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Guerre russo-ukrainienne : paix impérialiste à l’horizon...

 

 

Nous ne savons pas quand la guerre russo-ukrainienne s’arrêtera pour laisser place à une paix, qui ne pourra être qu’impérialiste, c’est-à-dire qui ne fera pas disparaître les causes profondes du conflit qui a éclaté depuis 2014 en Crimée et dans le Donbass. C'est-à-dire une paix qui suspendra pour un temps la guerre mais qui ne sera pas décisive mais rebattra  les cartes et les intérêts « locaux » en vue de conflits bien plus importants et dans des cadres bien plus larges et globaux. La paix impérialiste n’est qu’une pause entre un conflit armé qui s’éteint et un autre qui se rallume. L’histoire du capitalisme impérialiste n’a fait que prouver que les bourgeoisies dominantes des pays économiquement et financièrement les plus forts sont incapables d’éliminer la guerre de leur avenir. Les bourgeoises même les plus puissantes du monde ne peuvent contrarier à volonté les lois fondamentales du capitalisme parce qu'elles n'en sont que la représentation politique qui se traduit dans des organisations étatiques dont la tâche est de défendre d’abord les intérêts de leur propre capitalisme national, puis les intérêts du capitalisme en général dont dépendent tous les capitalismes nationaux.

C'est pourquoi au-delà de la question de savoir si les bourgeoisies ukrainienne ou russe et leurs soutiens mutuels, souhaitent ou non la « paix », il reste que cette guerre, comme toute guerre dans la phase impérialiste du capitalisme, est l’une des réponses que la bourgeoisie adopte toujours lorsqu’elle est confrontée à une crise économique profonde. Comme l’affirme le Manifeste de Marx-Engels, le moyen que la bourgeoisie adopte pour surmonter ses crises économiques – qui sont des crises de surproduction dans lesquelles des quantités toujours plus importantes de marchandises, de moyens de production et de main-d’œuvre salariée sont détruites – est de rendre les marchés habituels plus réceptifs aux quantités toujours plus grandes et diversifiées de marchandises produites et de conquérir de nouveaux marchés. C’est la baisse du taux de profit moyen du capital qui met périodiquement le capitalisme en crise, l’empêchant de se développer sans limites et pacifiquement. Si, dans une certaine région du monde les Etats bourgeois coexistent en paix – par exemple en Europe, depuis la division de l’Allemagne  jusqu’à l’effondrement de l’URSS –, d’autres régions du monde ont subi les conséquences de la puissante pression exercée par les intérêts impérialistes contradictoires de telle ou telle puissance ou de tel ou tel bloc de puissances.

Au cours des cinq premières années de 1990, une période d’instabilité s'est ouverte  en Europe qui s'est traduite par les différentes phases de guerre impliquant les républiques de l’ancienne Yougoslavie. Ce n’est pas un hasard si les guerres en Yougoslavie ont coïncidé avec l’effondrement de l’URSS et l'unification des deux Allemagnes. Dans un certain sens, cette réunification qui était un morceau indigeste non seulement pour la Russie mais aussi pour les États-Unis, a constitué un tournant dans le cadre européen et donc aussi mondial. En effet, renaissant après sa défaite dans la deuxième guerre impérialiste, la puissance industrielle allemande tendait à retrouver en Europe et dans le monde un rôle qui lui avait été refusé par ses vainqueurs , les États-Unis comme la Russie. Vis à vis de celle-ci, l’Allemagne a toujours eu une relation très ambiguë : économiquement, la Russie a constitué pour elle un important fournisseur de matières premières et un débouché pour sa propre production industrielle (d’autant plus à l’époque où l’empire russe dominait les pays de l’Est européen) ; mais politiquement, la Russie représentait un adversaire contre lequel elle s’était battue dans les deux guerres mondiales. Après l’effondrement de l’URSS et l’inévitable découplage d’avec Moscou des pays d’Europe de l’Est qui ont fini dans la gueule de l’impérialisme américain et ouest-européen, l’Allemagne est restée sous le contrôle militaire de l’Amérique par le biais de l’OTAN – contrôle militaire dont on sait qu’il est le moyen le plus important du contrôle politique. Quant à la Russie, pour des raisons essentiellement économiques, commerciales et financières, elle ne pouvait et ne peut pas de manière générale se passer de relations très étroites avec l’Allemagne.

C’est grâce à cet intérêt réciproque que, depuis les années 1990, la Russie est devenue le principal fournisseur de gaz naturel et de pétrole de l’Allemagne et, à travers elle, de l’Europe (gaz dont l’Italie a largement profité, devenant le deuxième importateur européen après l’Allemagne). Dans la perspective d’un éventuel conflit impérialiste avec la Russie, les Etats-Unis ne pouvaient tranquillement  laisser s’installer entre l’Allemagne – et donc l’Europe – et la Russie une relation qui aurait constitué un obstacle non négligeable .

L’OTAN et les dollars sont ainsi devenus le moyen de rompre la relation privilégiée qu’entretenaient la Russie et l’Allemagne. 1999 a marqué l’avancée de l’OTAN en Europe de l’Est, en commençant par la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, puis, entre 2004 et 2020, en incorporant tous les pays d’Europe de l’Est, y compris les pays des Balkans que sont l’Albanie, la Croatie, le Monténégro et la Macédoine du Nord : et, comme on sait, l’Ukraine et la Géorgie étaient dans le viseur. Avec l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, la Russie se retrouve aujourd’hui non seulement encerclée, mais littéralement assiégée le long de ses frontières occidentales.

