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Prises de position - Prese di posizione - Toma de posición - Statements                        


  

Ils ont tué Ben Laden et proclament: “Justice est faite!” Les forces de la démocratie ont-elles gagné?

Le perdant, c’est le prolétariat, encore étouffé sous le poids écrasant de la démocratie impérialiste et du terrorisme bourgeois!

 

 

Le 2 mai dernier les médias du monde entier ont annoncé qu’un commando ultra-spécialisé de la marine militaire américaine avait tué Ben Laden, l’idéologue d’Al Quaida et le symbole de la guerre sainte du terrorisme fondamentaliste islamiste contre les puissances occidentales

Une assourdissante propagande s’est mise en branle pour répercuter les déclarations de la Maison Blanche selon lesquelles il s’agissait d’une «grande victoire des Etats-Unis et de la démocratie», en les accompagnant d’une série de questions: la mort de Ben Laden signifie-t-elle la fin du terrorisme mondial? Faut-il craindre la réaction des groupes liés à Al Quaida encore actifs? Faut-il poursuivre la guerre en Afghanistan?

 

Après les attentats de septembre 2011, l’Amérique de Bush a déclenché une véritable guerre sainte contre Al Quaida , décrite comme l’organisation du terrorisme international et présentée comme la justification du déclenchement d’une guerre interminable en Afghanistan et aussi en Irak. Nous avions écrit alors que les Etats-Unis étaient à la limite de deux époques: on passait du condominium contre-révolutionnaire mondial entre l’URSS et les Etats-Unis, à une domination beaucoup plus instable des Etats-Unis où la Grande-Bretagne jouait le rôle de fidèle second, alors que l’Allemagne et la France tentaient de constituent un bloc politico-militaire impérialiste européen tendanciellement autonome. Il s’agissait en fait du passage de l’ordre impérialiste issu de la deuxième guerre mondiale à un désordre impérialiste, en raison, surtout après la chute de l’URSS, de la montée des contradictions entre puissances capitalistes: l’effondrement de l’URSS et de son système de pays satellites – avec comme conséquence la réunification allemande-, s’accompagnait de nouveaux rééquilibrages en Europe de l’Est où, aux guerres commerciales et économiques s’ajoutait la fragmentation de la Yougoslavie et la guerre dans les Balkans ; de l’ émergence de nouvelles puissances économiques comme la Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde, ainsi que la croissance du Brésil en Amérique Latine, nouveau pôle économique d’importance mondiale. Les attentats du 11novembre ne signaient pas la fin de la domination absolue des Etats-Unis, mais la fin de cette phase, la démonstration que ceux-ci ne pouvaient plus contrôler les nouvelles zones de tempête sans l’aide d’un bloc de pays alliés; et il n’était plus garanti que les alliés obéissent sans murmures aux ordres de Washington.

S’il en était besoin, l’impérialisme a démontré alors une fois de plus que sa politique habituelle de brigandage, de pillage, de guerre financière, de répression, non seulement prenait une ampleur sans cesse plus grande avec l’accroissement des contradictions entre les centres économico-financiers et les Etats bourgeois, mais se transformait plus rapidement en guerres. Par ailleurs les bourgeoisies des pays dominants ont toujours camouflé leur politique impérialiste – surtout quand elle débouche sur la guerre – derrière des justifications idéologiques humanitaires, démocratiques, pacifiques, prétendant vouloir venir en aide à des populations ravagées par la misère, la faim ou la violence (alors même que misère, faim, violence sont les produits du capitalisme et de l’impérialisme).

Quand augmentent les tensions inter-impérialistes, augmente en même temps la nécessité pour toutes les classes dominantes d’obtenir le consensus le plus large de leur population, et avant tout de leurs prolétaires, parce que sans ce consensus il leur est impossible de les mobiliser dans la guerre économique contre les concurrents et encore moins dans la guerre tout court.

 Et qu’y a-t-il de mieux pour obtenir ce consensus, pour réactiver le mythe usé de la démocratie, que la lutte contre le terrorisme, ce  responsable d’attentats frappant des civils désarmés? Qu’y a-t-il de mieux que l’appel à la lutte contre un ennemi qui se cache, qui frappe en traître et qui, en plus, croît en autre Dieu?

Pendant des années, la guerre contre le « terrorisme international » a pu jouir d’un certain succès y compris parmi les prolétaires des pays impérialistes intoxiqués par des décennies d’opium démocratique, légaliste et pacifiste et bénéficiant, quoique dans une mesure décroissante, de salaires et de niveaux de vie bien supérieurs à ceux des masses des pays périphériques. Mais la dernière crise économique qui s’est rapidement étendue au monde entier, a fait mûrir dans ces pays une crise sociale qui a éclaté en révoltes en Afrique du nord et au Moyen-Orient.

Lors des crises sociales antérieures, le fondamentalisme islamiste avait réussi à récupérer une partie des poussées de protestation, ce qui a permis à des organisations terroristes particulières, comme celles se référant à Al Quaida, de recruter des adeptes et de se développer. La crise actuelle qui s’est étendue lors de ces derniers mois de la Tunisie à la Syrie, du Maroc au Yémen, et qui touche maintenant certains pays d’Afrique noire, a eu un effet tout à fait différent: les prolétaires et les masses prolétarisées se sont mobilisés indépendamment de toute influence religieuse. C’est là un fait important qui signe l’ouverture d’une nouvelle phase dans la vie politique de ces pays.

