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L'assassinat de Khashoggi et les crimes de l'impérialisme

 

 

L’affaire Khashoggi, ce journaliste saoudien assassiné dans les locaux du consulat d’Arabie Saoudite en Turquie par un commando venu tout exprès et après avoir été sauvagement torturé, a défrayé la chronique. Les journalistes et commentateurs ont glosé sur la sauvagerie saoudienne (avec parfois des sous-entendus racistes), et effectivement sauvagerie il y a eu.

En fait cette sauvagerie est celle de la classe dominante dans ce pays, que n’a pas pu longtemps cacher la figure du prince Mohammed Ben Salmane (dit MBS) jusque-là présenté par les médias occidentaux comme un démocrate éclairé, après les quelques gestes qu’il avait accomplis: ouverture de cinémas (pour que la jeunesse dorée puisse regarder les films passés au crible de la censure), autorisation de conduire pour les femmes (à destination des bourgeoises).

Mais depuis l’accession de MBS aux rênes du pouvoir la disparition des opposants ou leur décapitation a continué à être la règle, de même que l’arrestation des démocrates bourgeois, hommes ou femmes. On peut devenir quel doit être le sort des prolétaires...

Cette sauvagerie est soutenue et entretenue par les impérialistes. Donald Trump a été obligé de faire des déclarations de condamnation du meurtre de Khashoggi; ce dernier, qui avant de devenir opposant à MBS, était un fidèle de la cour saoudienne (1), était chroniqueur du Washington Post, le quotidien le plus influent de la capitale américaine, et il avait des contacts réguliers avec des responsables américains sur les affaires du Moyen-Orient.

Mais Trump n’a pas hésité à publiquement déclarer que le plus important dans l’histoire, c’était les 100 milliards de dollars de contrats d’armement espérés avec Ryad: tant de dollars valent bien le démembrement d’un gêneur!

Avant d’être contraint de revenir sur ses paroles, il avait jugé «crédibles» les explications invraisemblables des autorités saoudiennes qui, finissant par admettre le meurtre de Khashoggi, l’ont attribué à une bagarre qui aurait mal tourné.

La réaction du gouvernement français a été encore pire: il n’a pas émis la moindre critique ni même le moindre commentaire, avant que les Britanniques et autres ne déclarent condamner le crime: qui ne dit mot consent.

 Là aussi les ventes d’armes priment; même si par rapport aux Etats-Unis (61% des achats saoudiens d’armes) et à la Grande-Bretagne (23%), les ventes françaises directes sont peu importantes; elles se comptent cependant en milliards d’euros si on inclue les financements saoudiens aux achats à la France de l’Egypte et du Liban. D’ailleurs Macron doit se rendre en Arabie Saoudite à la fin de l’année pour conclure de nouveaux contrats. Pas question donc de mettre en péril les profits des industriels français de l’armement! Pas question donc d’accéder à la proposition, par ailleurs hypocrite, de l’Allemagne que tous les pays européens gèlent de nouveaux contrats d’armement à Ryad (Merkel a affirmé qu’il n’était pas question de remettre en cause ceux qui ont déjà été passés!). Quant au gouvernement espagnol du socialiste Sanchez il a confirmé il y a peu la vente de bombes à l’Arabie Saoudite, tandis que le premier ministre canadien vient de déclarer qu’il serait «très difficile» de mettre fin au contrat de vente de blindés à ce pays...

En avril dernier le porte-parole du gouvernement français défendait ces ventes à l’Arabie Saoudite: «Il y a un intérêt clair pour l’industrie française (...). Pour restaurer l’influence de la France dans certaines zones du monde, c’est un élément important de notre diplomatie. Notre industrie a aussi besoin de trouver des débouchés sur ces marchés» (2) C’est ce qu’on appelait autre fois la diplomatie des marchands de canons...

Cette diplomatie s’est exercée avec éclat dans le soutien à la sale guerre de l’Arabie Saoudite et de ses alliés au Yémen, qui ne pourrait pas durer sans l’appui américain, anglais et français. La France a d’ailleurs été, sous Hollande, le premier pays à soutenir l’Arabie Saoudite à ce sujet: Fabius, le ministre des Affaires Etrangères, s’était précipité à l’époque pour soutenir le gouvernement saoudien, alors que les Etats Unis étaient réservés.... L’impérialisme français n’a pas hésité à intervenir directement dans ce conflit par des vols de reconnaissance ou même en remplaçant la flotte saoudienne dans le blocus du pays, lorsque celle-ci était immobilisée par des opérations de maintenance (3)!

Les impérialismes américains mais aussi français et britannique sont donc directement complices des attaques contre les civils yéménites, contre les hôpitaux et les infrastructures de base, des bombardements de bus scolaires cyniquement revendiqués par l’armée saoudienne et de la famine qui fait des ravages à cause du blocus: selon les chiffres de l’ONU, 8 millions de personnes souffrent de la famine, plus d’un million sont infectées par le choléra, etc. Les ONG bien-pensantes (Amnesty International, HRW, etc.) avaient demandé respectueusement à Macron de faire pression sur MBS pour que l’armée saoudienne arrête de bombarder les civils et qu’elle laisse passer l’aide humanitaire. Ce serait risible si la situation n’était pas si tragique!

Depuis toujours la monarchie saoudienne est le serviteur de l’impérialisme, d’abord britannique qui avait installé les Saoud à la tête de ce pays (lui donnant même son nom!), puis ensuite américain. Le développement capitaliste du pays n’a pas modifié fondamentalement cette situation, même si son immense richesse pétrolière lui a donné une marge de manoeuvre indéniable. L’impérialisme est donc coupable des crimes que commet la classe dominante saoudienne: le commanditaire de l’assassinat de Khashoggi est sans doute le prince MBS; mais les commanditaires du meurtre des populations yéménites et de l’oppression du peuple saoudien se trouvent à Washington, à Paris et à Londres – et ils y seront encore même si MBS est finalement éliminé.

Ce sont eux qui sont les plus dangereux, ce sont eux qu’il faut dénoncer d’autant plus quand ils se camouflent derrière des déclarations hypocrites, ce sont eux qu’il faut combattre!

 


 

(1) Jamal Khashoggi était l’homme de confiance du prince Turki Al-Fayçal, ambassadeur pendant plusieurs années de l’Arabie Saoudite à Washington – poste-clé des relations entre les deux pays – et auparavant chef des services secrets du Royaume. Mais il tombera en disgrâce avec la venue au pouvoir de MBS.

(2) cf https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/les-ventes-d-armes-ont-un-interet-clair-pour-la-france-assure-griveaux-1415420.html

(3) cf: «L’impérialisme français sème la mort au Yémen», Le Prolétaire n°527        

 

 

Parti Communiste International

24 octobre 2018

www.pcint.org

 

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