La guerre que se livrent l’Ukraine et la Russie, indirectement depuis 2014, directement depuis 2022, n'avait pas pour seul objectif l’adhésion ou non à l’OTAN. Que l’Ukraine mène une guerre contre la Russie principalement au profit des États-Unis et, accessoirement, au profit de l’Europe occidentale, c'était évident dès le départ, c’est-à-dire à partir d’avril 2022, deux mois environ après l’invasion par les troupes russes. A ce moment-là, l’Ukraine de Zelensky était prête à négocier avec Moscou la fin du conflit au centre duquel se trouvaient la Crimée et les régions russophones du Donbass (1). Ce sont les Anglo-Américains qui ont convaincu Zelensky d’accepter la guerre avec les Russes, pour laquelle ils garantissaient un soutien financier, politique et militaire pendant toute la durée du conflit. L’objectif des Etats-Unis, dirigés par Biden, et des Européens alignés sur Londres et Washington, était d’affaiblir la Russie économiquement, et donc politiquement, au point de la contraindre à céder aux puissances occidentales qui auraient  imposé leurs conditions.

L'aventure était certes risquée, compte tenu de la puissance militaire de la Russie, mais l’orgueil et l’intérêt des fractions bourgeoises ukrainiennes liées aux États-Unis et à l’Europe occidentale ont joué en faveur de la poursuite de la guerre, surtout grâce aux assurances répétées d'un soutien «jusqu’à la victoire ». Etant donné l’importance numérique des troupes russes mobilisables sur le terrain, il était clair dès le départ que les puissances occidentales n’enverraient pas leurs propres troupes en Ukraine, mais elles promettaient le soutien en milliards de dollars et d’euros et en armements par tous les membres de l’OTAN. Cela n’excluait pas l’envoi en Ukraine par les Anglo-américains et autres d'agents des services secrets et de spécialistes pour former les soldats ukrainiens à l’utilisation des armements fournis.

Du 24 février 2022, date du début de l’invasion russe de l’Ukraine, au 19 novembre 2024, 1000 jours de guerre, de bombardements, de massacres, de déracinements, de misère, de faim et de froid se sont écoulés pour des millions d’Ukrainiens. La situation n'est pas meilleure pour des dizaines de milliers de soldats russes, eux aussi prisonniers d’une guerre où ils ont été enrôlés de force ; là-bas se sont aussi répandus les  désertions et la corruption pour échapper au front, au point de conduire le gouvernement de Poutine à envoyer en Ukraine des soldats recrutés dans les régions reculées de Russie, et même des soldats nord-coréens généreusement offerts comme chair à canon par Kim Jong-un.

Le terrible montage d’illusions et de faux espoirs avec lequel les Occidentaux ont poussé des millions d’Ukrainiens à subir destructions et massacres s’est écroulé il y a quelques mois, avec l'échec de la « contre-offensive » ukrainienne qui aurait dû repousser les troupes russes hors des frontières. Les désertions du côté ukrainien, la loi martiale, la pression du gouvernement Zelensky sur les pays européens où des millions d’Ukrainiens se sont abrités, fuyant les bombardements massifs de leurs villes et villages, pour les renvoyer en Ukraine comme chair à canon, tout cela décrit une réalité bien différente de la propagande des bourgeoisies occidentales et ukrainiennes.

 Cette guerre a montré aussi l'erreur commise par les Russes qui étaient convaincus qu’elle serait brève : elle s'est révélée beaucoup plus dure et plus longue à cause de la forte résistance de l’armée ukrainienne et du soutien financier et en armement des puissances occidentales, à commencer par les États-Unis.

L’objectif de faire plier la Russie économiquement et de l’isoler internationalement n’a pas été atteint : et il ne le sera pas davantage en continuant pendant encore 1000 jours.  Les 14 plans successifs de sanctions économiques que les puissances occidentales ont infligé à la Russie n’ont pas eu le résultat escompté : l’ont-ils affaiblie économiquement ? Sans doute, principalement parce qu’elle n’a pas pu engranger les milliards de bénéfices provenant des livraisons de gaz, de pétrole, de nourriture, de haute technologie, etc. , comme elle le faisait avant la guerre, et parce que ses capitaux déposés dans les banques occidentales ont été gelés.

 Mais ces sanctions ont eu un effet particulièrement négatif sur les économies des pays d’Europe occidentale, qui ont dû subir des hausses considérables du prix de leurs approvisionnements en énergie, base de l’appareil industriel de tous les pays.

Et qui donc en a bénéficié ? Les États-Unis, bien sûr – par exemple avec le gaz naturel liquéfié, qui est beaucoup plus cher que celui fourni par  la Russie – et, dans la foulée, la Norvège qui est soudain devenue le premier et irremplaçable fournisseur de gaz naturel pour plusieurs pays européens (et tant pis pour la réduction progressive des combustibles fossile...).