 Les classes dominantes de ces pays, et avec elles celles de leurs parrains impérialistes qui comptaient sur la « stabilité » pluri-décennales des régimes des Ben Ali, Moubarak, Kadhafi, Saleh, etc., ont été surpris par l’ampleur et la durée des mouvements de révolte, qui les ont contraint à des changements politiques imprévus. Mais les capitalistes ne se laissent pas surprendre deux fois de suite. Après la chute des « raïs » respectifs en Tunisie et en Egypte, des fractions bourgeoises, appuyées par les mêmes impérialismes qui hier soutenaient les dictateurs, s’installent au pouvoir sous le drapeau de la démocratie et en jurant de combattre l’islamisme; en Libye, tant Kadhafi que les rebelles de Benghazi prétendent vouloir lutter contre le fondamentalisme islamiste. En Syrie, le régime de Assad écrase les manifestants en prétendant lui aussi lutter contre des groupes terroristes islamistes. Mais si tous ces régimes continuent à utiliser la rhétorique de la lutte contre le terrorisme islamiste, y compris en espérant prouver ainsi leur utilité aux impérialistes, la réalité évidente est que l’islamisme en général, et la fantomatique Al Quaida en particulier, sont le grand absent des mouvements de révolte en cours.

A qui profite la mort de Ben Laden?

L’impérialisme américain n’a plus beaucoup de flèches à son arc. Il dispose sans doute de la force militaire, mais celle-ci ne lui permet pas de résoudre à coup sûr les situations difficiles, comme l’Irak et l’Afghanistan le démontrent; il a évidemment la puissance économique, mais la crise actuelle a montré les limites de cette puissance. S’il reste toujours la première puissance impérialiste mondiale, l’impérialisme américain a perdu l’influence politique et la fascination qu’il exerçait sur les populations du monde après la victoire sur le nazisme qui démontrait sa toute-puissance. La chute de son autre « ennemi », le prétendu « communisme russe » (qui n’était qu’un capitalisme d’Etat féroce), ne lui a pas permis de retrouver un pareil lustre. Il continue cependant à s’appuyer sur la propagande de la démocratie américaine en lutte contre le totalitarisme et contre le terrorisme, d’une démocratie qui panse les blessures infligées aux populations par les crises et les dictatures.

L’impérialisme n’est pas quelque chose de différent du capitalisme: c’est la politique que les bourgeoisies des pays capitalistes les plus puissants sont obligées de suivre dans la concurrence mondiale; c’est la politique des monopoles, des grands trusts, des grandes concentrations capitalistes et des grands réseaux d’intérêts qui s’affrontent sur le marché mondial. L’impérialisme est la politique du grand capital qui a ses racines dans la capitalisme national et des ramifications dans le monde entier, mais qui pour défendre ses intérêts spécifiques a besoin de s’asservir l’Etat national, le gouvernement national et le maximum d’institutions politiques, afin de réunir le maximum de force; tous les moyens sont bons dans ces affrontements d’intérêts qui à un certain point deviennent des affrontements militaires.

Le terrorisme est une des formes de guérilla qui accompagne les guerres; il est utilisé par tous les combattants, qu’il soit perpétré par de petits groupes agissant clandestinement sur le territoire de l’adversaire, ou par des vagues de bombardiers pilonnant des villes. Comme la guerre, le terrorisme est la continuation de la politique par d’autres moyens; et dans le terrorisme bourgeois, qu’il soit de type nationaliste, religieux ou raciste, c’est toujours le prolétariat qui, comme dans les guerres, est la victime.

La mort de Ben Laden n’apportera rien aux masses prolétariennes d’Afghanistan, du Pakistan, des Etats-Unis ou d’ailleurs; la paix ne reviendra ni en Afghanistan, ni en Irak, en Libye ou en Syrie, les bourgeois continueront partout à exploiter, à affamer, à massacrer. Le capitalisme asservit les prolétaires de leur naissance à leur mort, les obligeant à vivre et mourir selon ses exigences. Et ce sont les grands dirigeants d’un système qui plie toute l’humanité aux lois du profit, d’un système qui sue le sang par tous ses pores, qui proclame « justice est faite » après l’assassinat de Ben Laden!

Mais quelle est la justice dont ils parlent ?

C’est la justice des charniers, la justice des massacres, la justice des viols en masse, la justice des déportations, la justice des réfugiés pourchassés et refoulés, la justice des travailleurs jetés à la rue, la justice des fonds de pensions volatilisés dans les krachs boursiers, la justice des jeunes condamnés à une vie sans avenir. Les Obama, Sarkozy, Camerone, Berlusconi parlent de démocratie du haut de leurs trônes qui reposent sur des fleuves de sang, ils appellent à l’unité de la nation contre les « terroristes » alors que l’establishment politico-économique dont ils sont les représentants, défend ses intérêts de classe par un terrorisme d’Etat bien plus systématique et meurtrier que celui de tous les Al Quaida!

