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Mexique : Gasolinazo, colère prolétarienne et impasses réformistes

 

 

Au début du mois de janvier des dizaines de milliers de Mexicaines et de Mexicains sont descendus dans la rue, ont fait grève, ont coupé des routes, bloqué des voies ferrées et des autoroutes (dont celles qui relient le pays aux Etats-Unis), occupé des dépôts de carburants, saboté des oléoducs, pillé des magasins affronté les forces de répression…

 

Dans toutes les régions, au Nord comme au Sud du pays, les manifestants demandent l'annulation de la décision du président Enrique Peña Nieto de réduire fortement les subventions à l’essence, au gaz et à l'électricité, une mesure – surnommée le Gasolinazo – qui augmentera les prix à la consommation de 14 à 20 % dès l’année prochaine. Depuis le 1er janvier, les augmentations ont été de 14 % du prix du SP98, 20 % du SP95 et 16 % pour le gasoil, par rapport au prix maximal de décembre 2016.

Cette mobilisation est le fait de catégories très différentes : des prolétaires mais aussi une partie de la petite bourgeoisie (enseignants, chauffeurs de taxi, médecins...) et des paysans. La mobilisation est très forte dans les régions ouvrières du Nord – d'habitude plus « calmes » que le Sud marqué par l'agitation paysanne zapatiste. Les manifestations ont été particulièrement importantes à Mexico, mégapole de vingt-cinq millions d'habitants, dans l’État pétrolier de Veracruz et dans le centre industriel de Puebla. Bien entendu, la bourgeoisie mexicaine a tenté d'écraser le mouvement par la force, ce qui a fait des morts et a entraîné des milliers d'arrestations, mais il a limité son usage, de peur d'amplifier la révolte.

 

Misère et crise économique

 

L'augmentation du prix de l'énergie a été la goutte qui a fait déborder le vase de la colère, largement rempli par la paupérisation des prolétaires, des autres couches salariées et de la paysannerie pauvre. Depuis cinq ans, le pouvoir d’achat du Mexicain moyen avait diminué de plus de 10 %. L’indice des prix du panier alimentaire de base nécessaire pour nourrir une famille de quatre a augmenté à 220 pesos par jour, soit près de trois fois le salaire minimum quotidien de 3,5 € (ce que ne gagne même pas une large partie des travailleurs).

La décision de ne plus subventionner l'énergie va entraîner une augmentation du coût de la vie. Tous les secteurs sont susceptibles de connaître une augmentation de leurs prix, que cela soit les transports en commun ou les transports de marchandises ce qui conduirait bien entendu à l’augmentation du prix des marchandises elles-mêmes.

A cela s'ajoute les effets de la crise économique qui touche les pays émergents : les prévisions de croissance économique se sont réduites jusqu’à 1 % pour cette année. Les perspectives sont encore plus sombres avec les annonces protectionnistes de Trump, en particulier dans l'automobile qui représente 30 % des exportations mexicaines et 875 000 emplois directs.

La révolte des masses prolétarisées n'est donc pas le reflet d'une situation nationale, mais l'effet du cours actuel du capitalisme mondial qui est de moins en moins en mesure d'assurer sa stabilité et qui a de plus en plus recours aux expédients en tout genre.

 

Impasses réformistes et social-patriotes

 

Face à cette situation explosive, l’« extrême » gauche a pris position contre l'augmentation du prix de l'énergie et en soutien aux mobilisations… mais sur des bases réformistes. C'est en particulier le cas des multiples forces trotskistes qui sont toutes marquées par des tendances nationalistes et n'offrent comme perspective qu'un changement de gouvernement dans le cadre du système démocratique bourgeois.

La plupart des organisations mettent en avant une défense du capitalisme national et de ses entreprises étatisées, en particulier la PEMEX (Pétroles Mexicains).