Quel est le pays ouest-européen qui a subi le plus les contrecoups de cette guerre et des sanctions contre la Russie ? L’Allemagne, qui, dès la deuxième décennie des années 2000, a enregistré une baisse significative de sa dynamique économique par rapport à la décennie précédente, et qui, avec la pandémie de Covid-19 – comme la plupart des grands pays capitalistes – avait subi un nouveau revers : elle n'a renoué, temporairement, avec la croissance qu’au début de 2022, avant de replonger dans la récession à partir de la fin de 2022. Il est évident que la hausse des coûts de l’énergie et un taux d’inflation de 8,7 % ont contribué de manière décisive à la récession. L’année 2023 n’a pas été meilleure, puisque le PIB allemand a reculé de 0,3 % et que le PIB pour 2024 connaîtra  sensiblement un recul du même ordre. Cette situation ne favorise certainement pas un nouvel effort pour soutenir l’Ukraine dans une guerre qui prend de plus en plus les caractéristiques d’une guerre d’usure la Russie résiste et se défend bien mieux que l’Ukraine. D'ailleurs, l’« aide » allemande à Kiev a déjà considérablement diminué en 2023.

L’Allemagne a joué un rôle de moteur pour l’économie européenne au cours des 30 dernières années ; si, comme c’est le cas actuellement, elle est en proie à des difficultés économiques, cela signifie que la crise s’étendra inévitablement et progressivement à l’ensemble de l’Europe. Et la crise entraîne hausse du coût de la vie, hausse du chômage, réduction des amortisseurs sociaux, augmentation de la concurrence entre prolétaires et aggravation des tensions sociales ; qui sait si elle ne risque pas de réveiller le prolétariat allemand du long sommeil dans lequel il est tombé depuis des décennies...

Après le 24 février 2022, l’Allemagne ne pouvait pas garder une position « équidistante » entre la Russie et l’Ukraine. Ses obligations de membre de l’OTAN et la pression exercée par la plupart des autres pays de l’Union Européenne, des États-Unis et de la Grande-Bretagne, l’ont conduite à prendre le parti de l’Ukraine contre la Russie, en dépit des excellentes relations économiques et politiques qu'elle avaient nouées avec cette dernière. Dans cette guerre, il est clair que l’Allemagne a œuvré contre ses intérêts nationaux. Elle a même dû subir la destruction du gazoduc Nord Stream, qui acheminait le gaz naturel russe à travers la mer Baltique vers l’Allemagne et, de là, vers l’Europe. Cette destruction, d’abord attribuée aux Russes (?!), s’est révélée par la suite être l’œuvre des services secrets ukrainiens, les Américains et les Britanniques étant certainement au courant. La destruction de ce gazoduc s’ajoute aux graves dommages subis par les lucratives affaires de l'Allemagne avec la Russie ; c’est sans aucun doute quelque chose que la bourgeoisie allemande n’oubliera pas facilement et qui s’ajoutera aux humiliations  subies depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui n'ont été atténuées qu'en partie,  par la réunification du pays après la chute du mur, dont le 35e anniversaire se célèbre ces jours-ci.

 

L’INCURSION DÉSESPÉRÉE DES UKRAINIENS AU-DELA DES FRONTIÈRES

 

Le 6 août dernier, avec l’incursion militaire terrestre dans la région russe de Koursk, au nord de Belgorod et à la frontière de la région ukrainienne de Soumy, Zelensky a surpris la Russie par cette action très risquée, même si elle a eu lieu dans une région sans importance décisive dans la guerre en cours. Alors que les troupes russes continuent lentement mais inexorablement de conquérir des kilomètres carrés dans le Donbass, et que l’hiver approche dans une Ukraine sérieusement affectée dans ses réserves énergétiques indispensables non seulement pour la production, mais aussi pour le chauffage des habitations, cette opération a été conçue pour remonter le moral des troupes ukrainiennes en allant « frapper les Russes chez eux » avec l’espoir de pouvoir utiliser par la suite les territoires occupés dans la région de Koursk comme monnaie d’échange pour les territoires perdus dans le Donbass.

Ce n’est pas un fait nouveau ; il est clair que l’Ukraine n’a aucune chance de gagner la guerre, en dépit des déclarations de Zelensky sur une contre-offensive jusqu’à la « victoire ». Ce ne sont pas les tonnes d’armes et les milliards de dollars et d’euros fournis par les impérialismes occidentaux qui permettront à l'Ukraine d’opérer un tournant décisif. Il est de plus en plus évident que, face aux objectifs de la Russie sur le sol ukrainien (possession de la Crimée et des régions russophones du Donbass), les objectifs de l’Ukraine de rétablissement de sa pleine souveraineté sur l’ensemble du territoire national correspondant à ce qui était la deuxième république soviétique de l’ex-URSS (donc y compris la Crimée et Sébastopol) sont très loin d’être réalisables. Les tensions entre le gouvernement de Kiev et la population russophone majoritaire de Crimée ainsi que les populations russophones de Donetsk et Louhansk, se sont inévitablement transformées en affrontements, attisés à dessein par Kiev et Moscou, entre nationalistes russes et nationalistes ukrainiens, de sorte que l’autonomie promise par Kiev aux régions de Donetsk et Louhansk et ratifiée par les accords de Minsk, n’a jamais été mise en œuvre.