Les années qui viennent vont voir les tensions entre les Etats bourgeois devenir plus aigües, de même que deviendront plus aiguës les tensions sociales internes. Pour défendre leurs profits et leurs parts de marché, les classes dominantes seront contraintes d’exploiter encore davantage non seulement les prolétaires des pays périphériques, mais aussi ceux des pays capitalistes dominants. Les révoltes dans les pays arabes leur laissent craindre qu’elles ouvrent la voie à un affrontement de classe. Pour l’éviter il n’y a que la solution du régime totalitaire, à la Ben Ali ou à la Moubarak, qui a débouché sur les troubles actuels, ou la solution de la mystification démocratique consacrant l’union populaire interclassiste.

C’est la raison pour laquelle le meurtre de Ben Laden a été célébré dans les médias du monde entier comme une victoire des forces de la démocratie contre le « mal » - en plus de la démonstration de la force des Etats-Unis qui tiennent leurs promesses (mais il leur a fallu 8 ans de guerre pour y arriver!); plus concrètement, ce serait la perspective de la fin de la guerre en Afghanistan et du début d’une ère démocratique dans ce pays. Bien entendu personne ne relève que depuis que les Américains et leurs alliés ont envahi ce pays pour y combattre le terrorisme et y établir la démocratie, la production d’opium y a énormément augmenté: démocratie et opium vont évidemment de pair...

Les prolétaires n’ont rien à attendre de la mort de Ben Laden; l’éventuelle disparition d’Al Quaida ne signifiera pas la fin miraculeuse du terrorisme bourgeois, qu’il soit « international » ou « national”. Un autre Ben Laden remplacera celui qui a été tué, parce que le terrorisme est inséparable de la politique et de l’action de la classe capitaliste; il n’est pas seulement l’expression des affrontements inter-bourgeois, mais il est aussi utilisé par la propagande des différents pays « périphériques » ou « centraux » pour défendre leurs régimes respectifs, « démocratiques » ou « autoritaires », les uns et les autres n’hésitant jamais à réprimer et à massacrer...

Tant que les prolétaires n’arriveront pas à rompre avec la collaboration des classes, tant qu’ils ne se lanceront pas dans la lutte ouverte, en opposition à la classe capitaliste et à son Etat, qu’il se présente comme démocratique ou dictatorial, laïque ou confessionnel; tant qu’ils ne s’organiseront pas pour la défense d’objectifs de classe, sur le plan économique comme politique, en adoptant des moyens de lutte cohérents avec ces objectifs; tant qu’ils resteront prisonniers des illusions bourgeoises pacifistes, démocratiques, nationalistes ou religieuses, ils ne pourront réussir à s’émanciper de leur esclavage salarié, de leur soumission à la classe dominante.

Les prolétaires ont potentiellement une force immense, qui réside dans leur nombre et dans leur position sociale de source de la plus-value qui fait vivre le système capitaliste; constituant la majorité de la population, ils sont pourtant dominés par la très petite minorité capitaliste qui ne cesse de présenter son système politique comme l’expression de la « volonté de la majorité »!

 Le prolétariat est sans doute la majorité, mais il n’a aucune volonté politique propre, aucune volonté de classe qui lui permettrait d’exprimer sa force matérielle et sociale.

La volonté politique du prolétariat est représentée par le parti politique de classe, c’est-à-dire l’avant-garde du prolétariat organisée autour du programme, de la théorie et de la tactique communistes, pour guider la lutte prolétarienne jusqu’à son objectif final, la destruction du capitalisme et l’avènement de la société sans classes, le communisme. Les prolétaires ont été dépossédés de leur volonté de classe, ils ont perdu leurs organisations classistes, ils ont été dupés par les organisations réformistes et collaborationnistes qui les ont persuadés d’obtenir leur émancipation au sein de la société capitaliste et en utilisant les institutions bourgeoises, ces mêmes institutions édifiées précisément pour maintenir la domination de la bourgeoisie et le bon fonctionnement de l’exploitation capitaliste !

Mais les prolétaires apprendront ce que l’expérience avait appris à leurs parents : la lutte de classe est la seule voie pour ne plus être esclave et pour pouvoir se libérer définitivement de l’exploitation. La lutte de classe est faite d’actions, de l’utilisation de la force pour se défendre, puis pour attaquer ; elle est faite d’actions qui répondent sur le même terrain, coup pour coup aux actions violentes du pouvoir bourgeois ; elle est faite d’organisation classiste de la défensive à l’offensive ; elle est faite aussi d’actions terroristes pour répliquer au terrorisme bourgeois avec les mêmes armes, la même détermination, la même force.

Mais cela regarde l’avenir ; aujourd’hui les prolétaires en sont encore à devoir reconstituer leurs premiers groupes de défense classiste sur le terrain de la lutte de résistance économique, comme premier pas vers la reprise de la lutte de classe et dans la perspective de reconstitution du parti de classe, le parti communiste révolutionnaire.

 

 

Parti Communiste International

7 mai 2011

www.pcint.org

 

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