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Espagne

Chez Nissan, 3 000 licenciements directs et 13 000 autres indirects.
Ce qui ne ferme pas aujourd'hui, fermera demain.
 

 

 

Jeudi dernier 28 mai la société Nissan a finalement annoncé la fermeture de son usine de Barcelone. Après plusieurs mois de rumeurs, d'appels au calme du gouvernement et d'une grève des travailleurs de plus de vingt jours, l'entreprise, qui avait sa principale usine en Espagne dans la zone franche de Barcelone, a annoncé que sa décision est définitive.

À la suite de cette fermeture, les trois mille travailleurs de l'usine seront licenciés et les près de treize mille employés par les sous-traitants qui fabriquaient des composants pour la multinationale suivront bientôt le même chemin. L'entreprise, présente en Espagne depuis les années 80, prend part avec ces licenciements au plan de restructuration de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Ce plan prévoit de réorganiser la production d'automobiles dans différentes régions du monde en fonction de critères de vente: là où chaque entreprise est la plus forte, un type correspondant de véhicule sera produit (Nissan en Asie et Amérique du Nord, Renault en Europe et Amérique du Sud, Mitsubishi en Asie du Sud Est). Dans cette répartition, les premiers perdants ont été les travailleurs de Nissan et de ses sociétés sous-traitantes en Espagne, mais il y en aura beaucoup d’autres.

Le plan de réorganisation de la production lancé par le groupe Nissan-Renault est sa réponse à la crise du secteur automobile. Bien qu'elle soit en gestation depuis 2016 (année où les ventes de voitures ont pratiquement stagné), cette crise s'est aggravée au cours de l’année dernière parallèlement à la crise des bénéfices dont souffre le secteur métallurgique dans son ensemble, notamment en Europe, mais aussi en Chine et aux États-Unis, et que seule la crise économique et sociale provoquée par la pandémie de coronavirus a réussi à cacher.

 Car ce n'est pas seulement Nissan qui ferme: le même jeudi, la presse a annoncé que la multinationale Alcoa, qui se consacre à la production d'armements et dont la principale usine d'aluminium se trouve en Espagne, fermera également ses portes, laissant mille travailleurs sur le carreau, parmi le personnel embauché ou dépendant directement d'une manière ou d'une autre. Et plus tôt ce mois-ci, Arcerol Mittal a annoncé une ERTE (1) (jusqu'en décembre! Beaucoup plus que ce qui est stipulé par la législation du travail imposée pendant l'état d'alarme) pour 8 000 travailleurs. La crise capitaliste retombe toujours sur le dos des prolétaires et lorsqu'elle éclate, elle balaie tout sur son passage.

Pour continuer  avec le secteur automobile, Renault lui-même a déjà annoncé qu'il mettra en œuvre le plan de délocalisation de la production et qu'il ajoutera également une réduction des coûts de production à ce qu'il a appelé « Self-Help ». Cette baisse consiste à favoriser l'automatisation en termes d'ingénierie, à augmenter la production par travailleur, passant de 80 véhicules par opérateur à 91en deux ans et, enfin, à réduire l'effectif total d'environ 15 000 travailleurs dans le monde. Renault suit donc la même tendance que Nissan ces dernières années: éliminer tous les travailleurs qui ne sont pas strictement nécessaires et accroître la pression sur ceux qui ne sont pas licenciés en augmentant les rythmes de travail.

Une situation similaire se retrouve dans toute  l'industrie. Il n'y a pas de cas particulier: les entreprises qui ferment aujourd'hui et licencient tous leurs salariés donnent le ton à celles qui le feront demain. La crise économique est causée par une production excédentaire de biens d'équipement que le marché ne peut absorber ; et elle est exacerbée par la rivalité entre les puissances impérialistes qui luttent entre elles  pour fournir à leurs entreprises une plus grande part d’un marché saturé. Les entreprises ne peuvent répondre à cette crise qu'en diminuant les charges, en réduisant les coûts, notamment de la main-d'œuvre, afin de maintenir leurs bénéfices dans les limites de ce qu'ils considèrent comme rentable.