Ces accords de Minsk (I et II) avaient été négociés par la France de Hollande et l’Allemagne de Merkel qui entendaient jouer le rôle de « pacificateurs » pour le plus grand bien de leurs affaires tout en montrant à la Russie de Poutine (au pouvoir depuis 1999) leur influence décisive pour désamorcer les tensions qui s’accumulaient dans toute l’Europe de l’Est ; mais ils ont été en pratique vidés de leur sens, Kiev et Moscou  continuant à attiser leur nationalisme réciproque. Les affrontements armés entre les milices séparatistes pro-russes du Donbass et la gendarmerie et l’armée ukrainiennes ont été le prétexte pour la Russie d’envoyer ses militaires « défendre » les populations russophones, avec l’objectif réel de s'emparer de ces territoires. Au-delà de la propagande ukrainienne et occidentale accusant la Russie de viser la reconstitution de l’ancien empire tsariste, à partir justement de l’Ukraine, il est de un fait que – comme tout impérialisme – l’impérialisme russe est lui aussi avide de territoires économiques, d’une population salariée à asservir, de richesses minérales et agricoles, qui ne manquent assurément pas en Ukraine. Et rien de tel que le levier d’un nationalisme exacerbé de part et d’autre pour transformer la confrontation politique et économique en politique de guerre.  Il n'y a pas de doute que la guerre a été voulue et préparée tant par l’impérialisme russe que par les impérialistes européens et américains.

 

OU S’ARRETERA LA GUERRE ?

 

Tous les « plans de paix » que les diverses chancelleries, y compris ukrainienne, ont élaborés et proposés ne servent qu'à tromper les prolétaires surtout ukrainiens et russes massacrés sur les fronts de guerre et dans les villes, mais aussi les prolétaires d’Europe et d’Amérique pour faire passer la dégradation des conditions de vie que cette guerre entraîne aussi pour eux. Tous ses plans se réduisent à des piles de papier destinées à prendre la poussière et à être rapidement oubliées (2). Ils reposaient sur l’hypothèse que l’Ukraine puisse réussir à reconquérir les territoires perdus, mettant la Russie en grande difficulté grâce aussi aux sanctions économiques et financières promulguées à jet continu par l’Occident. Mais après deux ans et demi de guerre, la situation sur le terrain a montré que toute cette propagande n’était qu’un immense château de cartes n'arrivant pas à masquer  la réalité des centaines de milliers de morts et de blessés des deux côtés (3), la destruction de nombreuses villes, usines et infrastructures, la fuite de millions de familles ukrainiennes vers les pays d’Europe occidentale, et la solidification de l’occupation militaire russe non seulement de la Crimée mais aussi de la quasi-totalité du Donbass.

Malgré cette évidence Zelensky a annoncé en prévision de futures négociations avec la Russie, un « Plan de victoire » (4) dans son discours du 18 septembre : « Toutes les dispositions, tous les points principaux, les annexes nécessaires avec les détails du Plan ont été définis. Tout a été mis au point. La chose la plus importante maintenant est la détermination pour le mettre en œuvre. […] Il n’y a pas et il ne peut y avoir d’alternative à la paix, pas de gel de la guerre ou d’autres manœuvres qui ne feraient que déplacer l’agression russe, nous avons besoin d’une sécurité fiable et durable pour l’Ukraine et, par extension, pour toute l’Europe. C’est ce à quoi nous travaillons. »

Ce « plan de victoire » comprend : l’adhésion immédiate de l’Ukraine à l’OTAN et le déploiement de systèmes de défense avancés en Ukraine, l’utilisation d’armes à longue portée sur le territoire russe, le soutien et la poursuite des opérations militaires dans la région russe de Koursk, le refus de la création de « zones tampons » en Ukraine, le remplacement des troupes américaines présentes en Europe par des troupes ukrainiennes, ainsi que d’autres points gardés secrets pour l’instant. C’est ce « plan » que Zelensky a présenté aux deux candidats à la présidence américaine et à l’assemblée de l’ONU, dans l’espoir que, si le vainqueur de l’élection était Trump, il l’accueillerait favorablement dans la continuité du soutien fourni par l’administration Biden.

 

LA GUERRE EST PERDUE POUR L’UKRAINE

 

Et tandis que Zelensky continue de bavarder sur la victoire future, les experts militaires britanniques et américains soulignent aujourd’hui l’impossibilité d’une telle victoire et la nécessité de travailler à la fin de la guerre et à l’après-guerre où l’intérêt  des occidentaux sera de trouver un accord avec la Russie qui ne soit pas trop pénalisant pour l’Ukraine. Dans les futures négociations il n'y a aucun doute que les Américains, soutenus aveuglément par les Britanniques, dicteront les conditions que l’Ukraine devra accepter, et que les pays de l'UE devront essayer de faire bonne figure.

La réponse de Trump ne s’est pas fait attendre. Zelensky est accusé d’être responsable de la guerre : « Il n’aurait jamais dû permettre que cette guerre commence. C’est une guerre perdue » (5), et Biden accusé de l’avoir provoquée. Trump suggère aussi que l’Ukraine pourrait devoir céder une partie de son territoire à la Russie pour parvenir à un accord de paix. Cette proposition est contestée par Zelensky ; s’adressant surtout à la population ukrainienne et à ses soldats, il a élevé la voix et réaffirmé que « l’intégrité territoriale de l’Ukraine n’est pas négociable » (6). Mais même le Royaume-Uni, qui a été avec les Etats Unis l’artisan du naufrage des négociations d’avril 2022, lance un avertissement.