Le Parti Révolutionnaire des Travailleurs (PRT), section de la IVe Internationale, accuse le gouvernement de « mettre le dernier clou dans le cercueil des Pétroles Mexicains et de la souveraineté nationale ». La Coordination Socialiste Révolutionnaire (CSR) – qui fédère les groupes sympathisants de la IVe Internationale – appelle à « vaincre l'oligarchie » et à « renationaliser le secteur de l'énergie ». Le Comité de dialogue entre travailleurs, animé par les lambertistes de l'Organisation Socialiste des Travailleurs (OST) – dénonce une « guerre sociale contre la nation et contre les travailleurs » et défend « les droits du peuple travailleurs et l'intérêt national ». La section mexicaine de la Ligue Internationale des Travailleurs (LIT), le Groupe Socialiste Ouvrier, présente l'entreprise capitaliste PEMEX comme une « conquête des travailleurs et du peuple mexicain » et revendique « le raffinage au Mexique et pas d'importations ». La Gauche révolutionnaire (IR) (qui en plein rapprochement avec le Comité pour une Internationale Ouvrière) revendique la renationalisation « sous le contrôle démocratique des travailleurs et de la population » de l'énergie, la « nationalisation des banques et des secteurs stratégiques de l'économie » et un « plan public d'investissements pour créer des millions d'emplois avec des salaires dignes ». Pour sa part, le Parti Ouvrier Socialiste (POS) accuse la bourgeoisie mexicaine d'être une « classe ennemie du pays et des 99 % ».

Logiquement, pour atteindre leur objectif bourgeois de défense de l'économie nationale, les groupes trotskistes proposent des méthodes démocratiques bourgeoises. Le PRT limite ses mots d'ordre à « A bas le gasolinazo ! Dehors Pena ! ». La Gauche Socialiste (IS), membre du mal-nommé Courant Marxiste International, appelle à un front unique « de toutes les organisations ouvrières, paysannes, populaires, étudiantes y compris Morena [candidat nationaliste bourgeois dissident du Parti de la Révolution Démocratique] et l'EZLN [Armée Zapatiste], contre cette mesure et pour obtenir le départ de Pena Nieto et construire un programme pour la classe travailleuse et les secteurs populaires ». Le Mouvement vers le Socialisme (MAS) veut « imposer des élections extraordinaires », le Mouvement des Travailleurs pour le Socialisme (MTS membre de la Fraction Trotskiste) une « assemblée nationale libre et souveraine »

L’« extrême » gauche mexicaine – dans sa composante trotskiste mais pas seulement – offre un véritable festival de solutions réformistes. Cela constitue un obstacle pour la lutte des prolétaires : qu’elles soient privées ou d’Etat, les entreprises restent des entreprises capitalistes, dont le but, selon les lois du capitalisme, est d’extorquer du profit par l’exploitation des prolétaires. C’est vrai pour la PEMEX qui a besoin de capitaux pour combattre la baisse de sa production : or les capitaux ne s’investiront dans l’entreprise que s’ils ont la perspective de dégager des profits, c’est-à-dire que si celle-ci est suffisamment rentable. Pour cela il n’y a pas d’autre solution que de laisser les prix des produits pétroliers (essence et autres) s’élever, ou de prendre sur le dos des travailleurs des profits supplémentaires suffisants pour la subventionner : dans les deux cas ce sont sur les prolétaires et les masses pauvres que les capitalistes vont faire retomber les coûts du rétablissement économique de la PEMEX.

Peña Nieto a finalement décidé le premier février de surseoir à la nouvelle augmentation prévue du prix de l’essence (8% de hausse) ; mais ce n’est qu’une mesure temporaire, prise dans la crainte d’explosions de colère des masses pauvres. Le besoin de s’attaquer aux prolétaires reste entier pour le capitalisme mexicain.

Contre cette perspective, les masses ouvrières et pauvres ne doivent pas surseoir à leur mobilisation ;  il leur faut continuer à lutter pour imposer leurs revendications immédiates, aussi bien économiques et sociales que politiques (salaires, droits d'organisation, de grève, d'expression, lutte contre la répression, pour l'égalité entre les sexes, etc.).

Elles le pourront d'autant mieux qu'elles sauront éviter le piège de mettre leur force au service d'un but réformiste bourgeois qui n'est pas le leur, qu'elles sauront trouver le chemin de l'organisation indépendante de classe, de la constitution du parti révolutionnaire marxiste, internationaliste et international.

Leur objectif sera alors, non pas d'imposer une politique réformiste keynésienne et/ou d'indépendance nationale à une bourgeoisie apeurée, mais de combattre et de vaincre cette bourgeoisie dans la lutte pour la révolution prolétarienne ; celle-ci débouchera sur l’édification, sur les ruines de l’Etat bourgeois, de leur propre pouvoir qui ne peut être que la dictature du prolétariat, étape nécessaire pour déraciner le capitalisme et aller vers la société communiste, en étroite liaison avec les prolétaires des autres pays.

 

 

Parti Communiste International

20 janvier 2017 (mise à jour  3 février 2017)

www.pcint.org

 

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