Le plan Renault-Nissan en est un exemple très clair: d'abord l'usine de Barcelone, qui était une cible de la multinationale depuis des mois, puis le plan de restructuration de Renault, qu'ils tenteront de faire passer une fois qu’ils auront discipliné les travailleurs des usines par la peur des licenciements. Avec cela, ces entreprises sont à l’avant-garde de la classe bourgeoise: ce sont elles qui contrôlent une bonne partie de la main-d'œuvre dans des régions comme Barcelone ou Valladolid. En imposant leurs mesures aux travailleurs, elles aident d'autres entreprises à imposer les leurs plus facilement. En « restructurant » établissement par établissement, elles empêchent un éventuel mouvement de solidarité ouvrière de se propager, elles divisent chaque territoire, afin d'éviter à tout prix l'unification des luttes ouvrières. En brisant l'énergie de classe des travailleurs de Nissan et leur influence potentielle sur la classe prolétarienne dans la région de Barcelone, elles espèrent vaincre plus facilement le reste des prolétaires.

Face à cette situation, la réponse des grands syndicats automobiles et des différents partis politiques qui se disent ouvriers  consiste  uniquement, ou à accepter la défaite, ou à lancer des proclamations absurdes, apparemment radicales mais impuissantes. Au cours des mois précédant la fermeture de Nissan, les Commissions Ouvrières (CC.OO) comme l'UGT, n’ont eu qu’un seul slogan: l'usine de Barcelone est rentable et le gouvernement doit accorder des facilités  à l'entreprise pour qu'elle reste ouverte. La stratégie de ces organisations collaborationnistes, politiques et syndicales est essentiellement d'exiger que les bourgeoisies locales et nationales fassent un effort sous forme d'aide publique, de facilités fiscales, etc. pour maintenir la production. C'est une stratégie axée sur la défense de l'emploi à tout prix, l'acceptation des pertes sur tout le reste, l’acceptation de licenciements pour les catégories inférieures, des  ERTE, etc., qui a derrière elle une longue histoire de défaites.

Depuis la reconversion industrielle, quand la « viabilité économique » était exigée pour des régions entières dévastées par les fermetures de grandes entreprises métallurgiques, minières, etc., les organisations syndicales collaborationnistes ont imposé aux prolétaires toutes sortes de sacrifices pour que les usines restent ouvertes ... jusqu'à ce que le sacrifice final arrive et les licenciements. Argent public, subventions et aides de toutes sortes, heures supplémentaires, baisses de salaires, licenciements ... tout pour maintenir l'industrie locale en vie, pour sécuriser le poste de travail... Comme si les prolétaires se nourrissaient  avec le poste de travail, comme si l'industrie locale payait les emprunts. Dans la société capitaliste, les prolétaires, dans le secteur automobile, dans l'hôtellerie, à la campagne ou dans tout autre secteur, ne vivent du salaire qu'ils ne touchent que si leur force de travail est achetée par les employeurs. C'est le salaire, ainsi que les conditions de travail qui l'accompagnent, qu'il faut toujours et de manière intransigeante défendre: un salaire, qu'il y ait ou non du travail.

Les prolétaires de Nissan revendiquent depuis des mois que l'usine ne soit pas fermée. Maintenant, qu’elle est sur le point de fermer, que font les syndicats comme CC.OO. UGT, UTILISATION, etc.? Ils laissent ces prolétaires à la rue, comme l'a fait l'entreprise. Pendant des années, ils ont exigé d’eux la responsabilité, la discipline, des sacrifices  pour que l'entreprise soit rentable ... Et maintenant qu’elle ne l’est plus, il n'y a plus de marge de manœuvre pour se battre.

A titre d'exemple de cette politique anti-ouvrière, on voit comment les syndicats Renault se réjouissent que les usines de cette entreprise en Espagne soient rentables ... Alors que l'ensemble du patronat automobile se prépare à une offensive contre les prolétaires qu'elle emploie , CC.OO. et l'UGT affirment dans leurs communiqués que leur bonne pratique syndicale rentabilise le modèle économique de Renault en Espagne. Ils exaltent le particularisme, l'égoïsme, tout petit espoir mesquin comme l'idée que ce qui est arrivé aux travailleurs de Nissan,  n’arrivera pas aux travailleurs de Renault.

Mais pour les prolétaires, cette politique n'est que du pain pour aujourd'hui et de la faim pour demain. Les lois économiques d'un système basé sur le profit imposent leurs diktats à toute la bourgeoisie et cela se répercute tôt ou tard sur les prolétaires: baisses de salaires, licenciements, etc. Si les prolétaires renoncent à la lutte, même pour des revendications minimales, ils sont pieds et poings liés face aux patrons.