Frank Ledwidge, officier et conseiller de la mission britannique en Afghanistan en 2007-2008, et en Libye pendant et après la guerre en 2011-2012, avait depuis le début de la guerre toujours plaidé la cause ukrainienne et occidentale, confiant que les armements occidentaux fournis à l’armée ukrainienne auraient raison des troupes russes. Mais dès mai 2023, à la question : « L’Occident veut-il vraiment que l’Ukraine gagne la guerre ? » il répondait: « Si oui, il doit augmenter son soutien militaire ». En septembre de la même année, il avertissait : « Le temps se fait court pour la contre-offensive de l’Ukraine. Ses alliés seront déterminants pour la suite des évènements » Mais un an plus tard, le 24 septembre 2024, il publia ce commentaire dans « The Conversation » : « L’Ukraine ne peut pas vaincre la Russie. Le mieux que l’Occident puisse faire est d’aider Kiev à planifier un avenir sûr après la guerre ! » (7)

Dans ce cas, planifier l’après-guerre, ce n’est pas planifier le succès, mais la défaite de l’Ukraine et, par conséquent, de l’Occident. C’est pour faire bonne contenance, puisque la guerre pour Kiev est perdue, et éviter de connaître la même déconfiture qu’en Afghanistan, en Irak ou en Libye. La crédibilité de la superpuissance américaine en serait alors atteinte ce qui pousserait de nombreux pays du soi-disant « Sud global » à rejoindre la Chine et la Russie par l’intermédiaire des Brics ; il est peu probable que les gouvernements occidentaux n’aient pas tiré quelques leçons de ces guerres désastreuses... Dans le cas de la guerre actuelle, il est de plus en plus évident que la tentative, notamment de la part des Anglo-Américains, d’affaiblir la Russie pour la contraindre à accepter un rôle subalterne non seulement en Europe, mais dans le monde, n'a été que partiellement atteint, et au prix du  massacre de centaines de milliers d’Ukrainiens et la destruction de la moitié du pays.

Jusqu’ici les États-Unis ont dépensé pour la guerre en Ukraine en aide financière et en armement, 85 milliards de dollars, tandis que l’Union européenne en a dépensé 118 (ce qui correspond à peu près au budget européen annuel). Evidemment ce ne sont pas des dons mais des prêts à long terme que l’Ukraine paiera cher en termes de soumission politique et économico-financière au capital euro-américain. Dès la déclaration d’indépendance, la « souveraineté nationale » ukrainienne tant vantée après la chute de l'URSS ; n'a été qu'un leurre : d’abord à cause de l’influence de Moscou, ensuite à cause de celle de Washington.

Les raisons des impérialismes les plus puissants n’ont rien à voir avec le bonheur des pays plus faibles, avec la démocratie et l’humanitarisme, avec la « défense » de la « souveraineté nationale » et des « droits ». Ce sont des raisons beaucoup plus pragmatiques et cyniques : élargir et renforcer leur domination sur le plus grand nombre possible de pays et de marchés, en réagissant aux inévitables conflits inter-impérialistes s par tous les moyens à leur disposition, politiques, économiques, financiers et enfin militaires, en faisant en pratique faire la guerre par d’autres peuples, si l’occasion se présente.

Mais même lorsque, comme en Afghanistan, en Irak, en Libye et ailleurs, les impérialistes qui ont mené la guerre ne tirent pas directement l’avantage qu’ils escomptaient et reviennent bredouilles, il n’en reste pas moins qu’ils obtiennent un résultat d’une grande importance, même s'il n'est pas apparent. Ce résultat, c’est que le prolétariat des pays impliqués dans leurs guerres ne se révolte pas contre l’ordre imposé, ne s’organise pas sur le terrain de classe, ne s'engage pas  dans la guerre de classe contre les bourgeoisies locales, c'est-à-dire dans la lutte révolutionnaire de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile pour la conquête du pouvoir politique. Que la guerre soit perdue ou gagnée, si le prolétariat des pays belligérants ne se soulève pas contre les bourgeoisies locales respectives, mais participe à la guerre, la bourgeoisie est victorieuse internationalement ; et elle bâtit son après-guerre, sa paix impérialiste, sur cette victoire de classe

 

QUE CHANGE L’ARRIVÉE DE TRUMP A LA MAISON BLANCHE ?

 

 De nombreuses hypothèses ont été formulées sur les conséquences de la victoire électorale de Trump. Dans sa campagne électorale, qui a débuté après l’assaut du Capitole en janvier 2021, Trump, se vantant que sous sa présidence, l’Amérique n’est entrée en guerre avec personne, a annoncé qu'« en 24 heures », la guerre entre la Russie et l’Ukraine serait terminée. Au-delà de l’esbroufe, caractéristique d’un fanfaron comme Trump, les relations personnelles avec Poutine peuvent jouer un certain rôle. Mais les intérêts internationaux de l’impérialisme américain dépassent sans aucun doute largement les relations personnelles entre le chef de la Maison Blanche et celui du Kremlin. Il existe une différence entre les factions bourgeoises qui ont soutenu Biden et la guerre en Ukraine et celles qui soutiennent Trump. Ces dernières ont pour intérêt prioritaire de contenir l’expansionnisme chinois et d’empêcher le renforcement d’un lien anti-occidental entre la Chine et la Russie, créateur de nombreuses difficultés tant pour l’Amérique que pour l’Europe occidentale. Pour Trump, la guerre entre la Russie et l’Ukraine aurait peut-être dû ne pas éclater, mais il n’a jamais précisé comment y mettre fin. Toutefois, une chose est sûre : le véritable ennemi, actuel et futur, des États-Unis n’est pas la Russie, mais la Chine. Et le vrai problème pour Washington est de s’assurer que les liens entre la Chine et la Russie ne se renforcent pas.

