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Grève des enseignants contractuels au Maroc : solidarité de classe !

 

 

 Depuis plus de cinq mois, les enseignants contractuels marocains mènent une dure lutte. Début mars, ils ont mené une grève d’une semaine. Elle a été massivement suivie dans tout le pays.

Les contractuels revendiquent leur intégration dans la fonction publique et la suppression du système de recrutement par contrat de droit privé dans l’enseignement. Ce système de recrutement par contrat a été mis en place en 2016 et concerne aujourd’hui 55 000 des 240 000 professeurs. Les travailleurs sous contrat perçoivent le même salaire que les titulaires mais sont dans une situation précaire (ils peuvent être licenciés facilement) et leur contrat ne leur ouvre pas les mêmes droits à la retraite.

Ils ont été rejoints par les enseignants stagiaires (lauréats d’un premier concours mais pas encore fonctionnarisés) pour lesquels un récent décret prévoit de diviser par deux le montant de leur bourse de formation et un autre prévoit de les obliger à passer un second concours à l’issue de leur année de stage. Ce dernier décret permettra au gouvernement de n’embaucher que 70 % des lauréats du concours précédent.

La lutte des contractuels et des stagiaires est également soutenue par les titulaires qui les ont rejoint avec des revendications unifiantes sur les salaires (400 euros par mois actuellement) et les conditions de travail (des classes qui peuvent atteindre les 70 élèves !)

Les enseignants dénoncent la profonde dégradation des conditions de travail dont la privatisation est un levier. Les écoles publiques sont délabrées. Dans certaines écoles, les sanitaires cassés n’ont jamais été remplacés et le manque d’hygiène pousse les élèves, en particulier les jeunes filles pendant leurs règles, à quitter l’école ou à s’absenter. Le sous-encadrement est flagrant : selon les chiffres officiels, il manque 12 000 professeurs. Cela se traduit concrètement par la suppression d’enseignements (sport, langues vivantes, informatique…) ou le fait que d’autres soient assurés par des enseignants d’une autre discipline.

Depuis dix ans, plus de deux cents écoles publiques ont fermé au Maroc, principalement dans les grandes villes (Casablanca et Rabat) pour laisser la place à des écoles privées (dans les grandes villes, 70 à 80% des élèves sont scolarisés dans le privé). Les frais de scolarité ne sont pas régulés, les établissements peu contrôlés.

Le problème pour les communistes n’est pas la privatisation en soi : que les jeunes prolétaires se fassent bourrer le crâne par l’État bourgeois ou par des capitalistes privés ne change rien à la nature de cette institution anti-prolétarienne. Le problème du point de vue prolétarien est la dégradation des conditions de travail des personnels (dont le renforcement de la caporalisation), les conditions d’accueil dégradées pour les élèves et le coût financier pour les parents d’élèves, ce qui touche avant tout les prolétaires, les masses pauvres et leurs enfants (considérés par les bourgeois comme des marchandises dont il faut assurer les flux et le stockage).

 

Le gouvernement a répondu par la carotte (de vagues promesses) et le bâton (ou plutôt la matraque).

 

La répression étatique est brutale. Lors de la manifestation du 23 mars à Rabat, la flicaille a utilisé ses matraques et ses canons à eau pour disperser les manifestants qui voulaient installer un campement devant le Parlement.

La violence ne suffisant pas , le gouvernement marocain vient de lancer une procédure de révocation « pour abandon de poste » pour obliger les milliers d'enseignants en grève de reprendre le travail. Les stagiaires en grève sont aussi dans le viseur : tous les absents pendant au moins 5 jours seront remplacés par les candidats dont les noms figurent sur la liste d’attente et ils perdront donc leur emploi.

Dans le même temps, le gouvernement fait des promesses qui ressemblent à des tentatives de maintenir la précarité : il annonce la fin du recrutement par contrat mais avec une intégration des contractuels à la fonction publique territoriale et donc pas le même statut que les titulaires.

Les grévistes semblent avoir fait le choix de l’auto-organisation avec une coordination rassemblant des délégués de tout le pays. La coordination a décidé de poursuivre la grève jusqu'à satisfaction mais on ne connaît pas bien les liens entre celle-ci et les bonzeries syndicales CDT, UGTM, UMT, FDT et FNE.

La Fédération nationale des enseignants (FNE) semble être le syndicat le plus radical « avec laquelle la Fédération SUD éducation entretient des rapports serrés » (communiqué de la Fédération SUD Education, 27 mars 2019, sudeducation.org). Cette organisation est collaborationniste au même titre que les autres : dans une interview à Jeune Afrique («Maroc : les enseignants contractuels s’opposent à une privatisation de l’enseignement», jeuneafrique.com, 13 mars 2019) son secrétaire général dit avoir «prouvé ces dernières années son honnêteté et sa volonté d’agir [de la FNE] pour tous les acteurs du secteur». Il ajoute comme gage de bonne volonté collaborationniste qu’ «en 2014, nous avons jeté nos forces dans la bataille pour exiger plus d’enseignants, pas des hausses de salaires», c’est-à-dire qu’elle défend l’école capitaliste avant de défendre les intérêts des travailleurs. Et la FNE dénonce «l’absence systématique d’un véritable dialogue social débouchant sur des solutions équitables aux revendications et problèmes posés depuis des années» (déclaration du bureau de la FNE, wftufise.org/8304-2). C’est une version plus combative du front collaborationniste qu’elle forme avec les autres syndicats liés aux partis sociaux-démocrates (comme l’USFP) ou nationalistes (comme l’Istiqlal).

Ce qui peut permettre la victoire de la grève des contractuels, c’est une véritable auto-organisation (qui passe par une franche rupture avec les appareils collaborationnistes), l’extension et le maintien de méthodes de classe (à commencer par la grève sans préavis et sans limitation de durée).

C'est dans cette voie que la lutte doit se poursuivre, en tendant toujours à obtenir la plus large unité pour la lutte des titulaires, des contractuels et des stagiaires, non comme un préalable, mais comme une exigence permanente qui ne peut prendre corps que dans l’action, et que les travailleurs favorisent en avançant des mots d'ordre conformes à leurs besoins d'ensemble : même statut pour tous, pas de contrat à durée déterminée, titularisation immédiate et sans condition des précaires ; à travail égal, salaire égal. En bref, il faut lutter contre toutes les discriminations, avec lesquelles le capital tente de diviser les prolétaires.

Même si elle ne trouve pas la voie de la lutte de classe prolétarienne, la révolte des contractuels érode l’édifice de la collaboration entre les classes et elle est un exemple pour les prolétaires marocains. Il faudra encore d’autres luttes pour qu’ils s’approprient l’expérience de la lutte révolutionnaire de classe des années vingt.

Mais même en sachant que cette possibilité n’est pas encore proche, qu’il faudra tirer de nombreuses et difficiles leçons avant d’y arriver, cette grève est un pas sur la voie qui mène à la future reprise de la lutte révolutionnaire du prolétariat au Maroc et dans le monde entier.

 

Vive la lutte des enseignants contractuels du Maroc !

Pour la reprise de la lutte de classe prolétarienne !

Pour la reconstitution du parti de classe internationaliste et international !

 

 

Parti Communiste International

2 Avril 2019

www.pcint.org

 

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