Peu importe pour la  classe prolétarienne si une entreprise est rentable ou non, si elle est économiquement viable ou non. A Barcelone, Nissan recevait constamment des aides publiques, l'État subventionnait une partie de la production pour la rendre efficace, sans parler des plans de relance de la consommation comme le « «Prever », par lesquels les constructeurs sont payés directement une partie du coût de production de chaque voiture. Cela signifie que la bourgeoisie peut payer, peut céder ... elle le fait quotidiennement pour maintenir la production, augmenter les profits. La lutte des prolétaires peut donc la faire reculer, mais seulement si elle est menée avec des moyens et des méthodes classistes, qui tendent à l'unification des prolétaires de tous les secteurs sur la base de la défense exclusive des intérêts prolétariens. Quand les salaires baissent, les cadences de production augmentent, on licencie ... la bourgeoisie invoque l’excuse de la rentabilité, de l'efficacité, une excuse. Mais la vérité est que ce ne sont pas des gravées dans le marbre : les bourgeois peuvent être vaincus ... à condition de lutter, si les intérêts prolétariens sont défendus avant toute autre considération, si les moyens et méthodes de lutte des classes sont assumés, si la solidarité s'étend au-delà des limites de l'usine, de la ville ou du pays.

Et si une entreprise ferme, quand, comme c'est le cas, la crise la rend non concurrentielle d'un point de vue économique, c'est la bourgeoisie elle-même, son État capitaliste, qui doit prendre en charge la survie des prolétaires. L'Etat bourgeois est toujours prêt à défendre les intérêts des capitalistes et leurs profits, et il les défend aux dépens du prolétariat. Le prolétariat ne peut et ne pourra jamais attendre de l'État une véritable défense de ses conditions de vie car les intérêts bourgeois que celui-ci soutient et dont il est l'expression, sont totalement antagonistes de ceux du prolétariat. C'est pourquoi les prolétaires, obligés de travailler pour toucher un salaire, de même qu’ils sont contraints de lutter pour que ce salaire soit suffisant pour vivre, ils  doivent se battre pour un salaire lorsque les entreprises les licencient, les jetant à la rue. Si elle se déroule sur le terrain de classe, la lutte des prolétaires ne dépend pas et ne dépendra jamais du montant d'argent accumulé par l'entreprise qui les a licenciés au fil des ans ou de sa décision de continuer à fonctionner avec le soutien de l’Etat.

Les prolétaires ne doivent pas entrer dans les méandres de la comptabilité bourgeoise, car celle-ci répond à des critères de revenus et de profit capitalistes, et c'est à ces critères que répondent également les organisations syndicales et les politiques de collaboration entre les classes. Les capitalistes et les collaborationnistes sont autant ennemis du prolétariat que la comptabilité bourgeoise. L'intérêt de classe du prolétariat s'oppose frontalement à tout intérêt directement bourgeois et  de conservation sociale; pour défendre les intérêts prolétariens y compris sur le terrain immédiat, comme la lutte contre l'augmentation des taux de travail, pour la réduction drastique de la journée de travail, contre les licenciements et pour un salaire de chômage, les travailleurs doivent rompre le pacte de solidarité avec les employeurs et l'Etat que les syndicats collaborationnistes ont imposé, chez Nissan, chez Renault et dans toutes les entreprises.

Les conséquences de la crise, la faim, le chômage et la misère, ne peuvent être atténués que par une lutte réelle et quotidienne de la classe prolétarienne, par delà  les divisions selon les secteurs, les catégories, le sexe, l’âge, la nationalité et la région; une lutte qui comprend que les patrons et l'Etat qui les défend sont l'ennemi de classe, contre lequel il faut organiser ses forces  de manière indépendante et en dehors de toute collaboration de classes.

Lutter contre les licenciements et contre les impositions de l'entreprise, c'est lutter pour le salaire, c'est lutter pour l'unité des travailleurs contre les patrons et contre les syndicats collaborationnistes!

 

Pour la réorganisation indépendante sur le terrain syndical, pour l'extension de la lutte à toutes les entreprises  du groupe Nissan-Renault-Mitsubishi dans la perspective d’une extension  à l'ensemble du secteur automobile!

Pour la réduction drastique de la journée de travail !Pour la baisse des rythmes de travail!

Ou salaire de travail, ou salaire de chômage!

 


 

(1) ERTE (Expediente de Regulación Temporal de Empleo) : Il s'agit d'une procédure autorisant  de licencier des travailleurs, de suspendre des contrats de travail ou de réduire temporairement la durée du travail, lorsqu'une entreprise rencontre des difficultés techniques ou organisationnelles menaçant sa survie

 

 

Parti Communiste International

30 mai 2020

www.pcint.org

 

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