Pour  Biden, ce résultat aurait dû être atteint grâce à l’affaiblissement économique et financier de la Russie obtenu par la guerre en Ukraine, pendant laquelle les pays européens ont été contraints d'accepter les oukases anglo-américain sur les sanctions et l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. La Russie aurait été affaiblie au point de ne plus être un allié « fiable » pour la Chine, ce qui aurait pu la rapprocher à nouveau de l’Occident. Par ailleurs, au-delà des déclarations russes sur l’utilisation de la bombe atomique en cas de guerre de l’OTAN, le véritable intérêt des puissances occidentales n’a jamais été de s’engager dans une guerre contre la Russie. Il suffit seulement de regarder l'état des stocks d’armes des États-Unis, du Royaume-Uni et des pays de l’UE, à commencer par l’Allemagne et la France, pour se rendre compte qu’aucune de ces puissances n’est actuellement prête pour une troisième guerre mondiale. Cela ne signifie pas qu’elles ne s'y préparent pas – comme la Russie, la Chine et même l’Inde « pacifique » . Bien plus que la guerre en Afghanistan, en Irak ou en Libye, la guerre russo-ukrainienne a servi en fait à tester les capacités militaires, politiques et organisationnelles des différents protagonistes sur le terrain. Peu importe si les arsenaux occidentaux se sont vidés, cela a donné l’occasion de se débarrasser d’armements anciens et obsolètes, de tester des armements de nouvelle génération, de mettre en situation réelle la guerre des avions sans pilote – les fameux drones – et de tester sur le champ de bataille la résilience des troupes au sol dans une guerre qui s’est rapidement transformée en guerre d’usure, en guerre de tranchées, prouvant finalement que c’est sur le terrain que la guerre peut être gagnée ou perdue.  

Avec l'arrivée de Trump à la Maison Blanche, des questions d’une importance décisive quant à l’avenir des puissances impérialistes reviennent au premier plan :

La question de l’Europe, c’est-à-dire la tentative de resserrement politique et militaire que les États membres de l’UE voudraient ou pourraient mettre en œuvre et l’intérêt du côté américain de maintenir l’Europe en général sous sa coupe. La question de l’Allemagne qui aura toujours une grande importance, que l’Europe soit unie ou désunie. La question de la Russie, à savoir si cette puissance deviendra le maillon faible ou fort du bloc occidental conduit par les États-Unis ou du bloc oriental conduit par la Chine. La question de l’OTAN, c’est-à-dire la question d’une organisation militaire résistant ou non à l’intensification des conflits entre les différentes puissances impérialistes, conflits qui conduiront inévitablement à la rupture des alliances actuelles et à leur réorganisation. La question du Moyen-Orient, où se concentrent des conflits économiques, financiers, politiques et militaires qui à tout moment peuvent se transformer en casus belli soit locaux ou mondiaux – comme c’est d’ailleurs déjà le cas avec les attaques d’Israël non seulement contre les Palestiniens, mais aussi contre toutes les forces sous l’influence de l’Iran – son ennemi déclaré. La question de l’Indo-Pacifique, une zone qui pèsera de plus en plus lourd dans les relations et les conflits entre les puissances impérialistes et qui, selon toute vraisemblance, prendra le même poids que l’Atlantique au siècle dernier. La question de l’Afrique, continent regorgeant de richesses naturelles dont les capitalismes avancés sont avides et où progressent depuis quelque temps déjà la Chine et la Russie  au détriment des anciennes puissances coloniales, et où les États-Unis n’ont pas une politique bien définie. Au contraire, avec le premier gouvernement Trump, puis celui de Biden, ils ont considérablement réduit leur engagement économique et diplomatique sur ce continent. En outre la politique protectionniste de l’administration Trump, selon ses engagements électoraux, tendra probablement à maintenir l’Afrique au second plan des priorités américaines.

Et enfin la question interne aux États-Unis sur  laquelle Trump  a beaucoup insisté ; pour attirer les  votes de la classe ouvrière et des classes moyennes,  il a mis en avant la nécessité d’améliorer les conditions de vie, en luttant contre la hausse du coût de la vie, et contre les importations étrangères (notamment d’Allemagne, d’Europe en général et de Chine) en augmentant les droits de douane. L’autre volet de la question concerne l’immigration, envers laquelle la Maison Blanche aux mains de Trump adoptera une politique répressive beaucoup plus directe que celle de Biden. La déportation annoncée de centaines de milliers d’immigrants illégaux, qui a été l’un des chevaux de bataille de sa campagne, sera selon toute probabilité considérablement réduite ; en effet l’économie américaine – comme celle des autres pays – a besoin d’exploiter de vastes couches de prolétaires illégaux dont le coût de leur travail est nettement moins élevé que celui des prolétaires indigènes, qui sont soumis à un chantage économique et social, et qui sont utilisés comme une arme pour faire pression sur les coûts de la main-d’œuvre des prolétaires sous contrat régulier et bien payés.

