

 

Nous avons joint en appendice aux «Fondements...» un texte de 1961, écrit en réplique à un manifeste des partis staliniens. Ce «manifeste anti-porcin» est une critique pénétrante des positions de l’«opportunisme», c’est-à-dire du réformisme contre-révolutionnaire pas seulement de matrice stalinienne, et en même temps un exposé efficace des positions marxistes fondamentales. Une version avait déjà été publiée en français sous le titre: «A bas celle des «Fondements...». Sa traduction et celle des Fondements ont été entièrement revues. Les notes de bas de page sont des Ed. Programme.

 

Août 2004

 

 

Notes:

 

(1) cf «Démocratie ouvrière», «L’Ordine Nuovo», 21/6/1919.

(2) cf «Le programme de l’Ordine Nuovo», «L’Ordine Nuovo», 14-28/8/1920. Dans un article du 5/6/1920, Gramsci avait écrit: «les organisations révolutionnaires (le parti politique et le syndicat professionnel) sont dans le camp de la liberté politique, dans le camp de la démocratie bourgeoise (...): le processus révolutionnaire se développe dans le camp de la production, dans l’usine, où les rapports sont d’oppresseur à opprimé, d’exploiteur à exploité, où la liberté n’existe pas pour l’ouvrier où la démocratie n’existe pas (...).

La classe ouvrière affirme ainsi que le pouvoir industriel, que la source du pouvoir industriel doit retourner à l’usine, poser de nouveau l’usine, du point de vue ouvrier, comme forme dans laquelle la classe ouvrière se constitue en corps organique déterminé, comme cellule d’un Etat, l’Etat ouvrier, comme base du nouveau système représentatif, le système des conseils. L’Etat ouvrier, puisqu’il naît d’une configuration productive [Adieu Marx, bonjour Proudhon!], crée déjà les conditions de son développement, de sa dissolution comme Etat, de son incorporation organique dans un système mondial, l’Internationale communiste», etc.

(3) cf «Programme du KAPD» in «Ni parlement, ni syndicats: les Conseils ouvriers! Les communistes de gauche dans la révolution allemande (1918-1922)» Ed. Les nuits rouges, p. 94-108. Ne pouvant faire ici que quelques brèves allusions aux problèmes, nous renvoyons le lecteur au chapitre de la Storia (Histoire de la Gauche communiste) «La gauche marxiste d’Italie et le mouvement communiste international», P.C. n° 58.

(4) cf «Pour la constitution des conseils ouvriers en Italie», «Il Soviet», IIIe année, n°1 (4/1/1920), Programme Communiste n°74, p. 66. «Il Soviet» était l’organe du courant de la Gauche communiste qui se donnait comme objectif premier la fondation du parti communiste. Pour une critique approfondie des thèses de Gramsci et du courant ordinoviste, nous renvoyons le lecteur aux n° 71, 72 et 74 de «Programme Communiste».

(5) cf «Pour la constitution...», «Il Soviet» n° 7, P.C. n° 74, p. 79.

(6) cf «Pour la constitution...», «Il Soviet» n°4, P.C. n°74, p. 72.

 


 

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