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Guyane : seules la rupture de l’alliance interclassiste et l’organisation de classe peuvent permettre aux prolétaires de recueillir les fruits de leur mobilisation !

 

 

Après plus d’un mois de mobilisation, de barrages de route, de grèves, le mouvement social en Guyane arrive à la croisée des chemins. Alors que certains avaient appelé à un durcissement du mouvement après la fin des négociations avec le gouvernement, le collectif « Pou la Gwiyann dékolé  » (Pour que la Guyane décolle) qui dirige le mouvement, annonçait la levée des barrages pour le week-end de Pâques et éventuellement la poursuite de la lutte par d’autres moyens ; cette décision fait suite à des appels à la levée des barrages venant de diverses organisations patronales (comme le collectif « Pou Lagwiyann circulé » – Pour que la Guyane circule – regroupant essentiellement des patrons).

Les causes de la lutte en Guyane sont faciles à trouver, dans le sous-développement de cette ancienne colonie qui est officiellement, depuis la fin de la dernière guerre mondiale, un département français comptant aujourd’hui environ 250'000 habitants (contre à peine 33'000 en 1960). Le chômage y touche officiellement le quart de la population active (plus de 46% pour les moins de 25 ans), le taux de pauvreté est de plus de 44% (contre 14% en métropole), les infrastructures que ce soit les écoles, les hôpitaux, etc., sont terriblement insuffisantes, provoquant une véritable « crise sanitaire » ; 30% de la population, souvent immigrée, vit dans de véritables bidonvilles, sans eau courante ni électricité. La misère alimente une criminalité sans commune mesure avec celle connue en France (par exemple 3 vols à main armée pour 1000 habitants contre 0,14 en métropole, etc.) et elle est à l’origine des tensions raciales qui se tournent souvent contre les étrangers qui, chassés par la misère, viennent de Haïti, du Surinam voisin ou du Brésil.

C’est cette question de la criminalité qui a été à l’origine du mouvement, mais bien vite les problèmes sociaux vitaux pour les masses sont venus au premier plan, tandis que le manque criant d’investissements dans les infrastructures a été l’élément-clé des mobilisations des diverses organisations professionnelles.

Il faut dire que dès le départ le mouvement a été de nature interclassiste. Ledit « mouvement des 500 frères », regroupant des militants cagoulés se proposant de faire reculer l’insécurité, qui a été à l’origine du mouvement, a été organisé par des policiers; sa cible est « l’immigration clandestine » accusée d’être responsable de la hausse de la criminalité et sa principale revendication est l’augmentation du nombre de policiers. Le collectif dirigeant le mouvement, « Pou la Gwiyann dékolé  », regroupe pêle-mêle les organisations patronales locales et les divers syndicats; il a élaboré une liste de revendications précises dans différents domaines pour le développement du territoire. Beaucoup de ces revendications, de nature sociale, intéressent les prolétaires et les masses pauvres de Guyane ; d’autres sont de nature bourgeoise (modification du statut de la Guyane, etc.) et certaines, spécifiques au développement capitaliste et à la santé économique des entreprises locales (par exemple dans les transports), sont directement anti-prolétariennes comme l’augmentation de forces de police, la diminution des cotisations patronales et autres mesures pour faire baisser le « coût du travail » (c’est-à-dire augmenter l’exploitation des prolétaires): il n’y a pas de doute sur celles qui seront satisfaites en premier lieu…

Sans doute ce caractère de quasi unanimité du mouvement explique l’importance des manifestations qui ont rassemblé jusqu’à 15'000 manifestants à Cayenne et près de 10'000 à Saint Laurent du Maroni, ce qui est énorme pour la Guyane. Mais la force essentielle du mouvement a été donnée par la grève générale, déclenchée le 27/3, qui a permis de multiplier les barrages et d’arrêter l’activité économique du port; la grève et les barrages ont également interrompu l’activité du Centre Spatial Guyanais (d’où sont lancées les fusées Ariane et autres) qui est le véritable poumon économique de la Guyane, occupant près de 16% de la population active guyanaise. Autrement dit ce sont les prolétaires qui sont la véritable force vive du mouvement.

Mais ce ne sont pas eux qui en sont à la tête et par conséquent ils ont toute chance d’être les dindons de la farce: ce ne sont pas les patrons ni les syndicats collaborationnistes qui défendront leurs intérêts face à l’Etat bourgeois! Les fameux milliards revendiqués par le comité, s’ils sont accordés, tomberont dans les caisses des patrons et en définitive seule une petite partie servira à améliorer leurs conditions de vie: c’est ce qui se passe depuis des décennies en Guyane et c’est ce qui caractérise partout le fonctionnement du capitalisme.

Les patrons trouvent maintenant que la grève a assez duré et, non contents d’œuvrer au sein du comité, certains appellent ouvertement à la répression contre ceux qui veulent maintenir les barrages : l’unanimité interclassiste ne peut à la longue masquer la fracture de classe. Les prolétaires de Guyane doivent être conscients qu’ils n’ont pas les mêmes intérêts que les bourgeois; ceux qui ne jurent que par l’unité de tous les Guyanais (comme les trotskystes du NPA qui affirment dans leur communiqué du 23/3 que « seule la mobilisation de l'ensemble de la société guyanaise [sic !] dans la diversité culturelle de ses composantes permettra d'aboutir à la victoire ») veulent les garder prisonniers dans cette camisole interclassiste qui les condamne à la défaite. Pour obtenir satisfaction sur leurs revendications propres, il est essentiel qu’ils rompent avec l’interclassisme: il n’y a pas d’autre voie que l’organisation autonome sur des bases de classe et la solidarité de tous les prolétaires, de souche ou immigrés, avec ou sans papiers, contre les bourgeois et l’Etat central.

Les événements de Guyane montrent que la lutte ouverte peut arracher des concessions à l’Etat bourgeois; mais seule la lutte organisée sur des bases de classe peut permettre aux prolétaires d’obtenir une victoire réelle. C’est la voie à suivre, en Guyane comme partout.

Vive la lutte indépendante de classe des prolétaires en Guyane, vive la solidarité prolétarienne de classe !

 

 

Parti Communiste International

17 avril 2017

www.pcint.org

 

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