Pour l’Amérique, comme pour l’Europe ou la Chine, les années à venir ne seront pas des années d’expansion économique, mais des années où la lutte contre la crise de surproduction sera encore plus dure qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. La croissance tant attendue, ne sera pas un résultat acquis mais un objectif qui obligera les bourgeoisies dominantes à pressurer toujours plus la classe prolétarienne pour extorquer encore plus de plus-value et à combattre la concurrence étrangère par tous les moyens, y compris militaires. Et comme les tensions sociales tendront à s’accroître, la guerre tendra à devenir une situation permanente non seulement en dehors des frontières de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, mais aussi à l'intérieur.

Les différentes factions bourgeoises seront obligées de se battre les unes contre les autres pour faire valoir leurs intérêts , ce qui ne signifie pas une guerre de tous contre tous ; mais , de même que les monopoles, les trusts, les multinationales se sont développés dans l’économie, de même les blocs appartenant à l’impérialisme dominant continueront à se développer sur le terrain politico-militaire. Un bloc, que les médias ont pris l’habitude d’appeler « occidental », constitué pour la deuxième guerre impérialiste mondiale autour de l’Angleterre et de la France, s’est ensuite développé sous l'égide des États-Unis. L’autre bloc impérialiste qui s’y est opposé s’est formé autour de l’Allemagne d’Hitler et du Japon d’Hirohito, avec l’Italie de Mussolini faisant office de contrepoids historiquement peu fiable, comme elle l’a prouvé dès que la guerre a tourné en faveur des Alliés. Un autre bloc était représenté par l’URSS stalinisée. Ce sont ces trois blocs qui se sont affrontés, d’abord sur le terrain de la concurrence politique et économique, puis sur le terrain directement militaire, avant de se réduire à deux blocs et le passage de la Russie de l’entente avec l’Allemagne, après que celle-ci l’ait soudainement attaquée, à une entente avec les États-Unis.

Il n’est pas certain que ce schéma ne se reproduira pas dans un futur conflit mondial, mais peut-être pas sous la même forme. Et c’est peut-être dans cette dernière perspective que l’Amérique de Trump envisage un futur renversement des alliances: il serait en effet beaucoup plus facile pour l’Amérique d’affronter la Chine en ayant la Russie à ses côtés plutôt que d’affronter la Chine et la Russie solidement unies.

 

APRÈS LA GUERRE IMPÉRIALISTE, LA PAIX IMPÉRIALISTE

 

La paix que Trump dit rechercher dans la guerre russo-ukrainienne pourrait aller dans ce sens : attirer la Russie dans la zone d’influence occidentale pour l’éloigner de la zone d’influence chinoise. Bien entendu, pour attirer la Russie à l’Ouest, compte tenu de son inévitable soif de territoires économiques qui l’a poussée à entrer en guerre contre l’Ukraine, et étant donné que la guerre est favorable à la Russie, il faut d'abord mettre un terme au conflit armé et entamer les négociations. Etant donné que ni les États-Unis, ni l’Europe, et encore moins la Russie et la Chine n’ont aujourd’hui d’intérêt à se faire la guerre, la seule chose en jeu pour que les négociations de paix puissent aboutir, ce sont les morceaux d’Ukraine que la Russie a déjà annexés : la Crimée et une partie du Donbass.

Nous entrons dans la troisième année de la guerre, et ceux qui sont les  plus enlisés et sans perspective de victoire sont les Occidentaux ; les Américains, les Britanniques et les Allemands l’admettent plus ou moins ouvertement. Dans tout cela l’Ukraine a en fait joué un rôle secondaire depuis le début avec l’illusion de pouvoir un jour s’asseoir à la table des puissants, grâce aux centaines de milliers de morts et une bonne partie du pays à reconstruire, pour le plus grand profit des capitalistes euro-américains qui ont déjà commencé à se partager le gâteau. Rien de tel qu’un pays à reconstruire pour redonner de l’oxygène à l’économie capitaliste! La question qui va donc se poser, c’est plus le comment que le quand terminer cette guerre. Ce sont les Américains et les Russes qui en décideront, ce sont eux qui devront trouver un terrain d’entente ; cela ne pourra se faire qu’au détriment de l’Ukraine qui pourra se délecter à nouveau de son « indépendance », de sa « souveraineté territoriale » et d’un redressement économique et « pacifique » sur un territoire mutilé. La guerre pourrait se terminer, comme en 1953 entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, par une ligne rouge à ne pas franchir de part et d’autre ; mais il est plus probable qu’elle ressemblera à une fragile démarcation, acceptée ni par les Ukrainiens ni par les Russophones du Donbass, et sur laquelle les Russes pourraient se comporter comme les Israéliens à l’égard des territoires palestiniens. La paix russo-ukrainienne sera plus une trêve guerrière qu’une période de développement pacifique de l’un ou l’autre pays.

 

L’ABSENCE DE LA LUTTE DE CLASSE DU PROLÉTARIAT

 

Aucun accord entre les bourgeoisies dominantes et impérialistes n’a apporté et n’apporte de bénéfices aux peuples impliqués dans les confrontations interétatiques, sans parler de la paix et de la prospérité hypocritement vantées comme le résultat de la bonne volonté des gouvernants.

Seule la lutte de classe du prolétariat des pays en guerre et la solidarité prolétarienne supranationale ont une chance d’arrêter la guerre impérialiste, en la transformant en la seule guerre avec laquelle il soit possible d’obtenir une véritable paix : la guerre civile, la guerre de classe du prolétariat contre sa propre bourgeoisie et contre les bourgeoisies des autres pays belligérants. En octobre 1917, en pleine guerre impérialiste mondiale, la révolution prolétarienne en Russie a démontré que par la lutte de classe prolétarienne et la guerre civile contre les classes bellicistes à l’intérieur du pays, par la conquête du pouvoir politique, elle pouvait imposer la paix avec l’« ennemi », même au prix de la perte de territoires ; une paix, qui par ailleurs devait être vigoureusement défendue contre les attaques constantes des armées impérialistes, en appelant les prolétaires de tous les pays à la révolution dans leur propre pays.

La situation historique actuelle dans laquelle, décennie après décennie, des guerres sont menées aux quatre  coins du monde, est complètement différente de celle des vingt premières années du siècle dernier, quand les prolétariats européen et russe luttaient sur le terrain révolutionnaire contre leurs bourgeoisies respectives. Le prolétariat russe, européen et mondial, trahi par l’opportunisme social-démocrate et stalinien de ces années-là, s’est finalement plié aux intérêts de ses bourgeoisies nationales – qu’elles soient fascistes, démocratiques ou faussement « socialistes » – avec l’illusion qu’il pouvait participer à la prospérité grâce à la grandeur et à la puissance économique de la « patrie », en acceptant les plus grands sacrifices qu’exige toute guerre.

Après l’hécatombe de la Seconde Guerre mondiale, les prolétaires des grands pays capitalistes, bénéficiant des miettes accordées pour satisfaire leurs besoins les plus pressants, n’avaient plus la force de renouer avec la grande tradition classiste et révolutionnaire des générations prolétariennes précédentes. Génération après génération, endormis par une évolution pacifique dans la démocratie et bénéficiant de toutes sortes d’amortisseurs sociaux, ils se sont habitués à raisonner comme la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, à avoir les mêmes ambitions de ne considérer que leurs carrières personnelles ; ils se sont habitués à ne voir les prolétaires d’autres secteurs, d’autres entreprises, d’autres nationalités que comme des concurrents contre lesquels il faut adoptent les mêmes moyens que les capitalistes et généralement la bourgeoisie, dans la lutte contre leurs adversaires. Non seulement le sentiment d’appartenance à la même classe a été effacé par des décennies de collaboration interclassiste ; en outre la solidarité prolétarienne qui unissait autrefois les prolétaires de toutes conditions et de toutes nationalités a également été complètement perdue. Les millions de prolétaires bombardés et mutilés dans les guerres bourgeoises semblent appartenir à d’autres mondes, pour les prolétaires retranchés entre les quatre murs de leur habitation et jaloux de leurs intérêts individuels. Rien de pire ne pouvait arriver à la classe prolétarienne internationale qui avait fait trembler toutes les gouvernements du monde dans les années 1920.

Mais avec ses horreurs et ses conséquences désastreuses sur la vie quotidienne, la guerre va secouer impitoyablement l'apathie des prolétaires et les pousser à réagir pour leur survie. Leurs avant-gardes devront renouer avec la lutte de classe du siècle dernier – et il n’est pas dit que cela ne soit pas grâce au jeune prolétariat d'Orient ou d'Afrique.

 


 

(1) La région du Donbass peut être écrite avec deux « s » finaux ou un seul ; les deux « s » finaux correspondent à la traduction en russe, tandis que le « s » final correspond à la traduction en ukrainien. Il signifie simplement Doneckij bassejn (lit. « bassin de la Donets », c’est-à-dire de la rivière qui traverse la région).

(2) Voir à ce sujet  « Guerre russo-ukrainienne. Ce sont les plans de guerre, et non de « paix », qui sont au centre des intérêts de l’impérialisme mondial, toujours plus plongé dans des conflits que seule la guerre peut résoudre » (Brochure le prolétaire N° 39, mai 2024 ).

(3) Le Wall Street Journal a écrit en septembre dernier que depuis 2022, le nombre d’Ukrainiens et de Russes tués et blessés dans la guerre qui dure maintenant depuis deux ans et demi a atteint environ un million de personnes ; ce chiffre est une estimation car ni Moscou ni Kiev ne donnent d’informations précises. Voir https://www.rainews.it/maratona/2024/09/kubilius-nuovo-commissario-ue-alla-difesa-mosca-e-una-minaccia-aumentare-le-spese-militari-59d309f5-1bd9-453e-939e-07380f72827b.html. 18.09.2024.

(4) Ibid. 18.09.2024.

(5) Voir https://www.panorama.it/news/dal-mondo/trump-accusa-Zelensky-guerra-ucraina, 18.10.2024.

(6) Ibid.

(7) Cf. il fatto quotidiano, 27 octobre 2024

 

15 novembre 2024

 

 

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